Série : Compréhension du consommateur
Les motivations sont les structures
cachées du comportement humain, constituent les raisons subjectives qui incitent à
l’achat. Elles sont variées et font l’objet de classifications en fonction de leur
nature. La typologie de H. Joannis distingue trois types : hédoniste, oblative, d’auto-expression,
(1) auxquels on peut ajouter la motivation rationnelle/utilitaire.
Motivation hédoniste
Elle est basée sur
la recherche de plaisirs personnels, découlant de la consommation d'un produit.
(2)
Le plaisir
gustatif est l'une des motivations les plus importantes. C'est la
principale ou même la seule dans le cas des produits de gourmandise. C’est bien
pour se faire plaisir (par gourmandise) que les gens vont manger une glace ou
un chocolat. Cette motivation a donné lieu au message publicitaire du
magasin La Dragée d'Or (Casablanca) : « Succombez au petit
plaisir d'un grand chocolat ». Elle a aussi fondé le spot de Danone
: « Avec le nouveau Passion, partageons le plaisir d'un grand
yaourt ».
L’individu éprouve également
du plaisir, d'un point de vue esthétique, par la possession d’un objet. L'achat
est effectué pour le confort personnel, pour « profiter de la vie ».
Il en est ainsi du plaisir de posséder un meuble, un bibelot ou un tableau, de
porter un sac à main « signé », de conduire une voiture rutilante. Rappelons-nous
le slogan de BMW : « Le plaisir
de conduire ».
Le
sentiment de bien-être et le plaisir des sensations agréables sont
procurés lors de l’achat d’un parfum (odorat), d’une serviette moelleuse (toucher),
des produits destinés au bain ou la douche. Les salles de bain sont devenues
des lieux de plaisir avec l’arrivée de
l'hydro-massage, du jacuzzi et du générateur de vapeur. De là le message
de la marque Grohe
: « L’eau, élément vital
mais aussi source de plaisir intense ».
La motivation
hédoniste explique la recherche de la facilité et de la commodité lors
de l'achat par exemple d'un produit électroménager. Le consommateur utilise un
appareil pour supprimer des tâches laborieuses.
A ces plaisirs
physiques, enfin, il convient d’ajouter les plaisirs intellectuels :
lire une revue ou un livre, découvrir un site historique ou un monument, regarder
un programme de télévision...
Motivation oblative
L'achat en
l’occurrence est effectué pour apporter de la satisfaction à autrui, faire
plaisir à ceux qui nous entourent. (3) C’est le cas d'une personne
désirant acheter un article prestigieux pour en faire cadeau (famille, amis).
C’est le cas aussi des parents qui achètent des habits et aliments particuliers pour leurs enfants. Au-delà
du sentiment naturel de devoir ou d'obligation morale (dévouement), il y a bien
là une volonté de faire plaisir. A l'occasion de la fête d’Achoura l’achat de
jouets est effectué pour faire plaisir à l'enfant. Le désir de ne pas le
décevoir, de favoriser son épanouissement peut l’emporter sur la contrainte du
prix.
Motivation d’auto-expression
Cette
motivation trouve son origine dans le besoin d'exprimer sa personnalité réelle
ou souhaitée (montrer qui on est ou qui on voudrait être), d'être reconnu par
autrui. L’individu choisit une marque de luxe, un magasin prestigieux,
une destination de vacances onéreuse pour se valoriser, manifester la réussite sociale…
Une telle
motivation est à l'origine de l'achat de produits ostentatoires, effectué
dans le but d'impressionner l’entourage. Chaque individu se fait une image de
lui-même – l'image de soi – les produits qu'il achète sont un moyen
de l'exprimer. Cela nous renvoie aux papiers précédents au sujet du groupe de
référence et la classe sociale. (4) L'acquisition d'un modèle de
voiture montre que son acquéreur a une situation matérielle aisée. Elle suscite
l'envie. La voiture est de plus en plus considérée comme le reflet de la
personnalité du conducteur. Les BMW sont surtout achetées par ceux qui ont
gardé un « esprit jeune ». Séduits par le moteur et le design, ils
sont en quête du plaisir de conduire.
La
motivation à l'origine de l'achat d'un type donné de vêtement est de
s'extérioriser, de vivre avec son temps, de suivre la mode, de paraître jeune...
