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24 octobre 2013

FOURNISSEURS ET INTERMÉDIAIRES, AU CŒUR DU SYSTEME MARKETING



Série : L’essentiel didactique 
                                              



Pour fonctionner et agir sur le marché, l'entreprise dépend de ses fournisseurs en amont et de ses distributeurs en aval. Ce sont des partenaires avec lesquels elle se doit d’entretenir des relations d’affaires fortes… Qu’en est-il ?


En amont, les fournisseurs
Ils assurent l'approvisionnement des unités industrielles en matières premières, produits semi-finis, énergie, services, équipements et fournitures de fonctionnement, comme ils assurent l'approvisionnement des entreprises commerciales (distributeurs) en produits finis destinés à la vente. Ils constituent ainsi le marché amont de l'entreprise.
Un fabricant d'automobiles s’adresse à différents types de fournisseurs et sous-traitants pour ses besoins en tôles, pneumatiques, vitres et accessoires divers. L'entreprise de confection SCIM (El Jadida), fabrique des pantalons jean en grande série à partir du tissu denim, dont la production est assurée essentiellement par la société Settavex (Settat).
Au sein de l’organisation, d’une façon ou d’une autre, un service achats est mis en place. Il se donne pour but ultime de satisfaire le client final, tant il est vrai que la qualité du produit fabriqué dépend de celle des produits fournis. Ce service est dès lors amené à inscrire son action dans la politique du produit et le processus de production. Le directeur des achats est responsable de l'acquisition des produits aux meilleures conditions. Le coût est un critère essentiel : si le prix des intrants augmente, le coût de fabrication sera plus élevé, ce qui pourrait influer négativement sur les ventes. D'autres impératifs entrent en ligne de compte : la disponibilité du produit demandé, sa qualité et sa performance. A cela, il faut ajouter les délais de livraison, vu que les ruptures de stocks, en se répercutant sur le rythme de production, pourraient nuire à l'image de l'organisation.
De fait, un travail de collaboration devient nécessaire dès l’amont. Dans les grandes structures, la fonction achats est souvent activement impliquée dans le processus de production du fournisseur. Nestlé Maroc par exemple a conçu un barème en deçà duquel tout fournisseur défaillant est écarté. Ce barème porte sur la qualité du produit livré, le délai de livraison et le prix de revient. Notons aussi la volonté de Fiat Auto Maroc de s’investir auprès des fabricants partenaires (sièges, ceintures de sécurité, tableaux de bord...) dans le choix des matériaux et la gestion des coûts. Le directeur des achats a une fois affirmé : « Les composantes achetées chez les fournisseurs ont une valeur ajoutée élevée. Ils doivent respecter des paramètres précis en termes de qualité et de processus de fabrication ». (1)
Le groupe agro-alimentaire Unimer-VCR a mis en place auprès de ses fournisseurs des systèmes de sécurité garantissant une régularité de la production et de l’approvisionnement, tant en quantité qu'en qualité. D’où les contrats de culture, la location de fermes, les accords avec des armateurs et autres engagements. De même, Centrale laitière accorde une assistance technique et une aide financière aux éleveurs partenaires, en vue de les aider à développer le volume et la qualité de leur production. Quant à la société Lesieur-Cristal, elle s’est employée à revoir le processus par le début, en commençant par les fournisseurs, élevés désormais au rang de partenaires. Toute la chaîne en amont de la production a du être revue selon les exigences et les spécifications de la marque.
L’enjeu stratégique est donc considérable : la fonction achats est regardée comme un centre de profit et une source d'avantage concurrentiel. Par la force des choses, elle est devenue plus complexe. Il s'agit de trouver des fournisseurs (et non pas un seul) dont les intérêts stratégiques et techniques sont en accord avec ceux de l'entreprise. Il y a avantage à établir avec eux une relation qui dépasserait les préoccupations de prix et de disponibilité des stocks. Une relation étroite axée sur des actions de fidélisation et même une aide à l'investissement. A l’inverse, les fournisseurs sont des partenaires qui peuvent apporter un savoir-faire innovant, aider l'entreprise à progresser… C’est dire que seule une relation gagnant-gagnant est opérante et durable.
N’oublions pas enfin que le recours aux fournisseurs, loin de se limiter à l’espace national, s’étend par-delà les frontières. Il n’est que de voir les places de marché électroniques ou EMP (electronic market places) : ces espaces virtuels sont des carrefours d'affaires où se rencontrent acheteurs et fournisseurs dans tous les secteurs. (2) Le but est de favoriser les flux d'informations, assurer la disponibilité des produits, minimiser les coûts d’achat, réduire les délais de livraison... Les acheteurs peuvent ainsi élargir leur éventail de fournisseurs au moindre coût, comme ces derniers peuvent réduire leurs frais de prospection de nouveaux clients.

