Série : L’essentiel didactique
Le marché est un thème à plusieurs
facettes. Dans les deux papiers précédents, nous avons abordé sa portée sous
l’angle du marketing, puis déterminé les différents sous-ensembles qui le
composent. Il s’agit maintenant de le quantifier globalement, d'apprécier la
position de l'entreprise par rapport aux concurrents présents et de mesurer la
capacité d'une profession à le pénétrer.
Les unités de mesure
- Le marché global peut se mesurer
en nombre de consommateurs. Par exemple, au niveau mondial, le marché des médicaments anti-cholestérol est estimé
actuellement à plus de 200 millions de malades traités.
- Le marché peut être exprimé en quantité,
en unités physiques. Par exemple : en tonnes de café, kilowatts, nuitées
(hôtels), kilomètres-voyageurs, nombre de voitures… Au Maroc, le marché urbain de logements neufs est
estimé (par le Ministère de l’Habitat) à 184.000 unités par an.
- Le marché est surtout exprimé en valeur,
en unités monétaires. Au Maroc, par exemple, le marché des parfums a été
estimé en 2011 par les professionnels à 250 millions de dh.
Sous l’angle d’une entreprise,
l’évolution de l’activité est mesurée par le chiffre d'affaires (CA),
calculé en volume ou en valeur pour une période donnée. L'analyse des
variations du chiffre d'affaires permet de déceler un problème éventuel et de
prendre les décisions appropriées.
Laquelle de ces unités de mesure convient-il
d’adopter ?
L'analyste utilise l'une ou l'autre selon
ses besoins et la disponibilité des données chiffrées. Les données en
quantité peuvent mieux représenter la réalité, dans la mesure où elles ne sont
pas gonflées sous l’impact de l'augmentation des prix. Il est alors facile de
comparer les chiffres d'une année à l'autre.
Le CA en volume est néanmoins un
indicateur pauvre, en ce sens qu'il ne reflète pas le niveau de qualité
technique des produits en cas de comparaison entre producteurs et ne
permet pas d'apprécier le poids global d'une entreprise diversifiée
(gamme d'éléments disparates). Il en est ainsi des produits pharmaceutiques conçus
sous forme de gélules, d’ampoules et de sirops. L’évaluation doit-elle
s’effectuer en unités ou en tonnes ? La comparaison entre deux fabricants
différents est-elle réellement possible ?
A l'inverse, l'expression du CA en
valeur permet des comparaisons directes avec les concurrents et ainsi de
mesurer le poids commercial d'une entreprise. Cependant, son évolution est
délicate à apprécier en raison de l'effet de l'inflation. La comparaison
d’une année à l’autre n'aurait alors de sens que si l'on arrive à calculer la
demande en dirhams constats, ce qui signifierait que la variation des
prix est neutralisée.
La part de marché (PM)
C'est le rapport, pour une année
déterminée, entre le marché réel de l'entreprise (en valeur ou en volume) et le
marché de la profession.
La part de marché traduit le poids
représenté par une marque donnée par rapport à toutes les marques présentes sur
le marché ; elle correspond à la proportion des acheteurs actuels du
produit qui achètent cette marque. Elle peut être exprimée par catégorie de
produits au sein d'une gamme. Dans le secteur bancaire par exemple, on constate
généralement une certaine inégalité des parts de marché, selon que l’on
considère la distribution des crédits ou la collecte des dépôts.
La PM est un repère essentiel :
elle dépend des efforts de marketing fournis par une entreprise, tout
en indiquant sa position par rapport aux concurrents. C'est donc un
indicateur important du tableau de bord marketing : quelle place
occupons-nous, quels sont nos principaux concurrents ? Elle indique la hiérarchie
des positions concurrentielles sur un marché. Elle doit être alors observée de
manière dynamique ; l'analyse de son évolution permet d'évaluer
l'efficacité des choix stratégiques.
Encore faut-il pour cela pouvoir
disposer de données crédibles. La précision des chiffres divulgués est parfois
sujette à caution : les déclarations des entreprises peuvent se révéler inexactes.
Il n’est que de voir le marché marocain du mobilier de bureau : il est
resté longtemps « mal structuré » et les statistiques concernant
les parts de marché n’étaient pas fiables.
On comprend dès lors l’intérêt du recours aux bureaux
d'études. Au Maroc, les données des panels distributeurs du cabinet Nielsen permettent entre autres de mesurer la présence des marques dans les
points de vente et les parts de marché détenues.
