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10 octobre 2014

LES MOTIFS PROFONDS DE L’ACTE DE CONSOMMATION


Série : Compréhension du consommateur


Au même titre que les facteurs d'environnement (famille, groupe de référence, classe sociale, culture), examinés dans les papiers précédents, les facteurs propres à l'individu (psychologiques, endogènes) agissent sur son comportement en déterminant ses critères de choix et ses préférences. Il s'agit pour l'essentiel des motivations, de l'apprentissage (expérience) et des attitudes… Considérons le cas d’un individu désirant manger une pizza. La pizzeria qu’il choisit, parmi les possibilités qui s'offrent à lui, répond parfaitement à ses exigences de qualité, d’hygiène et de standing (motivations) ; il s’y est rendu plusieurs fois en famille et se rappelle toujours le cadre agréable et la célérité des employés (expérience) ; en somme, il en a une opinion favorable (attitude).
Ces trois notions, empruntées à la psychologie, sont au centre de la réflexion marketing. Seule la première est abordée ici.

La motivation est dans notre tête
Le besoin, on le sait, est une donnée incontournable. Il ne saurait toutefois être appréhendé dans un sens rudimentaire, limité à sa dimension physique/physiologique (manger, boire, se protéger...). C'est de ce constat que découle l’intérêt accordé à la notion de motivation. Cette notion, en permettant l’analyse psychologique du comportement humain, est essentielle pour comprendre l’acte d’achat.
La motivation est une pulsion positive, une force psychologique (ou psychique) qui pousse à agir dans un sens donné. C’est une pression – innée ou acquise – que le consommateur tend à atténuer en prenant position face à un produit. Ainsi, lors de l'achat d’un savon de luxe, une femme a des motivations corporelles autant que psychiques. Ce qui est important pour elle, c’est ce qu’elle croit qu’elle obtient pour son argent. Le problème se situe aussi bien dans ses mains (sa peau) que dans sa tête… Dans la sphère industrielle, contrairement aux apparences, les choses ne sont pas totalement différentes : « les achats sont bien rationnels, mais rationnels au sens où ils sont effectués en fonction d’objectifs tout à la fois précis et doubles : l’acheteur vise en effet à atteindre les objectifs de l'entreprise, mais il possède ses propres buts ». (1) Il a ses priorités, ses craintes et préoccupations personnelles.  
Les motivations indiquent ce qui se passe dans la tête du consommateur ; elles sont rationnelles ou émotionnelles, le plus souvent inconscientes.
Elles sont définies par Audigier « comme étant des forces inconscientes poussant l'individu à réduire un état de tension en orientant son action dans la recherche d'une satisfaction. En tant que vecteurs dynamiques, les motivations représentent la cause profonde des comportements ». (2) Il y a toujours des mobiles informulés. Pourquoi achète-t-on des produits minceur ? Parallèlement à son désir de perdre du poids, le consommateur a besoin d'être valorisé. Bien souvent, les gens ne se rendent pas compte des véritables motifs qui déterminent en profondeur leur comportement. Tel individu fume de gros cigares de façon affectée pour manifester son pouvoir ou/et souligner sa masculinité (ou pour remplacer la succion du pouce). Tel autre achète un PC portable onéreux apparemment pour des raisons professionnelles ; en fait il veut impressionner son entourage…
Les produits ont une dimension symbolique indéniable. « L'approche freudienne, dont l'influence reste considérable chez les praticiens des études de marché qualitatives, a notamment mis en évidence la fonction symbolique et non pas seulement utilitaire des objets. À performances égales, ce peut être la forme ou la couleur d'un produit qui emporte la décision ». (3) Les hommes tendent à associer à la voiture l'idée de puissance et le tigre en est un symbole approprié. De là le slogan publicitaire, « Mettez un tigre dans votre moteur », diffusé jadis par la marque Esso (huile).
A contrario, on dira d’un individu qu’il est motivé en ce sens qu'il est orienté sciemment vers la réalisation d'un objectif, qu'il anticipe les conséquences futures (positives) de l'action accomplie. Quelqu’un qui s’abstient d'acheter un produit en bombe aérosol contenant du CFC manifeste en conscience son opposition à la destruction de la couche d'ozone… De fait, « bien que des chercheurs admettent que des motifs inconscients puissent avoir un impact sur les décisions de consommation, on croit que les motivations d'achat sont largement conscientes et étroitement liées aux objectifs que les consommateurs cherchent à atteindre ». (4)
Consciente ou inconsciente, la motivation doit être bien cernée et élucidée. Les objets achetés sont pour ainsi dire une extension de l’individu. « L’achat d’un même produit admet des motivations très différentes selon les acteurs considérés, au même titre qu’un besoin identique peut conduire à l’achat de produits très différents ». (5)

