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25 septembre 2012

LES ENTREPRISES PARLENT AUSSI EN INTERNE



Toute activité humaine organisée tend à répondre à deux exigences essentielles et d'apparence contradictoires : la division du travail prévu en diverses tâches et la coordination de ces tâches en vue de l'accomplissement de ce travail. Or la nécessité de coordination suppose et s'appuie sur un effort de communication.
L'entreprise est un réseau de compétences et les salariés sont des acteurs. Pour atteindre les objectifs fixés, l’entreprise doit naturellement mobiliser l'ensemble de son personnel. Cela n’est possible que si on le tient informé des changements, que ce soit dans la politique adoptée ou les projets de développement. « Pour devenir constant et fructueux, votre objectif stratégique doit obséder toute l'entreprise. Pour instaurer délibérément cette obsession du haut en bas de l'organisation, balisez clairement le cheminement vers les différentes étapes pour l'atteindre. Ensuite, communiquez, communiquez et communiquez encore ». (1)  
L'entreprise parle ; elle parle à l'extérieur et aussi à l'intérieur. Elle adresse la parole à la fois aux consommateurs et à ses propres collaborateurs. Outre qu'un sentiment de confiance doit être développé dans l'une et l'autre direction, les discours ne doivent diverger en aucune manière. Imaginons une entreprise faisant un éloge triomphal pour ses produits et son image de marque, tandis que ses employés racontent des choses épouvantables sur les conditions de travail à leur entourage. On ne peut d'ailleurs bien communiquer en externe si on ne communique pas bien en interne.

Communication interne, un outil capital
La communication interne est une des déclinaisons de la communication d’entreprise, une composante d’un système global d’organisation des flux d’information. C'est désormais un outil de base sur lequel s'appuie le management, un outil capital pour mobiliser les ressources humaines autour d'un projet fédérateur. De là, le but ultime de la communication interne consiste à recueillir des informations, puis à les diffuser pour permettre à l'organisation – en tant que construit humain – d'exister et de progresser. Nous ne pouvons pas nous approprier ce que nous ne comprenons pas. Le flux de messages n'a de sens que s'il donne lieu à des actions visibles, des résultats tangibles. En plus d'être régulier, il doit être adapté et accessible en permanence. Une bonne diffusion d’informations à l’intérieur est un moyen d’améliorer la cohésion du personnel et sa motivation. Elle permet de développer le sens du collectif.
Il s'ensuit qu'au sein de la structure la démarche ne saurait être unilatérale. Les organisations tayloriennes, comme les organisations pyramidales, ne s'engagent pas à proprement parler dans un processus de communication. Il y a un émetteur qui transmet un message et un récepteur qui reçoit (ou pas) ce message. La hiérarchie se préoccupe peu des réactions, du problème de l'adhésion.
En revanche, les organisations en réseau mettent l'accent sur le dialogue et l'écoute. Dans des dynamiques de changement, « l’information, qui est la matière première de la décision, n’est pas donnée mais elle est construite ». (2) Il s'agit non seulement d'émettre un message, mais aussi d'établir une relation collective entre les différents acteurs. La relation traditionnelle de soumission au Makhzen est obsolète (c'est le style imposé par l'ex-directeur de l'OCP). Il importe que les salariés aient des points de référence en termes d'image, se rapportent à une culture partagée plutôt qu'à un chef/staff péremptoire et absolu. La diffusion d'informations concourt justement au renforcement de la culture d’entreprise et du sentiment d’appartenance. Elle permet, si elle est bien conçue, de décloisonner les services, de défaire les « territoires ».
Tout bien considéré, « la communication interne n'a pas pour mission d'infantiliser, d'aliéner, de manipuler, de nourrir la propagande, de servir la langue de bois. Elle met en place un langage commun en organisant les relations entre l'individu et l'entreprise… Elle n'écarte pas de son champ d'action les désaccords, les ruptures, les conflits et les crises, sachant qu'il n'y a pas pire crise que la non-crise. Elle n'a pas pour prétention de régler les conflits mais elle contribue à créer un climat où il fait bon travailler ». (3)