En aval, les intermédiaires
Il s’agit des grossistes et des détaillants qui, en aval de la chaîne d’acteurs, constituent le circuit de distribution. Il en est ainsi de l’hypermarché, de l’épicier, du pharmacien, du droguiste, du concessionnaire automobiles, de la société de courtage, de l’agence de voyages, du kiosque à journaux, des commerçants en gros et en demi-gros, etc. L’étude des distributeurs peut porter sur leur nombre, taille, zone de couverture, délais de paiement, service après-vente, motivations, volonté de coopération... De telles données serviront lorsqu'il faudra coordonner la variable distribution avec les autres moyens d'action marketing.
D’emblée, il importe de souligner que le distributeur n’est pas un intervenant passif, un exécutant, une simple courroie de transmission. C’est au contraire un acteur agissant. Son influence est considérable et a trait, entre autres, au référencement du produit (son acceptation en vue de sa vente), aux actions de promotion, à l’orientation des clients. Les grandes surfaces, en particulier, sont en mesure d'imposer leurs conditions : elles soumettent le référencement d'une marque, une fois accepté, au paiement d’un ticket d'entrée, prescrivent le prix de vente, décident de la place accordée sur le rayon, facturent le linéaire en tant que média publicitaire. Elles peuvent intervenir dans la conception du conditionnement (compte tenu de leurs contraintes) et disposent de leurs propres marques (MDD).
Pour qu'un produit soit acheté, il doit bien entendu plaire au public cible… Encore faut-il le mettre à sa disposition dans des conditions adéquates (de son point de vue). Qu’on en juge par cette maxime imagée : « Quand est-ce qu'un soda n'est pas encore un soda ? Quand il se trouve dans un entrepôt à Casablanca, alors qu'il devrait être dans un magasin à Tanger ! ». Les distributeurs achètent un produit dans l'intention de le revendre. Ils doivent avoir intérêt à l’adopter de préférence à d’autres. Ils ont le pouvoir de choisir, d’accepter ou de refuser ce qu’on leur propose. A la limite, certains articles sont déréférencés lorsque les volumes de vente ne sont pas jugés suffisants.


On s’aperçoit que l'accès du produit au marché dépend souvent des décisions de distributeurs de grande envergure. Comme le note Bach, « les grandes sociétés de distribution sont maintenant souvent plus puissantes que les marques, mais leur réussite n'est pas seulement économique et financière, elle se traduit en termes de pouvoir sur les consommateurs ». (3) S’agissant par exemple des produits d'assurance, les sociétés de courtage détentrices de portefeuilles clients bien garnis demandent des traitements de faveur. Les grands courtiers peuvent toujours menacer de placer le client auprès d'autres compagnies. Les primes se chiffrent en millions de dh et les délais de versement dépassent ceux fixés au préalable. Il n’est pas rare de voir des courtiers détenir des portefeuilles d'actions, investir dans des projets propres à eux, se convertir en promoteurs immobiliers. Tous les moyens sont bons pour faire fructifier les rentrées d'argent.
Lancer un produit sur le marché, c'est se poser inévitablement la question de la distribution. Considérons le cas de ce jeune entrepreneur qui vient de créer une crème antirides. Le produit est fin prêt. Il croit que tout le travail est fait. Mais il oublie qu'il faut aussi le vendre. Or les contacts avec les pharmaciens s'annoncent mal, en raison de deux handicaps : la marque n'est pas connue et la gamme est étroite…
Le tout n’est pas de générer une offre, de séduire le consommateur. On se doit de trouver les intermédiaires par lesquels le produit adéquat peut atteindre le marché adéquat, au moment adéquat. « Les structures de la distribution grand public sont telles qu'aujourd'hui les marques ne peuvent plus dire qu'elles choisissent un distributeur, mais elles doivent chercher une distribution qui accepte de les aider à atteindre leurs objectifs ». (4) De fait, comme le note Filser, « lorsque le producteur est tributaire des décisions de référencement de distributeurs plus puissants que lui, il est indispensable de prendre en compte les attentes de ces distributeurs dès la conception du produit ». (5)
Parce qu'ils constituent un trait d'union entre les producteurs et les clients finals, les distributeurs ont une position privilégiée sur le marché. Ce sont des éléments constitutifs du marché, car c’est grâce à leur présence que le conflit d'intérêts entre le producteur et le consommateur est en quelque sorte résolu. Samsung Electronics ne l’a-t-elle pas compris quand elle s’emploie à impliquer la distribution dans son approche personnalisée de la clientèle ?
Les distributeurs, à l’instar des fournisseurs, sont au cœur du système marketing. Pour autant, ce ne sont pas de simples outils d’action. Il importe de les engager, de bien les connaître afin de les utiliser au mieux.

