Série : Compréhension du consommateur
Au même titre que
les facteurs d'environnement (famille, groupe de référence, classe sociale,
culture), examinés dans les papiers précédents, les facteurs propres à
l'individu (psychologiques, endogènes) agissent sur son comportement en
déterminant ses critères de choix et ses préférences. Il s'agit pour l'essentiel
des motivations, de l'apprentissage (expérience) et des attitudes… Considérons
le cas d’un individu désirant manger une pizza. La pizzeria qu’il choisit,
parmi les possibilités qui s'offrent à lui, répond parfaitement à ses exigences
de qualité, d’hygiène et de standing (motivations) ; il s’y est rendu
plusieurs fois en famille et se rappelle toujours le cadre agréable et la célérité
des employés (expérience) ; en somme, il en a une opinion favorable
(attitude).
Ces trois notions,
empruntées à la psychologie, sont au centre de la réflexion marketing. Seule la
première est abordée ici.
La
motivation est dans notre tête
Le besoin, on le
sait, est une donnée incontournable. Il ne saurait toutefois être appréhendé
dans un sens rudimentaire, limité à sa dimension physique/physiologique
(manger, boire, se protéger...). C'est de ce constat que découle l’intérêt
accordé à la notion de motivation. Cette notion, en permettant l’analyse
psychologique du comportement humain, est essentielle pour comprendre l’acte
d’achat.
La motivation est
une pulsion positive, une force psychologique (ou psychique) qui pousse
à agir dans un sens donné. C’est une pression – innée ou acquise – que le
consommateur tend à atténuer en prenant position face à un produit. Ainsi, lors
de l'achat d’un
savon de luxe, une femme a des motivations corporelles autant que psychiques.
Ce qui est important pour elle, c’est ce qu’elle croit qu’elle
obtient pour son argent. Le problème se situe aussi bien dans ses mains (sa
peau) que dans sa tête…
Dans la sphère industrielle, contrairement aux apparences, les choses ne sont
pas totalement différentes : « les achats sont bien rationnels,
mais rationnels au sens où ils sont effectués en fonction d’objectifs tout à la
fois précis et doubles : l’acheteur vise en effet à atteindre les
objectifs de l'entreprise, mais il possède ses propres buts ». (1)
Il a ses priorités, ses craintes et préoccupations personnelles.
Les motivations indiquent
ce qui se passe dans la tête du consommateur ; elles sont rationnelles
ou émotionnelles, le plus souvent inconscientes.
Elles
sont définies par Audigier « comme étant des forces inconscientes
poussant l'individu à réduire un état de tension en orientant son action dans
la recherche d'une satisfaction. En tant que vecteurs dynamiques, les
motivations représentent la cause profonde des comportements ». (2)
Il y a toujours des mobiles informulés. Pourquoi achète-t-on des
produits minceur ? Parallèlement à son désir de perdre du poids, le
consommateur a besoin d'être valorisé. Bien souvent, les gens ne se rendent pas
compte des véritables motifs qui déterminent en profondeur leur comportement. Tel
individu fume de gros cigares de façon affectée pour manifester son pouvoir
ou/et souligner sa masculinité (ou pour remplacer la succion du pouce). Tel
autre achète un PC portable onéreux apparemment pour des raisons
professionnelles ; en fait il veut impressionner son entourage…
Les produits ont une
dimension symbolique indéniable. « L'approche
freudienne, dont l'influence reste considérable chez les praticiens des études
de marché qualitatives, a notamment mis en évidence la fonction symbolique et
non pas seulement utilitaire des objets. À performances égales, ce peut
être la forme ou la couleur d'un produit qui emporte la décision ». (3) Les hommes tendent
à associer à la voiture l'idée de puissance et le tigre en est un symbole approprié.
De là le slogan publicitaire, « Mettez un tigre dans votre moteur »,
diffusé jadis par la marque Esso (huile).
