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28 mai 2015

L'ENTREPRISE DEFINIT SA MISSION, CHOISIT SON DOMAINE


Série : Marketing stratégique      


                               A vous de comprendre ce que vous faites mieux que 
quiconque et de concentrer résolument vos efforts là-dessus.
A. Grove, Intel


Toute entreprise propose un produit donné, opte pour une mission spécifique. Définir celle-ci revient à s’interroger sur son métier, sa vocation, le pourquoi de son activité. Le métier des fabricants de logiciels est de faciliter le traitement de données ; celui des opérateurs de téléphonie est la transmission de la voix à distance, celui des assureurs est de garantir des biens ou des personnes… 
La mission s’appuie sur l'identification de l’histoire de l'entreprise, des préférences de ses dirigeants, des possibilités et contraintes de l'environnement, de ses ressources et ses compétences distinctives… (1) C’est l’énoncé – en une phrase ou un paragraphe – de ce qu’elle veut et peut accomplir. C’est sa raison d’être, l’aspiration suprême qu'elle s’emploie continuellement à atteindre. Le groupe immobilier Jamaï l’a exprimé ainsi dans un spot (en 2006) : « Jamaï, le partenaire de la famille marocaine à la recherche d’un logement ».
Le site d’Unilever, il y a encore trois ans, affichait la rubrique « notre mission » ; aujourd’hui, il est question de « notre vision ». Mais les deux notions ne sont pas à confondre. La vision formalise un état futur désiré, en l’occurrence : « doubler la taille de notre société, tout en réduisant notre impact environnemental ». C'est une projection reposant sur une perception de l'avenir et sur la place qu'on veut occuper dans le secteur. La vision peut être modifiée en raison de circonstances conjoncturelles et internes alors que la mission est en principe stable.  En somme, se donner une vision, c'est tendre à accomplir la mission de l'entreprise en procurant à tous les acteurs un idéal à plus ou moins long terme.

Mission et domaines nouveaux

Trop de dirigeants perdent de vue l’impact crucial d'une mission d’entreprise bien formulée. Comme P. Drucker l’a noté il y a plus de quarante ans, « la plus importante raison de frustration et d'échecs dans les entreprises provient d'une réflexion insuffisante de la raison d'être de l'entreprise, de sa mission ». (2)
La mission permet de transmettre une image forte et claire aux clients comme aux actionnaires ; elle permet avant tout de mobiliser les employés et d’harmoniser les décisions prises au quotidien. C’est la force persuasive qui guide la réflexion et l’action. Elle montre dans quelle direction une organisation doit se développer. Elle ne doit donc pas être connue par la seule hiérarchie. Il importe au contraire de la formaliser et la communiquer à chaque collaborateur pour lui permettre de l’appréhender, d’y adhérer et d'en tenir compte.

La mission est orientée nécessairement vers le marché : il s’agit de répondre à un type de besoin déterminé. Bien la cerner est de fait la première étape fondamentale de la démarche stratégique. « La mission doit avant tout définir le métier et le marché dans lequel l'entreprise cherche à se profiler. Cette définition du contexte commercial est une empreinte qui sert à définir la stratégie d'entreprise ». (3) Toutefois, le marché évolue en permanence, le consommateur exprime de nouvelles aspirations. Pour y répondre, l’organisation peut être amenée à redéfinir sa mission. Dans le cadre d’une stratégie de diversification, elle investit dans un domaine nouveau, en s’écartant du couple produit/marché actuel. Elle développe une activité plus ou moins liée à celle d’origine mais qui requiert forcément l’acquisition d’un nouveau savoir-faire, voire d’un nouveau métier.
Il en est ainsi de Reynolds Tobacco (Marlboro) qui a décidé de développer deux nouveaux métiers. En rachetant Nabisco, leader mondial de l’agroalimentaire, la société s’est assurée une diversification stratégique dans une industrie stable et rentable. De plus, en lançant la marque de vêtement Malboro portant le nom de sa cigarette vedette, elle espère contourner l’interdiction de publicité qui frappe le tabac. Shell s’est également orientée vers un nouveau métier. Le leader mondial de la pétrochimie a compris que les ressources mondiales en pétrole arriveront à épuisement d’ici un demi-siècle. C’est alors dans les énergies renouvelables que la multinationale a décidé de se diversifier. Le slogan de Gerber, le fabricant d’aliments pour bébés, était « Gerber prend soin des bébés, rien que des bébés ». Mais l’évolution démographique l’a contraint à se lancer dans l’imprimerie et l’assurance. D’où un nouveau slogan : « Gerber prend soin des bébés depuis plus de 50 ans ». (4)
  