Thami BOUHMOUCH
Octobre 2013
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(1) Cf. la revue Economie & Entreprises, avril 2001.
(2) Voir notamment les sites : http://www.covisint.com/ et  http://www.industrysuppliers.com/
(3) O. Bach, Distribution : l’analyse des linéaires, éd. Vuibert Entreprise. Je souligne.
(4) O. Bach, ibid. Je souligne.
(5) M. Filser, Canaux de distribution, éd. Vuibert.



11 octobre 2013

CES CONCURRENTS INDIRECTS QU’ON GAGNE A CONNAITRE



Série : L’essentiel didactique  

Identifier un concurrent semble aller de soi : pour un fabricant d'huile, ce serait un autre fabricant d'huile ; pour une compagnie d'assurance, une autre compagnie d'assurance, etc. Ecartons tout de suite cette vue simpliste. Le crédit à la consommation est-il un produit différent du crédit bancaire ou tous deux font partie du même marché ? La lessive liquide peut-elle rivaliser avec la lessive en poudre ? Un fabricant de papier peint est-il un concurrent pour une marque de peinture? La télévision peut-elle détourner le public des salles de cinéma ?
En plus des concurrents directs facilement repérables, l’existence de concurrents indirects, hors du champ d’activité habituel, peut bel et bien constituer une menace. Qu’en est-il ?

Repérer les concurrents au loin
Les bougies d’allumage Champion entrent en compétition directe avec les bougies Bosch. Les matelas de Simmons Maroc sont fortement concurrencés par ceux de Richbond et Dolidol. Sur le marché du fromage fondu, Vache qui rit est menacée directement par Cœur de lait, La Hollandaise et Or Blanc. Il en va de même, sur le marché de la messagerie pour UPS, DHL, FedEx, Chronopost et CTM MessagerieLa concurrence directe ou concurrence inter-marques, dont il est question ici, répond de façon quasi identique au besoin exprimé par le consommateur. Les produits proposés sont de même nature et ont pratiquement les mêmes caractéristiques. Ils sont donc équivalents, interchangeables, des substituts au sens restrictif. C'est le type de concurrence auquel on fait couramment référence.
A l’opposé, on sait que le courrier électronique, infiniment moins coûteux, concurrence le téléphone et le fax, comme le rasoir mécanique féminin concurrence les crèmes dépilatoires. La CTM, en proposant un tarif de 750 dh sur la ligne Casablanca-Paris constitue une menace pour la RAM. Les dirigeants de Coca-cola considèrent le thé, le café et le jus de fruit (marché en plein essor) comme des adversaires majeurs. Un fabricant de raquette de tennis est menacé, peu ou prou, par le golf ou l'équitation… Ici, la concurrence indirecte ou concurrence inter-produits répond à des besoins et des motivations proches (ou classe de besoins similaires), mais avec des produits différents.  
Alors que la concurrence directe oppose les firmes pour un produit similaire, la concurrence indirecte s'exerce entre des produits distincts pour la satisfaction d’un besoin similaire. C’est le constat que fait ce responsable d'un groupe pharmaceutique : « Le vrai risque pour un médicament contre les calculs, c'est la chirurgie au laser ». (1) Vu que la menace provient de produits de substitution à même de procurer les mêmes satisfactions, l’environnement concurrentiel est ainsi beaucoup plus vaste. C'est ce que Matricon désigne par « marché environnant » (produits substituables) par opposition à « marché principal » (produits identiques). (2) Certains auteurs parlent de « concurrence intertype » tels Filion & Colbert (3) ou de « concurrence générique » comme le font Lendrevie & Lindon. (4)
L'identification des concurrents indirects suppose que l'on réponde d’une manière large à la question : pourquoi a-t-on besoin de tel produit ? En fait, c'est bien le consommateur qui met les produits en concurrence. Si un club de natation et un centre d'arts martiaux se proposent simultanément de satisfaire notre besoin de sport et de loisir, ils sont en concurrence. (5) En revanche, le bateau ne peut rivaliser avec l’avion pour le transport des fleurs ou de la menthe.
Le risque est de ne pas pressentir les menaces issues d’une activité insoupçonnée. Il en est ainsi du chocolat : tous les assortiments proposés par les marques prestigieuses (Pralinor, Aiguebelle, Lindt) sont « garantis pur chocolat ». La précision est importante : la concurrence proviendrait-elle du sucre chocolaté ? En fait, si celui-ci tend à s'imposer sur le segment moyen de gamme, il ne semble pas inquiéter les distributeurs du chocolat de luxe (plus de 400 dh/kg), pour qui « le sucre chocolaté est un autre produit, plutôt de la confiserie ». De même, il y a quinze ans, on disait que le tapis traditionnel ne constituait pas un réel concurrent pour la moquette. Les deux produits n’étaient pas censés être destinés à la même clientèle… En tout état de cause, seul le consommateur est juge.