Favoriser le feed-back
Au Maroc, pendant longtemps, la règle d'or était de communiquer le moins possible, le plus tard possible et seulement du haut vers le bas. Aujourd'hui, la fonction communication interne commence à évoluer dans le schéma organisationnel. Dans la plupart des cas, il est vrai, les dirigeants se contentent de placarder un  avis ou une notification. Mais les plus exigeants s'obligent à publier périodiquement un journal interne... 
L'important toutefois n'est pas qu'une telle publication soit imprimée sur papier glacé et en quadrichromie, qu'elle félicite tel salarié pour la naissance de son bébé ou tel autre pour son départ à la retraite (« après avoir donné le meilleur de lui-même »). Le journal d'entreprise, loin d'être un gadget ou un hobby, peut jouer un rôle considérable. Il porte avant tout sur l'entreprise et son fonctionnement ; il contribue à expliquer la démarche générale adoptée, à vulgariser les nouvelles valeurs, à renforcer l'adhésion du personnel aux décisions et projets de l'entreprise ; il peut comprendre une revue de presse. Grâce à l'outil informatique désormais, le journal est disponible quotidiennement sur de multiples écrans.
Divers outils de communication sont possibles : à part le journal (ou revue) interne, il y a les panneaux d’affichage, les notes de service, le réseau Intranet, l'e-mail…
Dans les PME, où le dirigeant centralise les processus, le message est transmis aux collaborateurs, la plupart du temps sans le souci de sa réception, encore moins de son impact. Dans les grandes structures, en revanche, la « com interne » est soit un service autonome, soit un département au sein de la direction de Communication. On y perçoit une volonté d'adapter l’information véhiculée aux exigences du destinataire. Chez Lydec à Casablanca, « une fois par an, une écoute interne est réalisée par le département Etudes de la direction Marketing pour évaluer la politique de communication interne dans sa globalité, les supports d’information mis en place et identifier les attentes des collaborateurs. Les résultats de ces enquêtes sont exploités et font l’objet d’un plan d’action ». (4) C'est de cette manière que la direction a appris notamment que l'information par voie d’affichage est la mieux prisée par le personnel. (5)


Vu que les salariés sont tenus d'appréhender les problèmes posés et de s'approprier les solutions envisagées par le groupe, la langue de bois est absolument contre-indiquée. Si le souci principal d'un périodique est de faire plaisir à la direction générale, quel est son intérêt ? S'il se complait à faire l'éloge des décisions adoptées, s'il passe sous silence les vrais problèmes, s'il fait l'impasse sur un conflit, ne perd-il pas toute crédibilité ? A cet égard, nombre de cadres rencontrés réagissent plutôt mal : « Dès que le journal [interne] arrive sur mon bureau, je le mets à la poubelle. Les gens de la com interne nous prennent pour qui ? ».
Quel que soit donc le moyen adopté, il est impératif de favoriser le feed-back. Ainsi, au-delà de la transmission de l'information, l'idéal serait que le journal d'entreprise soit un forum d'écoute des suggestions des collaborateurs... Les données doivent circuler de bonne grâce et dans tous les azimuts. Là où règnent la rétention de l'information et l'étanchéité des services, les antagonismes et l'inefficacité s'installent. A coup sûr, le cloisonnement égocentrique désarticule et affaiblit l'organisation...
Encore faut-il avoir les facultés intellectuelles requises pour l'instauration d'une bonne communication. Car, dans un pays comme le Maroc, les meilleures dispositions se heurtent toujours à l'obstacle du degré de scolarité. Le recours aux nouveaux outils est en vérité freiné à la fois par le sous-équipement en matériel informatique et par l’analphabétisme qui touche une partie du personnel (fabrication, livraison, service-après-vente). L'employé qui ne sait pas lire et qui n'a pas accès à l'ordinateur est à coup sûr marginalisé.
Un tel handicap est une entrave considérable, vu que la culture d'entreprise requiert un niveau d'abstraction plus élevé que celui nécessaire à l'assimilation des procédés techniques. Il y a vingt ans, H. Esmili abondait dans ce sens : « Il existe un décalage entre la réalité linguistique et culturelle de la masse des salariés d'une entreprise et l'image que cherchent à donner de cette réalité les congrès et séminaires, les journaux internes, les bulletins de liaison, les feuilles d'information, etc. ». (6) Par cela même, l'idée prévaut que les réunions de groupe permettent une meilleure mobilisation et sont beaucoup plus efficaces que l'élaboration d'un périodique...
La meilleure communication ne dépend-elle pas tout simplement du canal qui fonctionne le mieux ?