Au Maroc, entre les banques et les sociétés de crédit y a-t-il concurrence ? Par le passé, un banquier a affirmé : « Nous considérons que chacun fait son métier dans son secteur. Nous n'avons pas le même type de clientèle ». (5) Mais l'environnement change : la chute des taux d'intérêt observée il y a quinze ans a lourdement érodé les marges. Les banques de la place ont été contraintes de renforcer les activités génératrices de commissions. Cela s'est traduit par l'adoption des nouveaux métiers de la finance (intermédiation boursière, gestion d'actifs…) et le lancement de produits divers, tels les polices d'assurance, les crédits à la consommation et le leasing. Certaines banques sont allées jusqu'à créer ou racheter des compagnies d'assurance ou des sociétés de crédit à la consommation.
La société Sapak, spécialisée en charcuterie et volaille (marque Koutoubia), s’est implantée contre toute attente dans l’immobilier. Le groupe développe un nouveau savoir-faire, investit lourdement dans un domaine jusque-là inconnu. La décision comporte donc des risques certains. Celui d’abord de s’aventurer dans un métier insuffisamment maîtrisé. Sur un marché inaccoutumé, la position concurrentielle de la société sera peut-être difficile à maintenir. A ce propos, son fondateur T. Bimezzagh a dit (en 2010) : « j’y suis venu par hasard ; il n’était nullement dans mes intentions de me lancer dans un domaine qui n’est pas le mien »Certes, la décision en l’occurrence n’a pas eu de résultat fâcheux, mais il n’est pas bon de bouleverser son métier à chaque fois que l'environnement semble l’insuffler ; on ne choisit pas un domaine d’activité par hasard.

Les périls du métier mal connu
S’aventurer en territoire inconnu peut s’avérer très périlleux, même lorsque la demande est ou semble prometteuse. Une définition de mission indique le champ d’activité fondamental et les limites qu’il convient de ne pas franchir. Jadis, parallèlement au transport ferroviaire, l’ONCF gérait ses propres hôtels (les Moussafir, Transatlantique, Palais Jamaï à Fès). Une telle activité laissait à désirer et était structurellement déficitaire. En 1998, la décision a donc été prise de l’abandonner (vente au groupe Accor) et de se recentrer sur le métier de base.    
Les produits qu’on veut lancer doivent absolument préserver la cohérence de l’image de l'entreprise. Considérons le cas de Lévi-Strauss, le spécialiste des pantalons jeans. En 1979, le PDG déclarait : « Lévi-Strauss est une entreprise de produits de consommation qui fabrique entre autres des vêtements »… Cette définition était tellement vague qu’on risquait de s’avancer sur un terrain mal connu. La marque n’avait justement pas tardé à lancer des collections « habillées » et coûteuses. Résultat : entre 1980 et 1982, le chiffre d’affaires a baissé de 10 % et le résultat net de 76 %. Finalement, les dirigeants ont décidé de se cantonner aux vêtements décontractés qui collent bien à l’image de la société : les jeans, les pantalons et chemises Dockers. (6)  
Le cas de Swatch (horlogerie) est encore plus éloquent : la diversification dans les vêtements s’est soldée par un échec retentissant. Sur ce créneau, les concurrents étaient trop nombreux (t-shirts de Hong Kong…) et en 1992 la nouvelle activité a été arrêtée. Par la suite, la diversification a porté sur les lunettes et les produits high tech : téléphone cellulaire (en couleurs fluo), télécopieur, voiture électrique (hybride et ludique)… Aucune de ces tentatives n’a réussi. La Smart lancée en 1994 (avec le partenaire Mercédès) a conduit quatre ans plus tard à un échec. La marque s’est trop écartée de son métier de base : les montres amusantes et accessoires.