De nombreuses études ont ainsi été
réalisées sur les marchés du dentifrice, de l’huile alimentaire, des jus de
fruits (en 2010), du lait en
poudre (en 2013), etc. Pour ce qui du lait et des PLF (produits laitiers
frais), selon les
chiffres de ce cabinet publiés en 2010, Centrale Laitière est le leader
incontesté avec 58,7 % de parts de marché, loin devant la coopérative Copag
(Jaouda) qui revendique une part de 25 %. (1)
La part de marché relative
Pour affiner son analyse,
l'entreprise peut mesurer sa part de marché relative (PMR) : c'est le rapport
entre la part de marché d'une entreprise et celle du principal concurrent
(en valeur ou en volume). (2)
La part de marché relative du leader
(chef de file) est calculée en rapportant sa part de marché à celle du challenger,
c’est-à dire de son rival immédiat (le prétendant, le numéro 2). De là, le
leader est le seul à avoir une PMR supérieure à 1.
Marché marocain du ciment en 2011 (chiffres des PM arrondis) :
Marques PM (3) PMR
Lafarge
Ciments 37
37/25 = 1,48
Ciments
du Maroc 25 25/37 =
0,67
Holcim
Maroc 21 21/37
= 0,56
Ciments
de l’Atlas 10 10/37 = 0,27
Asment Temara 7 7/37 =
0,19
La PMR est un indicateur de la
structure concurrentielle d'un marché et du poids (la distance) d'une marque
par rapport au leader et vice versa. Elle permet une évaluation plus significative
de la position concurrentielle et exprime la puissance du leadership. Une entreprise
dont la PMR est de 1,05 est-elle un véritable leader ?
Le taux de pénétration
C'est le rapport entre les
consommateurs actuels d'un produit (ceux qui l'ont déjà acheté au moins une
fois) et la demande potentielle, c’est-à-dire tous les individus susceptibles d'utiliser ce
produit (NCR +
consommateurs actuels). (4)
Le taux de pénétration est une
mesure de la capacité d'une profession à pénétrer un marché, c'est-à-dire à
transformer les acheteurs éventuels en acheteurs actuels. Il permet d'évaluer
les possibilités de croissance d'un marché : existe-t-il encore un potentiel de
ventes supplémentaires auprès de nouveaux consommateurs ?
Le calcul du taux de pénétration
suppose que l'on définisse au préalable deux paramètres. Vu l'imprécision de la
notion de non-consommateurs relatifs (et de là du marché potentiel), cet
indicateur doit être utilisé avec prudence. Le risque est grand, en effet, de
surestimer le marché dans lequel on cherche à s'implanter. Cette grandeur en
tout cas est plus élevée si l'on tient compte du marché potentiel réel. (5)
Plus ce taux est élevé, plus on tend vers un marché
où les nouveaux consommateurs seront de plus en plus rares. Un marché est saturé si le
taux de pénétration est proche de 100 %. Il est qualifié de porteur s’il est faiblement pénétré (par
exemple, à cause d'une distribution inadéquate ou d'une mauvaise
communication...) et est appelé à connaître une forte expansion.
Au Maroc, il y a quinze ans, 56 % des ménages n'avaient pas de
réfrigérateurs alors que 70 % étaient équipés de téléviseurs et 12 à 15 %
seulement possédaient une automobile. C'est dire l'importance de la marge de
manœuvre dont disposaient les sociétés de crédit à la consommation. (6) Aujourd’hui, le marché de l’informatique est qualifié de porteur :
sa croissance au cours des 4 dernières années a été estimée à 20 % et devrait
se poursuivre au cours des prochaines années à un rythme similaire. Le
secteur de l’automobile est également considéré comme attractif. Plusieurs
géants de l’industrie et fournisseurs se sont installés dans le pays, dont principalement
Renault, implanté à Tanger. (7)
Thami
BOUHMOUCH
Juillet
2013
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(2) Non pas « et celle du leader »,
comme l'indiquent à tort certains ouvrages de marketing.
(4) Non pas « les consommateurs
potentiels », comme on peut le lire parfois dans les manuels. La
définition proposée par J. Lendrevie et D. Lindon n’est pas non plus
satisfaisante : « Le taux de pénétration est le pourcentage d'acheteurs
ayant acheté au moins une fois pendant la période de référence ». Mercator,
théorie et pratique du marketing, Dalloz 1997, p. 47.
(5) Cf. le papier précédent :
« Estimer la capacité d’absorption du marché ».
(6)
Cf. L'Economiste du 13/11/1998.
Merci bcp ^_^
RépondreSupprimermerci beaucoup
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