Thami BOUHMOUCH
Septembre 2012
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(1) R. Whiteley et D. Hessan, Les avantages compétitifs de l'entreprise orientée clients, éd. Maxima 1997.
(2) Cf.  http://www.bordeaux-conseil.com  Je souligne.
(3) Cf.  www.manager-go.com
(5) Et ce n'est pas pour autant que l'atmosphère soit idyllique : il n'est pas rare que la direction générale refuse de dialoguer avec les représentants des employés.  
(6) Hassan Esmili, Les enjeux linguistiques et culturels de l'entreprise, Revue Marocaine de droit et d'économie du développement, n° 28 – 1992.


3 septembre 2012

LES EMPLOYES DEMOTIVES NE VOIENT PAS LES CLIENTS



 « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait » Mark Twain


Tous les intervenants au sein de l'organisation s'activent autour d'un projet fédérateur et, à ce titre, sont regardés comme les premiers clients du marketing... C'est le point examiné ci-après.

D'ordinaire, l'entreprise est perçue comme une unité économique, un lieu de production, une organisation de vente... Parfois, elle est même confondue avec ses dirigeants. Or, par-dessus tout, c'est un microcosme humain, un système social où les interactions ne sont pas seulement rationnelles mais aussi affectives. Les sujets impliqués sont mus par des intérêts, des sentiments et des émotions. Ce sont eux qui règlent le cours de l'organisation et façonnent son destin. La valeur de leur travail dépend de leurs qualités intrinsèques et de la formation qu'ils ont reçue ; elle dépend aussi de leurs habitudes mentales, de leur engagement intime vis-à-vis de l'entreprise, du genre de rapports qu'ils entretiennent avec elle.
Je reprends sur ce point un texte antérieur : « Les comportements sont pluridéterminés : rationalités diverses, intérêts immédiats, passions, dispositions d'esprit, références culturelles se combinent d'une manière continue. Les processus décisionnels sont concrètement marqués par les représentations que se font les acteurs des rapports hiérarchiques, par leur conception du temps, leur vision des choses et des hommes ». (1)