Quelle leçon retenir ? La mission est une source de motivation qui montre de quelle façon on doit limiter le champ d’activité. Elle ne saurait être perdue de vue par les décideurs. Sa définition doit être claire au départ. Une définition univoque et stable facilite l’orientation concrète de l’organisation ; elle est nécessaire aussi pour le moral du personnel.  
Les définitions trop larges sont dangereuses : opter pour un nouveau métier comporte le risque de s’aventurer sur des marchés hétérogènes et celui de disperser les compétences. Les définitions trop restreintes sont tout aussi hasardeuses. Lorsque les dirigeants de l’ONCF axaient leur métier strictement sur les chemins de fer, ils limitaient ipso facto leur marché au transport ferroviaire, en perdant de vue la menace de la route et du transport aérien… Il convient en fin de compte de naviguer entre les deux écueils.

Thami BOUHMOUCH
Mai 2015
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(1) Cf. Philip Kotler et Bernard Dubois, Marketing management, éd. Publi-Union, p.36.
(4) Alexander Hiam et Charles Schewe, MBA Marketing - Les concepts, éd. Maxima, p. 77.   

(6) Cf. A. Hiam et Ch. Schewe, op. cit., pp. 43-44.


                                                                                       

18 mai 2015

LE MARKETING : UNE DEMARCHE EN TROIS TEMPS


Série : Marketing stratégique  

Le praticien du marketing ne travaille pas en vase clos. Il est attentif aux diverses variables susceptibles d’agir sur le marché-cible – des variables qui sont source d’incertitudes et dont les effets sont nécessairement considérés dans le processus de décision. Qu’elle soit petite ou grande, l'entreprise est autonome, mais elle s’intègre au milieu dans lequel elle agit. C’est un système ouvert : en plus des intrants conventionnels (outillages, énergie, etc.) l’environnement lui fournit l’information qui fondera ses choix et actions. (1)
De là, on constate que le marketing procède en trois temps : connaître/analyser, décider, agir. C’est un processus qui correspond aux trois facettes constitutives du marketing : analytique (en amont), puis stratégique et enfin opérationnelle. Ces pans de la démarche sont totalement dépendants les uns des autres et s’enchaînent dans un ordre logique. 


Connaître, décider, agir
1. Une décision stratégique est avant tout le fruit d’une réflexion et d’une capacité de jugement. L’écoute du marché et l’analyse des données collectées s’imposent comme un préalable inéluctable. Une stratégie doit être mise à l'épreuve du terrain, s’accorder avec les variables qui agissent sur elle. Il s’agit d’étudier les composantes du marché et de l'environnement, tout en évaluant les ressources et contraintes de l'entreprise.
Il peut arriver que dans une situation d’urgence l’information ne soit pas immédiatement disponible. Le praticien du marketing s’en remet alors à son intuition (ou à celle de ses collaborateurs). Toutefois, on tend à se fier d’une façon exagérée au flair du manager, à son expérience et ses capacités à anticiper les problèmes. Ce qui surprend en effet : « c’est qu’on introduit le rationnel dans la gestion de l'entreprise à propos des problèmes techniques mais que, par contre, au niveau des décisions, on fait confiance essentiellement aux capacités innées de certaines personnes, à leur expérience, à leur manière spontanée de prendre les affaires ». (2)
Snober la première étape, c’est-à-dire suivre totalement son intuition, peut s’avérer fatal. Le temps de réflexion est à même d’assurer le recul nécessaire par rapport aux évènements survenus sur le marché et ainsi de renforcer l'efficacité de l’action. On notera à cet égard que l’information n’a aucun sens en elle-même. C’est le décideur, selon sa conception et les contraintes du moment, qui lui donne un sens. (3)
2. Le marketing est un champ de prise de décision. Une fois que l’information nécessaire est recueillie et analysée, l'entreprise se détermine en faveur de telle ou telle orientation. Elle peut d’abord envisager plusieurs options stratégiques, puis choisir celle qui répond le mieux à ses vœux, compte tenu de ses possibilités et contraintes. Elle peut par exemple décider de lancer un nouveau produit pour conquérir un nouveau marché.
Les choix stratégiques ne sont pas opérés par une hiérarchie inaccessible et autoritaire. Il y a bien longtemps que la structure traditionnelle pyramidale a été décriée. Il est important de faire participer les principaux cadres à la prise de décision afin de valoriser le potentiel de chacun, d’augmenter l’efficacité du groupe tout entier, de contribuer à créer un climat de confiance.
3. L'analyse mène normalement à la prise de décision et celle-ci à la mise en œuvre opérationnelle. Les options choisies sont concrétisées sur le terrain. Si par exemple l’objectif fixé est d’améliorer le chiffre d’affaires, on entreprend de mener une action publicitaire et/ou de baisser le prix de vente.
Pour qu'une décision soit mise efficacement à exécution, il faut impérativement qu'elle soit appréhendée de façon univoque par les acteurs qui vont l'appliquer et que ceux-ci y adhèrent et la partagent. L’action doit être contrôlée ensuite en cours de route. C’est le rôle du management d’effectuer un suivi régulier pour vérifier si les résultats obtenus sont bien conformes à ce qui a été prévu. L’évaluation méthodique des actions engagées nourrit à nouveau l’analyse, car la démarche fonctionne en boucle. La cohérence entre les différentes étapes du processus est essentielle.