A
contrario, on dira d’un individu qu’il est motivé en ce sens qu'il est orienté sciemment
vers la réalisation d'un objectif, qu'il anticipe les conséquences
futures (positives) de l'action accomplie. Quelqu’un qui s’abstient d'acheter
un produit en bombe aérosol contenant du CFC manifeste en conscience son opposition
à la destruction de la couche d'ozone… De fait, « bien que des
chercheurs admettent que des motifs inconscients puissent avoir un impact sur
les décisions de consommation, on croit que les motivations d'achat sont
largement conscientes et étroitement liées aux objectifs que les
consommateurs cherchent à atteindre ». (4)
Consciente ou
inconsciente, la motivation doit être bien cernée et élucidée. Les objets
achetés sont pour ainsi dire une extension de l’individu. « L’achat
d’un même produit admet des motivations très différentes selon les acteurs
considérés, au même titre qu’un besoin identique peut conduire à l’achat de
produits très différents ». (5)
Les freins s’opposent
aux motivations
Les forces qui
poussent le consommateur à l'achat sont parfois contrebalancées par des
courants contraires, appelés freins. Un frein est le contraire d'une
motivation ; c'est une pulsion négative, un obstacle, une mauvaise
impression qui perturbe, retarde, voire empêche l'acte d'achat.
Les freins
constituent donc un empêchement à l'achat. Ce sont les raisons
subjectives qui incitent l'individu à ne pas acheter/consommer un produit. Les
raisons de l’abstention dépendent du tempérament de chacun : les craintifs
ont besoin de se renseigner très longuement, les indécis prennent laborieusement
leur décision, les instables reportent sans cesse ou renoncent à l’achat.
Les freins d'achat
sont dus à diverses causes, dont les deux suivantes, retenues en particulier
par H. Joannis :
- Les peurs sont liées aux
difficultés réelles ou imaginaires inhérentes à l'emploi du produit. L’acheteur
craint de ne pouvoir manipuler un appareil compliqué, de choisir une marque ou un
modèle de mauvaise qualité, de payer un prix disproportionné…
- Les inhibitions sont des impulsions
négatives associées surtout au contexte socioculturel. L'achat d'un produit
peut être socialement dévalorisant ou même proscrit. La disposition à l’achat est
alors discréditée, refoulée. « L’individu développe un sentiment de
culpabilité, il s’autocensure ». (6)
Ces tendances
peuvent être très dissuasives au moment de la prise de décision. La possibilité
d'achat résulte finalement de l'opposition entre motivations et freins. Il y a
achat lorsque les premières sont plus fortes, l'emportent sur les seconds (schéma).
Ainsi, dans un
point de vente, tel acheteur considère que les produits proposés sont de
qualité et les prix attractifs ; il a confiance et apprécie le contact
humain. En revanche, il estime que l’éventail de choix est limité et l’attente à
la caisse trop longue. Ces inconvénients pourraient l’empêcher de fréquenter
assidûment le magasin… Par ailleurs, lors de l’acquisition d’une voiture, les
motivations peuvent être la notoriété de la marque, l’esthétique, le désir de
confort ; mais la décision peut être freinée par un prix d’achat élevé, par
la majoration anticipée de l’assurance, de la vignette et des frais d'entretien.
Diverses raisons favorables,
enfin, sont à l’origine du choix du poisson comme alternative à la
viande ; les gens l’achètent parce que : « le poisson n'est
pas gras » ou parce que « c’est bon pour la
croissance des enfants » ou tout simplement parce que « ça
change de la viande ». Mais des motifs négatifs peuvent contrarier l’achat :
la présence d'arêtes (surtout quand il y a des enfants), des prix jugés élevés
et surtout l’incertitude quant à la fraicheur du produit.
Thami BOUHMOUCH
Octobre 2014
___________________________________________
(1) J. P. Helfer et J. Orsoni, Marketing,
éd. Vuibert gestion, pp. 141-143.
(2) G. Audigier, Les études
marketing, éd. Dunod, p. 29.
(4) J.-P. Sallenave & A. d'Astous, Le
marketing de l'idée à l'action, éd. Simex, pp. 83-84.
(5) R. Ladwein, Le comportement du consommateur et de l’acheteur, éd.
Economica,
p. 14.
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