L'implication du public interne
Dans un monde où les rivalités s'intensifient, les capacités d'adaptation de l'entreprise dépendent fondamentalement de la collaboration enthousiaste et résolue des différentes catégories du personnel. Les batailles de compétitivité sur un marché mondial ouvert se gagnent avec des troupes mobilisées. La notion de ressources humaines, selon une formule connue, signifie non pas que les hommes eux-mêmes soient des ressources mais que les hommes ont des ressources. Comme le disait à juste titre le patron de Wincor Nixdorf, « on ne peut rien faire avec de belles solutions sans motivation ».
C'est de motivation positive qu'il s'agit : le harcèlement, l'intimidation et la menace ne rendent pas un employé plus productif. La motivation est définie comme une aspiration qui détermine le comportement, met en mouvement, fait agir. La boutade de Mark Twain, citée en exergue, l'exprime assez bien. Au delà des acquisitions techniques, le dynamisme d'une organisation repose sur l'implication forte et loyale de l'ensemble du personnel. Il est impératif d'impliquer les partenaires internes réellement, sans céder à la « réunionnite » – ce vice qui consiste à faire de la réunion un but en soi.
Le style de management gagne à émaner de ces préoccupations. L'idée est de mettre en valeur le génie et les prédispositions du personnel, de tenir celui-ci informé de tout ce qui se rapporte à l'organisation, de lui permettre d'accéder à la direction générale sans protocole. Le système d'évaluation doit reposer sur le développement du potentiel, éviter que le salarié éprouve un sentiment d'injustice.
L'entreprise marocaine en général ne fait pas l'effort d'impliquer son public interne. Déjà elle est fortement handicapée par quantité de malformations : absence de frontières nettes entre les responsabilités des uns et des autres, refus de formuler des règles précises pour traiter des problèmes particuliers, dilution des discussions lorsqu'elles sont engagées sans que la question ne soit clairement tranchée, etc.
La réalité observée ne laisse aucun doute : un clivage subsiste entre ceux qui pensent le travail et ceux qui l'exécutent. Le patron recrute, déplace, licencie, récompense ou sanctionne selon ses impressions et son humeur. Il s'adonne à la critique excessive, aux avertissements et au chantage. Bien entendu, il n'a pas raison en toutes circonstances, mais les cadres veulent tous être de son avis et surtout se gardent de le contrarier. Soucieux avant tout de flatter l'ego du chef, ils finissent par renoncer définitivement à exprimer leurs idées.
L'employé désabusé a tôt fait de baisser les bras : « je viens ici, dit-il, pour gagner un morceau de pain, pas pour changer le monde ». Il se ferme à la communication, se focalise sur les rivalités personnelles au détriment des objectifs. Les conflits sont étouffés ou camouflés, rarement négociables. Comme le droit à l'erreur est rejeté, la résignation finit par régner. Le salaire n'a plus qu'un caractère alimentaire.
Il n'est que de voir cette société de secours médico-technique à Casablanca où la situation matérielle et morale des salariés s'est beaucoup dégradée. L'entreprise investit des millions de dirhams dans l'action de restructuration et de rénovation des systèmes informatiques, mais ne se préoccupe pas assez du capital humain. Les tâches du personnel du front line sont très sensibles : secourir un client blessé ou malade, rapatrier un corps de l'étranger, remorquer une voiture endommagée, etc. Quels efforts faut-il solliciter d'un employé lésé et désenchanté ?


On entend ici ou là que la stratégie de l'entreprise du 21ème siècle sera de plus en plus ascendante (bottom-up). Encore faut-il s'en convaincre et agir en conséquence d'une manière concrète... Au Maroc, disons-le, on est loin du compte. Une structure pourrait-elle évoluer dans un système de crainte, de passivité et de non-contestation ? L'analyse de l'erreur y est-elle possible ? Le fait est que la démarche marketing – par essence – suppose la participation et la collaboration de tous les membres de l'entreprise. De là, on peut dire que le premier client marketing est à l'intérieur de l'entreprise. L'employé est un client privilégié ; c'est lui qui est chargé (à un niveau ou à un autre) d'appliquer la ligne stratégique retenue, de réaliser les objectifs tracés.
Tous les acteurs, du patron au camionneur, se préoccupent de mériter durablement la fidélité du client. C'est lorsque tous les intervenants – y compris les non-commerciaux – adoptent l'idée de travailler pour le client que le marketing devient une véritable philosophie d'entreprise. L'efficacité et la performance passeront de plus en plus par la motivation tangible des salariés. Le bon sens suggère qu'un individu motivé a plus de chance d'être performant. E. Bittar précise toutefois, que motivation et performance sont corrélées, sans être strictement associées par une relation de cause à effet. Car « la performance est déterminée en partie par les capacités individuelles du travailleur. Celles-ci interagissent avec les motivations pour augmenter la performance ». (2)