Le chemin de fer menacé
Pour toucher du doigt la problématique qui nous occupe l’exemple du transport ferroviaire est particulièrement révélateur. Curieusement, ce n’est que tardivement qu’on a compris qu’il était exposé à la concurrence des transports routier et aérien. Dans son livre « Marketing myopia », T. Levitt a examiné les difficultés subies jadis par le rail américain. Les dirigeants s'étaient situés dans l'industrie du chemin de fer alors qu'ils étaient plutôt dans celle du transport. Ils se focalisaient sur le produit (transport par rail) et non sur le client. « Ils trouvaient normal que l'expéditeur aille livrer sa marchandise à la gare en amont et que le destinataire se débrouille pour aller la chercher à la gare en aval. Or les concurrents (camions, avions) se proposaient de ramasser les colis chez l'expéditeur et de livrer chez le destinataire ». (6)
Au Maroc, l'ONCF a bien sûr le monopole du rail, mais subit la concurrence croissante de la route (des centaines de milliers de camions, des milliers d’autocars), comme celle des compagnies aériennes (RAM, Regional Air Lines…). La CTM n’a-t-elle pas poussé l’office, par exemple sur la ligne Casa-Fès, à lancer des actions de promotion inédites ? Une telle concurrence a mis le rail dans une position défavorable, surtout depuis que les subventions qui lui étaient accordées ont été réduites. En 1999, l'ONCF était au bord de la faillite. S'agissant du transport de marchandises ou du trafic de voyageurs, il se devait manifestement d'être rentable.
L'office a été amené à mettre en place des structures organisationnelles plus souples, à réduire les frais généraux, à se recentrer sur son métier de base (en cédant des activités hôtelières), à se transformer en une véritable entreprise avec des prestations tournées vers le client. Il est tenu désormais d’écouter le marché, de proposer des prix inférieurs, des formalités d'enregistrement simplifiées, une meilleure sécurité… Le transport par rail a fini bel et bien par découvrir la concurrence.

Cinéma vs télévision
L’autre exemple très caractéristique est le cinéma. Partout, le nombre et la fréquentation des salles ont notoirement diminué. Le problème s'est posé en France dans les années 1980 : le cinéma a vu son public fondre de 395 millions d'entrées en 1955 à 118 millions en 1989. La tendance est également observée en Grande Bretagne, au Japon, en Italie, en Allemagne et aux Etats-Unis. Producteurs, distributeurs et exploitants de salles avaient de quoi être inquiets. Accusé principal : la télévision, qui offre les films à domicile et diminue ainsi l'envie d'aller au cinéma.
La situation au Maroc, depuis 1990, est dans l’ensemble comparable. Le lancement de la seconde chaîne de télévision, la prolifération des paraboles et le piratage des films à la faveur des nouvelles technologies ont privé le cinéma d'une grande partie de sa clientèle. De plus en plus, les Marocains se passent de sortir en famille ou entre amis pour voir un film. Si en 1987 près de 32 millions de tickets ont été vendus, l'année 1996 a vu ce chiffre baisser à 16 millions. (7) Le parc cinématographique en 2001 ne comptait plus que 170 salles, contre 184 salles en 1997 et 250 en 1987. En 2012, il n’en restait pas plus de 50. Cette dégringolade était due à la chute des recettes.  
Comment lutter contre la désaffection du public lorsqu'on exploite une salle de cinéma ? Il y a vingt ans, diverses mesures ont été prises pour offrir un spectacle à l’opposé de l'univers de la télévision : salles de cinéma rénovées, image et son perfectionnés, films projetés sur des écrans géants et concaves, etc. Des mesures incitatives étaient prises par l'Etat, à savoir l'exonération fiscale pendant cinq ans pour les salles rénovées et dix ans pour les salles nouvellement créées.  
Ces considérations nous remettent en mémoire la notion de myopie marketing (ou commerciale) définie par T. Levitt.

