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5 novembre 2014

LES MOTIVATIONS D’ACHAT : TYPOLOGIE ET INTERACTION


Série : Compréhension du consommateur


Les motivations sont les structures cachées du comportement humain, constituent les raisons subjectives qui incitent à l’achat. Elles sont variées et font l’objet de classifications en fonction de leur nature. La typologie de H. Joannis distingue trois types : hédoniste, oblative, d’auto-expression, (1) auxquels on peut ajouter la motivation rationnelle/utilitaire.

Motivation hédoniste 
Elle est basée sur la recherche de plaisirs personnels, découlant de la consommation d'un produit. (2)
Le plaisir gustatif est l'une des motivations les plus importantes. C'est la principale ou même la seule dans le cas des produits de gourmandise. C’est bien pour se faire plaisir (par gourmandise) que les gens vont manger une glace ou un chocolat. Cette motivation a donné lieu au message publicitaire  du magasin La Dragée d'Or (Casablanca) : « Succombez au petit plaisir d'un grand chocolat ». Elle a aussi fondé le spot de Danone : « Avec le nouveau Passion, partageons le plaisir d'un grand yaourt ».
L’individu éprouve également du plaisir, d'un point de vue esthétique, par la possession d’un objet. L'achat est effectué pour le confort personnel, pour « profiter de la vie ». Il en est ainsi du plaisir de posséder un meuble, un bibelot ou un tableau, de porter un sac à main « signé », de conduire une voiture rutilante. Rappelons-nous le slogan  de BMW : « Le plaisir de conduire ».
Le sentiment de bien-être et le plaisir des sensations agréables sont procurés lors de l’achat d’un parfum (odorat), d’une serviette moelleuse (toucher), des produits destinés au bain ou la douche. Les salles de bain sont devenues des lieux de plaisir avec l’arrivée de l'hydro-massage, du jacuzzi et du générateur de vapeur. De là le message de  la marque Grohe : « L’eau, élément vital mais aussi source de plaisir intense ».
La motivation hédoniste explique la recherche de la facilité et de la commodité lors de l'achat par exemple d'un produit électroménager. Le consommateur utilise un appareil pour supprimer des tâches laborieuses.
A ces plaisirs physiques, enfin, il convient d’ajouter les plaisirs intellectuels : lire une revue ou un livre, découvrir un site historique ou un monument, regarder un programme de télévision...

Motivation oblative 
L'achat en l’occurrence est effectué pour apporter de la satisfaction à autrui, faire plaisir à ceux qui nous entourent. (3) C’est le cas d'une personne désirant acheter un article prestigieux pour en faire cadeau (famille, amis).
C’est le cas aussi des parents qui achètent des habits et aliments particuliers pour leurs enfants. Au-delà du sentiment naturel de devoir ou d'obligation morale (dévouement), il y a bien là une volonté de faire plaisir. A l'occasion de la fête d’Achoura l’achat de jouets est effectué pour faire plaisir à l'enfant. Le désir de ne pas le décevoir, de favoriser son épanouissement peut l’emporter sur la contrainte du prix.