L'employé insatisfait produit de l'insatisfaction
L'épanouissement personnel de tous les acteurs est un facteur décisif. Un PDG a dit un jour : « je suis très heureux de voir autour de moi des gens heureux dans l'entreprise ». Le propos ne saurait être mis sur le compte de la démagogie... La fonction ressources humaines est considérée à juste titre comme le catalyseur des actions futures. Comment peut-il en être autrement ? A l'évidence, le personnel insatisfait ne peut produire que de l'insatisfaction. Des individus timorés, méfiants, démotivés ne se préoccupent que de leur propre survie. Ils ne voient pas les clients.
On sait que l'actionnariat salarié permet de fidéliser et de stabiliser le personnel en l'associant davantage au projet de l'entreprise. La rémunération de l'argent placé étant directement liée aux efforts fournis, un climat social sain tend à s'instaurer. En particulier, la pratique des stocks-options (adoptée depuis longtemps par l'ONA, Alcatel...) est considérée comme un prix d'excellence pour les cadres performants.

« On ne se bat pas, on ne s'engage pas, on ne prend pas de risques, on ne s'investit pas pleinement pour une part de marché ou un ratio d'endettement. [...] La réussite économique [...] ne sera obtenue qu'au prix d'une grande motivation et d'une grande implication. Elle sera donc fondée sur des sentiments humains forts ». (3) C'est que les motivations ne sont pas données, ni décrétées. Il ne suffit pas d'offrir un « bon salaire » ou de céder une portion du capital. (4) Loin de constituer un simple palliatif, la considération est un facteur mobilisateur très puissant.
« Le besoin d'être compris, écouté, d'appartenir à une équipe, à une entreprise, à un clan nécessite des qualités de coach de la part des responsables ». (5) Un employé en effet intègre une entreprise avec le souhait de progresser ; il est en quête de responsabilité et de stabilité. Il aspire à faire partie du groupe, à participer à une œuvre commune et, en même temps, à disposer d'un espace de liberté d'action, à être reconnu en tant qu'individu (besoin d'appartenance et besoin d'estime, selon A. Maslow). (6) « Le manque de reconnaissance des employés a un coût en termes de baisse de productivité, de baisse de la qualité des produits et services et de baisse des profits ». (7) Lorsqu'un acteur crée un produit de qualité, lorsqu'il adopte un comportement centré sur le client, il doit être complimenté et encouragé. « Le moyen le plus facile et le plus efficace d'augmenter l'estime de soi des employés consiste à les féliciter de manière franche et sincère pour les tâches qu'ils accomplissent bien ». (8)
Le processus de prise de décision est avant tout descendant, mais l'entreprise ne se réduit nullement à un lieu où l'on reçoit les ordres. Le personnel doit être associé par ses idées et suggestions à l'amélioration ou même la conception des produits (besoin d'accomplissement). Pourquoi ne pas tirer profit de toutes les matières grises ? Pourquoi l'effort créatif serait-il réservé à une poignée de cadres, pourquoi ne pas l'étendre au personnel de base ? « Une philosophie de la participation doit être authentique. Vous devez réellement croire que la qualité de vos décisions augmentera grâce à la participation des personnes qui les exécuteront. Vous ferez d'une pierre deux coups, [...] non seulement vous les motiverez, mais vous tirerez profit d'un processus amélioré ». (9)
Au Maroc, la culture d'entreprise demeure foncièrement makhzenienne. Derrière les discours affectés sur les nouveaux modes de management se cachent des patrons encore peu disposés à convenir de l'importance cruciale du capital humain. Dans les entreprises, comme je l'ai noté précédemment, « les structures sont de type militaire, avec une cascade de niveaux hiérarchiques. Les salariés sont réduits à des tâches d'exécution, constamment placés en situation d'infériorité. Leurs supérieurs sont inaccessibles, œuvrent pour davantage de pouvoir, un plus gros salaire, un bureau plus vaste. Les collègues sont perçus comme des concurrents. D'instinct, ils sont combattus, contrecarrés, écartés ». (10)
On parle à profusion du « coût de la non-qualité », il faudra bien qu'on commence à faire cas du coût de la non-motivation. « Une personne démotivée effectuera son travail, mais ne participera pas à la créativité [...] et ne réalisera pas de progrès. Or, c'est la créativité qui est à la base de la valeur ajoutée apportée à l'entreprise ». (11) La démotivation est une plaie : le salarié désengagé s'absente ou traîne les pieds. L'essentiel n'est certainement pas d'organiser des réunions, de placarder des slogans à la gloire du client. Les intentions et les convictions à l'échelon de l'état-major ne sauraient suffire. Le moral est un état d'esprit qui intensifie la motivation. Le mépris hiérarchique et la mentalité dite de « petit chef » sont destructeurs : ce n'est pas avec des gens rabaissés qu'on construit une organisation, qu'on acquiert une position viable sur le marché. Pour reprendre le propos d'un professionnel, « le Marocain, quel que soit son statut, est très sensible à la reconnaissance et au respect de sa dignité ». (12)
Il est des entreprises où, en plus d'un salaire de base élevé, les employés reçoivent des primes de production, de qualification et de transport ; tout le personnel ouvrier est couvert par une assurance maladie, adhère à la caisse de retraite, bénéficie de la 4ème semaine de congé payé, d'un mois de prime en cas de mariage, etc. Il faut avoir discuté avec les personnes concernées pour mesurer l'impact de tels avantages sur les comportements quotidiens. Le slogan « le besoin du client passe avant celui du personnel » est dénué de sens. Si les employés sont estimés, formés et bien rémunérés, ils seront (normalement) engagés et loyaux. Si l'employeur ne respecte pas son salarié, il y a peu de chances pour que celui-ci respecte la clientèle.
A l'inverse, la satisfaction des clients contribue sensiblement à la satisfaction des employés. Le fait d'être en rapport avec des clients comblés stimule les esprits et crée une ambiance favorable au travail. Finalement, l'objectif est de parvenir à une combinaison complexe de performance et d'humanisme, où s'équilibrent le souci constant du client, le bien-être des salariés et la prospérité de l'entreprise.