Il en est de même du choix d'une eau de toilette, d'une activité sportive, d'un
restaurant, etc. « Une femme qui va acheter des produits de maquillage
[...] essaie de résoudre un problème, éventuellement de transformer un rêve
en réalité ». (5) Le téléphone portable au Maroc est devenu
accessible à tous. L'outil devient un jouet. On l'affiche comme un signe de
richesse et surtout de modernité. D'aucuns n'hésitent pas à le garder lorsqu'ils
font du footing (alors qu’ils sont censés se détendre).
Motivation rationnelle ou
utilitaire
L'acheteur considère
(à tort ou à raison) qu'un produit lui est utile pour satisfaire un besoin
précis. Il est poussé par un souci d'efficacité, de fiabilité, de
rendement ou d'économie. Il recherche le meilleur prix, le
meilleur rapport qualité-prix (électroménager) ou le coût de fonctionnement le
plus bas (imprimante). Il en est ainsi des produits à usage professionnel, mais
également ceux à usage personnel ou familial.
Examinons le cas
des jouets. Les parents agissent suivant deux logiques opposées. Les uns sont
poussés par une recherche d'efficacité et de fiabilité. Le souci de sécurité
les amène à choisir des produits de qualité, à éviter les « rossignols ».
L'idée est de favoriser l'éducation de l'enfant, quitte à supporter un prix
élevé… Les autres, les moins favorisés, sont guidés par un souci d'économie.
D'où la recherche du prix le plus bas, le choix de jouets « de bataille »,
de « jouet-bricole », à durée de vie très limitée. L'acheteur considère
que le jouet est voué, quoi qu'on fasse, à être cassé dans les heures ou jours
qui suivent, que les enfants ne s'y intéressent qu'au début, après ils veulent
autre chose. Le jouet ne doit donc pas être cher. L'élément prix est
déterminant (compte tenu du revenu). L'achat est motivé d'abord par le refus des
dépenses inutiles.
Le souci de santé,
de diététique peut pousser l'individu à rechercher des produits alimentaires
sains, sans OGM, sans cholestérol, sans additifs (colorants, conservateurs,
antioxydants…), à éviter les produits nocifs (alcool, tabac, matières grasses).
Le souci de sécurité amène à acheter des produits munis d'un système ad
hoc (siège automobile pour bébés, appartements avec structure antisismique). L'achat
d’un produit comme le carburant correspond à une motivation purement fonctionnelle :
la nécessité impérative d'alimenter le moteur de la voiture.
Le plus souvent,
les motivations sont multiples et agissent conjointement.
Les achats de
voitures sont réalisés à partir de critères rationnels (fonctionnels) et
émotionnels. L’acheteur d’un modèle en vogue est poussé par le plaisir de conduire (motivation hédoniste) et par la volonté d’afficher sa
personnalité ou/et sa réussite sociale (motivation d’auto-expression). En même
temps, il se soucie des attributs
mécaniques (motivation rationnelle). Tels parents inscrivent leur enfant dans
un établissement privé coûteux, pour la qualité de la formation dispensée
(motivation utilitaire), pour lui faire plaisir (motivation oblative), pour
manifester leur condition matérielle et être valorisés par les autres
(motivation d'auto-expression).
Les motivations
peuvent se contredire, entrer en conflit. Par exemple, tel individu est
incité à souscrire à une assurance-vie en faveur des membres de sa famille.
L’affection qu’il porte à ses proches le conduit à accepter le produit, mais le
besoin de sécurité (ne pas penser à la mort) pourrait le conduire à y renoncer.
Ce besoin se transforme ainsi en obstacle et empêche l’achat. (6)
Thami
BOUHMOUCH
Novembre
2014
_________________________________________
(1) Cf. Henri
Joannis, De l’étude de motivation à la création publicitaire et à la promotion
des ventes, Dunod 1965.
(2) Hédonisme : système philosophique qui fait du plaisir le but de la vie (Larousse).
(3) Oblatif : qui fait passer les besoins d'autrui avant les siens
propres (Larousse).
(4) Cf. Pressions comportementales : le poids du groupe de référence, in : http://bouhmouch.blogspot.com/2014/07/pressions-comportementales-le-poids-du.html
(juillet 2014) ; Classe sociale : les besoins en symbole, in : http://bouhmouch.blogspot.com/2014/08/classe-sociale-les-besoins-en-symbole.html
(août 2014).
(5) Théodore Levitt, Réflexions
sur le management, éd. Dunod, p.147.
(6) Cf.
Lendrevie et D. Lindon, Mercator, Dalloz, p. 143.
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