Motivation d’auto-expression 
Cette motivation trouve son origine dans le besoin d'exprimer sa personnalité réelle ou souhaitée (montrer qui on est ou qui on voudrait être), d'être reconnu par autrui. L’individu choisit une marque de luxe, un magasin prestigieux, une destination de vacances onéreuse pour se valoriser, manifester la réussite sociale…  
Une telle motivation est à l'origine de l'achat de produits ostentatoires, effectué dans le but d'impressionner l’entourage. Chaque individu se fait une image de lui-même – l'image de soi – les produits qu'il achète sont un moyen de l'exprimer. Cela nous renvoie aux papiers précédents au sujet du groupe de référence et la classe sociale. (4) L'acquisition d'un modèle de voiture montre que son acquéreur a une situation matérielle aisée. Elle suscite l'envie. La voiture est de plus en plus considérée comme le reflet de la personnalité du conducteur. Les BMW sont surtout achetées par ceux qui ont gardé un « esprit jeune ». Séduits par le moteur et le design, ils sont en quête du plaisir de conduire.
La motivation à l'origine de l'achat d'un type donné de vêtement est de s'extérioriser, de vivre avec son temps, de suivre la mode, de paraître jeune... Il en est de même du choix d'une eau de toilette, d'une activité sportive, d'un restaurant, etc. « Une femme qui va acheter des produits de maquillage [...] essaie de résoudre un problème, éventuellement de transformer un rêve en réalité ». (5) Le téléphone portable au Maroc est devenu accessible à tous. L'outil devient un jouet. On l'affiche comme un signe de richesse et surtout de modernité. D'aucuns n'hésitent pas à le garder lorsqu'ils font du footing (alors qu’ils sont censés se détendre).                                                                                   
Motivation rationnelle ou utilitaire 
L'acheteur considère (à tort ou à raison) qu'un produit lui est utile pour satisfaire un besoin précis. Il est poussé par un souci d'efficacité, de fiabilité, de rendement ou d'économie. Il recherche le meilleur prix, le meilleur rapport qualité-prix (électroménager) ou le coût de fonctionnement le plus bas (imprimante). Il en est ainsi des produits à usage professionnel, mais également ceux à usage personnel ou familial.
Examinons le cas des jouets. Les parents agissent suivant deux logiques opposées. Les uns sont poussés par une recherche d'efficacité et de fiabilité. Le souci de sécurité les amène à choisir des produits de qualité, à éviter les « rossignols ». L'idée est de favoriser l'éducation de l'enfant, quitte à supporter un prix élevé… Les autres, les moins favorisés, sont guidés par un souci d'économie. D'où la recherche du prix le plus bas, le choix de jouets « de bataille », de « jouet-bricole », à durée de vie très limitée. L'acheteur considère que le jouet est voué, quoi qu'on fasse, à être cassé dans les heures ou jours qui suivent, que les enfants ne s'y intéressent qu'au début, après ils veulent autre chose. Le jouet ne doit donc pas être cher. L'élément prix est déterminant (compte tenu du revenu). L'achat est motivé d'abord par le refus des dépenses inutiles.
Le souci de santé, de diététique peut pousser l'individu à rechercher des produits alimentaires sains, sans OGM, sans cholestérol, sans additifs (colorants, conservateurs, antioxydants…), à éviter les produits nocifs (alcool, tabac, matières grasses). Le souci de sécurité amène à acheter des produits munis d'un système ad hoc (siège automobile pour bébés, appartements avec structure antisismique). L'achat d’un produit comme le carburant correspond à une motivation purement fonctionnelle : la nécessité impérative d'alimenter le moteur de la voiture.

Le plus souvent, les motivations sont multiples et agissent conjointement.
Les achats de voitures sont réalisés à partir de critères rationnels (fonctionnels) et émotionnels. L’acheteur d’un modèle en vogue est poussé par le plaisir de conduire (motivation hédoniste) et par la volonté d’afficher sa personnalité ou/et sa réussite sociale (motivation d’auto-expression). En même temps, il se soucie des attributs mécaniques (motivation rationnelle). Tels parents inscrivent leur enfant dans un établissement privé coûteux, pour la qualité de la formation dispensée (motivation utilitaire), pour lui faire plaisir (motivation oblative), pour manifester leur condition matérielle et être valorisés par les autres (motivation d'auto-expression).
Les motivations peuvent se contredire, entrer en conflit. Par exemple, tel individu est incité à souscrire à une assurance-vie en faveur des membres de sa famille. L’affection qu’il porte à ses proches le conduit à accepter le produit, mais le besoin de sécurité (ne pas penser à la mort) pourrait le conduire à y renoncer. Ce besoin se transforme ainsi en obstacle et empêche l’achat. (6)

Thami BOUHMOUCH
Novembre 2014
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(1) Cf. Henri Joannis, De l’étude de motivation à la création publicitaire et à la promotion des ventes, Dunod 1965.
(2) Hédonisme : système philosophique qui fait du plaisir le but de la vie (Larousse).
(3) Oblatif : qui fait passer les besoins d'autrui avant les siens propres (Larousse).
(4) Cf. Pressions comportementales : le poids du groupe de référence, in : http://bouhmouch.blogspot.com/2014/07/pressions-comportementales-le-poids-du.html (juillet 2014) ; Classe sociale : les besoins en symbole, in :  http://bouhmouch.blogspot.com/2014/08/classe-sociale-les-besoins-en-symbole.html (août 2014).
(5) Théodore Levitt, Réflexions sur le management, éd. Dunod, p.147.
(6) Cf. Lendrevie et D. Lindon, Mercator, Dalloz, p. 143.  

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