Récapitulons.
Le dynamisme de l'entreprise repose sur l'implication forte et loyale de l'ensemble des collaborateurs. L'employé est un client privilégié ; c'est lui qui est chargé d'appliquer la ligne stratégique retenue. Il ne peut satisfaire la clientèle que s'il est lui-même satisfait de sa situation au sein du groupe.

Thami BOUHMOUCH
Août 2012
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(1) T. B., L'entreprise, dans son environnement socioculturel, http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/lentreprise-dans-son-environnement.html
(2) Eric Bittar, Place de la motivation en psychologie du travail, in : www.univ.reims.fr
(3) Jean-Philippe Pecoul et Michel Santi, Fortune faite, l'expérience des grands créateurs d'entreprises français du XXè siècle, Dunod.
(4) Les salariés considéreront comme « normale » la satisfaction des besoins physiologiques et de sécurité. Voir la pyramide d'A. Maslow in : http://bouhmouch.blogspot.com/2012/04/le-besoin-notion-et-ordre-prioritaire.html
(5) Marc Allard, Former au marketing de la demande, revue Banque Stratégie, juillet-août 1998. N. B. : coach (anglicisme) désigne la personne chargée de l'entraînement d'un sportif, d'une équipe.
(6) Cf. T. Bouhmouch, La culture au pays de l'entreprise, communication au Colloque international Capital humain et croissance économique, organisé par l'EDHEC, 10-11 avril 1997 à Casablanca (Hôtel Hyatt Regency). Voir sur http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/la-culture-au-pays-de-lentreprise-pour.html
(7) Richard Thibodeau, La reconnaissance au travail, in : richard.thibodeau@croyancesdebase.com
(8) Merge Gupta-Sunderji, La motivation des employés, CGA Magazine, nov.-déc. 2003. Cf. www.mergespeaks.com
(9) M. Gupta-Sunderji, ibid.
(10) T. B., Le premier client marketing est à l'intérieur de l'entreprise, in :  http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/le-premier-client-marketing-est.html
(11) Bouchaïb Najioullah, directeur de Adéquation, interview in L'Economiste, 17/09/2001.
(12) Le DG de Suzuki, cité in Motivation : augmenter le salaire ne suffit pas, L'Economiste, 06/01/2003.