Les freins s’opposent aux motivations
Les forces qui poussent le consommateur à l'achat sont parfois contrebalancées par des courants contraires, appelés freins. Un frein est le contraire d'une motivation ; c'est une pulsion négative, un obstacle, une mauvaise impression qui perturbe, retarde, voire empêche l'acte d'achat. 
Les freins constituent donc un empêchement à l'achat. Ce sont les raisons subjectives qui incitent l'individu à ne pas acheter/consommer un produit. Les raisons de l’abstention dépendent du tempérament de chacun : les craintifs ont besoin de se renseigner très longuement, les indécis prennent laborieusement leur décision, les instables reportent sans cesse ou renoncent à l’achat.
Les freins d'achat sont dus à diverses causes, dont les deux suivantes, retenues en particulier par H. Joannis :
- Les peurs sont liées aux difficultés réelles ou imaginaires inhérentes à l'emploi du produit. L’acheteur craint de ne pouvoir manipuler un appareil compliqué, de choisir une marque ou un modèle de mauvaise qualité, de payer un prix disproportionné…
- Les inhibitions sont des impulsions négatives associées surtout au contexte socioculturel. L'achat d'un produit peut être socialement dévalorisant ou même proscrit. La disposition à l’achat est alors discréditée, refoulée. « L’individu développe un sentiment de culpabilité, il s’autocensure ». (6) 
Ces tendances peuvent être très dissuasives au moment de la prise de décision. La possibilité d'achat résulte finalement de l'opposition entre motivations et freins. Il y a achat lorsque les premières sont plus fortes, l'emportent sur les seconds (schéma).


Ainsi, dans un point de vente, tel acheteur considère que les produits proposés sont de qualité et les prix attractifs ; il a confiance et apprécie le contact humain. En revanche, il estime que l’éventail de choix est limité et l’attente à la caisse trop longue. Ces inconvénients pourraient l’empêcher de fréquenter assidûment le magasin… Par ailleurs, lors de l’acquisition d’une voiture, les motivations peuvent être la notoriété de la marque, l’esthétique, le désir de confort ; mais la décision peut être freinée par un prix d’achat élevé, par la majoration anticipée de l’assurance, de la vignette et des frais d'entretien.
Diverses raisons favorables, enfin, sont à l’origine du choix du poisson comme alternative à la viande ; les gens l’achètent parce que : « le poisson n'est pas gras » ou parce que « c’est bon pour la croissance des enfants » ou tout simplement parce que « ça change de la viande ». Mais des motifs négatifs peuvent contrarier l’achat : la présence d'arêtes (surtout quand il y a des enfants), des prix jugés élevés et surtout l’incertitude quant à la fraicheur du produit.  

Thami BOUHMOUCH
Octobre 2014
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(1) J. P. Helfer et J. Orsoni, Marketing, éd. Vuibert gestion, pp. 141-143.
(2) G. Audigier, Les études marketing, éd. Dunod, p. 29.
(4) J.-P. Sallenave & A. d'Astous, Le marketing de l'idée à l'action, éd. Simex, pp. 83-84.
(5) R. Ladwein, Le comportement du consommateur et de l’acheteur, éd. Economica, p. 14.