Les deux visages du marketing
Cette manière de poser le problème amène à se demander : sur quel horizon la réflexion et la décision doivent-elles porter ?
Si le marketing devait se limiter au temps présent, il se focaliserait sur les problèmes d'organisation et les tâches effectuées au jour le jour… sans tenir compte d’une réalité en mouvement. S'il devait s'en tenir au long terme, il se tiendrait à l’écart du travail accompli au quotidien et donnerait l'illusion de préparer l'avenir en restant dans sa tour d’ivoire. En fait, les décisions portent à la fois sur le court terme et sur un futur plus ou moins distant. Le marketing a bel et bien deux visages : stratégique et opérationnel.     
Le marketing stratégique, relevant du moyen ou même du long terme, est situé en amont. Il s'appuie sur l'évaluation des capacités propres de l'entreprise et sur l'analyse systématique du milieu externe. Il porte sur le choix des orientations fondamentales (conquérir des marchés, se positionner, diversifier l’activité ou se recentrer, prendre le leadership). Le marketing opérationnel, à horizon court, prend en charge l’immédiat, l'action sur le terrain ; il est centré sur la mise en œuvre concrète des choix effectués.
Une opposition cependant à nuancer : le marketing est en même temps un système de pensée et un système d'action. Les deux paliers ou séquences sont complémentaires. Sans le volet opérationnel, le meilleur des plans stratégiques ne peut aboutir. La réalisation des objectifs dépend de façon décisive des acteurs mobilisés. Les équipes commerciales sont aux premières loges : elles observent le client, captent les réactions du marché, permettant d’ajuster au mieux les choix et les actions. Par exemple, la remontée de l’information (une réclamation) concernant un conditionnement peut conduire à une rectification... L’instance stratégique n’est donc pas séparée du terrain… 
A l'inverse, il n'y a pas d'action efficiente sur le terrain sans réflexion préalable, sans une vision stratégique avisée. Le marketing opérationnel ne peut créer une demande là où le besoin fait défaut ; il ne peut maintenir en vie un produit rejeté. Le marketing, avant d'être opérationnel est d’abord un processus d'investigation.
Dès lors, des liens de coopération entre le marketing et le commercial sont inévitables. Ils assurent la synergie et la cohérence entre les équipes. Lors de la définition de la ligne stratégique, le décideur marketing ne saurait ignorer les aspects opérationnels de la vente. Face à lui, les acteurs sur le terrain approchent le public-cible et cherchent à mesurer sa perception du produit. Réciproquement, la direction des ventes est amenée à s'appuyer sur les études effectuées par le marketing.
On s’aperçoit ainsi qu’au sein de l'entreprise la fonction marketing occupe une place centrale autour de laquelle s’organisent les autres fonctions. La position interface du marketing lui permet de diffuser les informations collectées sur le marché et d'influer sur l'action des divers intervenants (production, force de vente, R/D, finances...). Il prend, autant qu'il est possible, la responsabilité du contrôle et de la coordination de l'ensemble. Il devient une fonction intégrative. (4)