Myopie marketing
Cette notion, en effet, qualifie l'erreur courante qui consiste à ne se préoccuper que de la concurrence directe (évidente). Les besoins, on le sait, peuvent être définis par le consommateur de façon tellement large qu'ils pourraient être satisfaits par quantité de produits variés. Pour autant, ce sont les marques visant le même couple produit/marché qui font l'objet d'une attention particulière. Or se focaliser sur cette forme de concurrence, c'est s'enfermer dans une vision restrictive du marché. (8) Les préoccupations managériales à court terme conduisent à ne s'intéresser qu'à la concurrence entre marques, relativement familière, plutôt bien repérée. On perd de vue les menaces issues des autres activités. Il faut bien en tenir compte dans une perspective à long terme. Certes, disait Vernette, « la distinction [entre] concurrents directs et indirects n'est pas pertinente dans le cadre de l'activité quotidienne de l'entreprise [...], mais [elle] est fondamentale dans le cadre d'une réflexion stratégique ». (9)  
La concurrence indirecte est la plus dangereuse dès lors qu'elle échappe au contrôle des dirigeants. On se doit de connaître l'ensemble des solutions auxquelles le public pense spontanément pour satisfaire un besoin. Il est important d'évaluer la fraction de consommateurs qui est prête à remplacer un produit donné par un substitut offert dans un autre secteur. Il y a lieu de considérer un produit par rapport à une industrie. Comment situer un fabricant de raquette de tennis : dans l’industrie du tennis ou celle du sport ? Il y a très longtemps, un économiste avait écrit : « Il n'y a plus de bataille de prix entre US Steel et Bethlehem Steel, mais entre le secteur de l'acier et celui de l'aluminium, entre l'aluminium et le verre, entre le verre et la matière plastique, entre la matière plastique et le bois, entre le bois et le ciment... ». (10)
Un dirigeant d’une société française spécialisée dans la protection de la tôle, pense que la mondialisation de la concurrence « oblige à regarder partout, à ne rien laisser de côté, pour essayer de savoir ce qui risque de nous tuer dans 5 ans. Ce qui nous tuera ne viendra pas forcément de nos concurrents d’aujourd’hui : ce sera peut-être un traitement chimique de protection de tôle. Peut-être même l’acier sera-t-il remplacé par le plastique ? » (11)
En définitive on ne saurait faire l’impasse sur les concurrents indirects sous prétexte qu’ils relèvent d’un secteur d’activités différent. Contrairement aux apparences, ils peuvent se révéler plus dangereux que les concurrents directs. 

Thami BOUHMOUCH
Octobre 2013
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(1) Cité in P. Kotler et B. Dubois, Marketing management, éd. Publi-Union.
(2) Cf. C. Matricon, Le Marketing du réel, Ed. de l’Usine Nouvelle.
(3) Cf. M. Filion et F. Colbert, Gestion du marketing, éd. Gaëtan Morin.
(4) Cf. J. Lendrevie et D. Lindon, Mercator, théorie et pratique du marketing, Dalloz.
(5) En marketing, il est important de distinguer un produit de la fonction qu'il remplit. Cf. article précédent : Le client s'attache aux solutions, pas aux produits  http://bouhmouch.blogspot.com/2012/05/le-client-sattache-aux-solutions-pas.html
(6) T. Levitt, Le marketing à courte vue, Encyclopédie du marketing, Editions Techniques.
(7) Cf. Revue Economie & Entreprise, mars 2001.
(8) Rappel : pour pouvoir analyser un marché, il faut d'abord définir clairement le produit dont il est question. L'entreprise se doit alors d’inclure non seulement les produits directement concurrents mais aussi les produits de substitution, répondant aux mêmes besoins. Voir article précédent : La notion de marché sous l’angle du marketing  http://bouhmouch.blogspot.com/2013/06/la-notion-de-marche-sous-langle-du.html  
(9) E. Vernette, Marketing fondamental, éd. Eyrolles.
(10) R. L. Heilbroner, Les grands économistes, éd. Seuil.
(11) J. L. Guedeu, cité par B. Prouvost, Innover dans l'entreprise, les clés pour agir, Dunod.