Thami BOUHMOUCH
Mai 2015
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(1) Cf. Le marketing dans son environnement : contraintes et incidences, http://bouhmouch.blogspot.com/2013/07/le-marketing-dans-son-environnement.html
(2) Eugène Enriguez, Les problèmes de gestion dans l'entreprise, éd. Dunod.
(3) Cf. S’informer pour prendre des risques calculés, http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/sinformer-pour-prendre-des-risques.html
(4) Cf. Marketing interface [1/2] : une vision intégrative globale, http://bouhmouch.blogspot.com/2012/07/marketing-interface-12-une-vision.html

10 mai 2015

PHASE POST-ACHAT : L'ENTREPRISE NE PERD PAS DE VUE LE CLIENT


Série : L’acte d’achat 


L'acte d’achat, rappelons-le, ne se réduit pas à sa portion congrue, c'est-à-dire l’acquisition du produit : il couvre les étapes avant, pendant et après l’achat. (1) Le praticien du marketing est tenu de savoir comment le consommateur reçoit l'information, comment se forment ses préférences et comment il se décide. Il doit aussi s’interroger, au stade où l’achat est effectué, sur l’état psychologique du sujet (satisfaction, mécontentement) et sur son comportement ultérieur. (2)

Eviter le mécontentement du client
La dissonance cognitive résulte avant tout des promesses annoncées et non tenues. De fait, l'entreprise se doit de transmettre une image fidèle de son produit, mettre en avant ses avantages réels. L'écart entre la performance attendue et la situation vécue sera d’autant plus important que les attributs indiqués ont été amplifiés. Il en sera de même de la déception ressentie… La dissonance peut être due également à une utilisation inadéquate du produit par le client. Il importe alors de prendre soin de l'étiquetage et des brochures en indiquant clairement le mode d'emploi, le dosage, les précautions à prendre et les conditions de conservation. Il en est ainsi de la notice d’utilisation d’une imprimante ou d’un lave-linge, de l’usage d'un insecticide, du procédé de conservation du café, du lavage et repassage d'une chemise, etc.  
Si le produit acheté n'a pas permis d'atteindre l’état souhaité (promis par la marque), le problème initial demeure non résolu et le processus décisionnel est censé se déclencher de nouveau. C’est une expérience fâcheuse à laquelle il convient de prendre garde : le client risque fort d’être perdu. Le concept de satisfaction post-achat est très important pour au moins cette raison. C’est une phase cruciale dans le cas des achats répétés. L'essentiel est non pas de vendre un produit mais de satisfaire réellement l’acheteur. L'entreprise vise la fidélité à la marque ; elle achète des clients.
Le concept de satisfaction est d'une extrême importance pour une seconde raison : l’individu déçu aura tendance à en parler autour de lui. Les déceptions après l’achat doivent être atténuées rapidement afin de garantir la logique client satisfait = futur prescripteur. Aucune entreprise ne souhaite un bouche-à-oreille négatif. Il n'y a pas pire publicité que le jugement d'un consommateur mécontent.
Le praticien est tenu de s’assurer que le produit offert correspond ou surpasse les attentes. Il doit alors vérifier régulièrement le niveau de satisfaction des clients par le recours aux enquêtes, à la force de vente et au service de l’assistance téléphonique. La satisfaction, il est vrai, est un phénomène difficile à mesurer avec précision, mais c’est bien son appréciation qui permettra d’atténuer la dissonance et d’apporter des rectifications s’il y a lieu.

Les moyens possibles
Observons le consommateur après l’achat : il s'efforcera de valoriser tout ce qui peut justifier le choix qu’il a effectué et tiendra pour négligeable les alternatives écartées. Il va chercher à éviter ou réduire la dissonance en étant réceptif aux informations qui le confortent dans ses croyances initiales ; il va au contraire éviter de voir/entendre les informations qui les contredisent.
Le responsable marketing gagne à tirer parti de ce phénomène sensible. La communication publicitaire lui permet tendanciellement de réduire ou prévenir toute dissonance possible, de montrer que les exigences du client sont une priorité pour l'entreprise. Les messages pourraient présenter des consommateurs satisfaits (sous forme de témoignages), rappeler le poids du fabricant ou éventuellement sa position de leader, etc. C’est d’autant plus important que l’acheteur tend à s’intéresser plus qu’avant aux annonces portant sur le produit acheté. Outre son objectif d'information, la publicité ne cherche pas seulement à faire acheter, elle a aussi pour rôle de rassurer le client après l'achat, de réduire ou prévenir toute dissonance possible. C’est son rôle de conforter le consommateur dans son choix en lui démontrant – ex-post – le bien-fondé de son action par des arguments rationnels rassurants.  
D’autres mesures après l’achat sont possibles. On peut envoyer des lettres à tous les nouveaux acheteurs pour les féliciter de leur choix (le cas des banques et des concessionnaires de voitures). On peut contacter par téléphone dans la semaine les consommateurs qui ont fait un achat supérieur à un montant donné, pour leur demander s'ils sont satisfaits (distribution d’électroménager). Les visites du représentant quant à elles conviennent aux produits industriels.
La garantie de remboursement peut également conforter le client après l’achat.  Il n’y a pas longtemps, le spécialiste de l'électroménager Cramer faisait cette promesse : « Si vous trouvez moins cher, Cramer vous rembourse la différence et vous offre un cadeau ». De même la garantie d’un service après-vente performant sécurise l'acheteur. Promettre un SAV complet et rapide permet de se distinguer des concurrents – surtout lorsque ceux-ci présentent à peu près les mêmes avantages aux yeux du client. En pratique, c’est ce service qui révèle les défauts ayant fait l'objet d'une réclamation.
Les réclamations, justement, sont des comportements très utiles à analyser. Il importe à cet effet de mettre en place un mécanisme permettant d'identifier rapidement les réactions du client. A bien y réfléchir, les messages de protestation sont constructifs : « ils précisent en effet les conditions réelles d'utilisation des produits et, de ce fait, révèlent souvent des opportunités d'amélioration, voire de nouvelles idées de lancement. Le phénomène des blogs a considérablement amplifié ce type de réactions et beaucoup d'entreprises souscrivent maintenant à des abonnements de veille Internet qui les alertent dès que le nombre de mentions de l'entreprise ou de ses produits prend des proportions inattendues ». (3)
Au Maroc, le call center s’est développé à partir de 1999. C'est un service dont la vocation est de gérer à distance la relation que les entreprises souhaitent entretenir avec leurs clients ou prospects. Il vise divers buts : assistance aux clients ou au réseau de distribution, gestion de la relation, fidélisation... Le numéro vert (gratuit), relié au service après-vente, vise aussi à susciter le contact avec le client et à améliorer l’image de marque. L'important est la capacité de l'entreprise à résoudre les problèmes soulevés, à s'occuper rapidement des plaintes.  
Dans les cas extrêmes, les fabricants sont obligés de retirer leurs produits du marché. Le constructeur Renault, par le passé, s’est vu contraint de rappeler des dizaines de milliers de son modèle Kangoo, ici et là dans le monde, après avoir détecté une possibilité de défaillance des mécanismes de la ceinture et des airbags frontaux. IKEA, le distributeur de jouets, a un jour découvert lors d’un contrôle de routine que les animaux en peluche perdaient leurs yeux trop facilement (les enfants pouvaient les avaler). Les articles défectueux ont alors été vite repérés, la vente interrompue et les clients remboursés. La démarche a permis de prévenir les accidents, d'éviter les déceptions et la colère des consommateurs. Le coût du rappel importe peu si l'opération permet de renforcer la crédibilité de la marque.

Thami BOUHMOUCH
Mai 2015
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(1) Cf. article précédent : Le modèle EKB du comportement d’achat et ses limites  http://bouhmouch.blogspot.com/2015/01/le-modele-ekb-du-comportement-dachat-et.html
(2) Cf. article précédent : Comprendre le comportement d’achat : une source de valeur  http://bouhmouch.blogspot.com/2014/05/comprendre-le-comportement-dachat-une.html
(3) B. Dubois, M. Vanhuele, « Comportement du consommateur » http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/#