Série : L’essentiel didactique
L’article précédent a porté sur le
marché et son acception sous l’angle du marketing. Il s’agit maintenant de déterminer
les différents sous-ensembles qui le composent.
Dans le cadre de l'étude quantitative de la
demande, l'entreprise doit estimer la taille actuelle du marché ainsi que son
potentiel.
Le marché actuel ou demande actuelle
ou marché réel mesure l'étendue
de la consommation effective d’un produit au
cours d'une période de référence (au temps t0).
On distingue :
On distingue :
- Le marché actuel du
produit ou demande du marché regroupe les produits offerts par toutes les
entreprises de la profession. Il correspond au total des transactions
effectuées pour un produit donné (toutes marques) pour l'année en cours. Exemples
: le marché des jouets, des produits cosmétiques, du fromage, de l'assurance,
etc.
- Le marché actuel de
l'entreprise ou marché de la marque ou demande à l'entreprise correspond à
la demande exprimée à une entreprise (du secteur considéré) ou la quantité de
produits achetés à cette entreprise. C'est l'expression en volume ou en unités
monétaires des achats effectués pour un produit offert par une entreprise en
particulier. Il désigne aussi l'ensemble des clients
de l'entreprise. C'est la part de la demande du marché détenue par cette
entreprise.
Notons au passage qu’une campagne publicitaire destinée à stimuler la demande du marché pourrait profiter plus ou
moins à toutes les entreprises du secteur.
La promotion de la destination Maroc par exemple
est bénéfique pour l'ensemble de l'industrie hôtelière. Il peut arriver que
l'action d'une entreprise provoque une augmentation de la demande totale.
Il y a les clients et les non-clients
Afin d'apprécier les opportunités
qui lui sont offertes, une entreprise commence en général par étudier la
demande du marché. Or un marché ne se limite pas aux clients actuels de
l'entreprise et ceux de la concurrence. Car le niveau de consommation atteint
rarement 100 % du marché. Il y a toujours des non-consommateurs.
Ceux-ci se divisent en deux
catégories :
- Les non-consommateurs
absolus (NCA)
sont les individus qui, dans l'état actuel des choses, ne sont pas concernés
par le produit ou ne consommeront pas le produit pour des raisons profondes
d'ordre économique, physique, psychologique ou moral. Il
en est ainsi des malentendants pour les baladeurs (walkmans), des Musulmans pour les boissons alcoolisées, des hommes pour
les produits de maquillage…
- Les non-consommateurs
relatifs (NCR)
sont les individus qui ne consomment pas actuellement le produit mais qui, raisonnablement, sont susceptibles de le faire à court
ou moyen terme. Les motifs de leur abstention sont moins prohibitifs ; l'action
de l'entreprise peut les transformer en consommateurs. C’est
le cas d’un individu qui ne trouve pas l'huile d'olive Volubilia
dans les points de vente habituels, d’un individu qui ne voit pas l'utilité d'un système
d'alarme antivol ; d’un individu disposant d'un PC mais qui
n’est pas connecté à Internet à cause de son prix élevé, d’un individu portant des lunettes mais qui ignore l’existence des
lentilles de contact…
Si l’on ajoute les NCR au marché actuel
du produit ou si l'on retire les NCA de la population totale, on obtient
le marché potentiel du produit (MPP) ou demande potentielle.
Le marché potentiel correspond à une estimation du niveau maximal que
pourraient atteindre les ventes au cours d’une période de référence. Dans la plupart des cas (mais nullement dans tous), il comprend l'ensemble des acheteurs actuels du produit et des non-consommateurs
relatifs. D’où, au temps
T+1 (figure) : MPP = C + E + N. Une entreprise, pour agrandir son
marché, doit attirer les clients des concurrents et les NCR. Ainsi, le
marché potentiel de l'entreprise (MPE) comprend, en plus de la demande
exprimée à celle-ci, une partie des clients actuels des concurrents et une partie
des NCR. D'où : MPE = E
+ aC + bN.
Ce raisonnement est difficile à
appliquer aux produits durables. Dans le cas de l'assurance vie, par exemple, il
va de soi que les clients déjà assurés ne sont pas susceptibles d'acheter de
nouveau le produit. On est alors porté à affirmer qu’en l’occurrence le marché
potentiel ne comprend pas le marché actuel.
Ne confondons pas : pour une
entreprise donnée, les consommateurs potentiels (aC + bN) sont susceptibles d'utiliser son produit parce qu'ils en ont un besoin exprimé
ou latent ou parce qu'ils consomment des produits similaires ou concurrents. Par
exemple, la clientèle potentielle des lignes nationales de la RAM est
constituée des personnes qui parcourent, à l'intérieur du pays, des distances
de plus de 300 kilomètres.
Quant aux prospects, ce sont des clients
potentiels auprès desquels on effectue une démarche commerciale (activité de prospection). Retenus dans la base de données de l'entreprise,
ils sont contactés par des représentants qui s’emploient à les
convertir en clients effectifs.
S’agissant du marché potentiel du
produit, il importe de distinguer ce qui est « réel »
(réalisable) de ce qui est « théorique » (hypothétique). Prenons
l’exemple du marché des produits de jardinage. Les NCA sont logiquement ceux
qui n’ont pas de jardin. Imaginons qu'il y a dans une zone donnée 10.000
résidences et immeubles dotés d'une pelouse. Le marché potentiel théorique
(MPT) est
donc égal à 10.000… Une enquête révèle que 70 % des résidents pensent qu'il est
important de traiter régulièrement le gazon. Le marché potentiel réel
est ainsi estimé à 7.000. Enfin, cette enquête montre qu'une personne sur deux
achète les produits de jardinage. Le marché actuel de la profession est alors
égal à 3.500. (1)
Le marché potentiel
théorique est celui auquel on pourrait prétendre a priori. Il est
plus large que le marché potentiel réel (MPR) – en ce
sens qu'il ne tient pas compte des contraintes objectives et autres freins ou
barrières à l’achat… Il en résulte que la connaissance du MPT ne
présente souvent qu'un intérêt pratique
limité, du moins à court terme, mais pourrait servir lors de l'élaboration
d'une stratégie à long terme.
Potentiel ne veut pas dire prévisionnel
L'identification du marché potentiel
suppose donc que l'on soit en mesure d'évaluer les non-consommateurs relatifs.
La mesure est nécessairement imprécise, car on
connaît mal les raisons de leur abstention. L'exactitude
de l'estimation repose, en tout état de cause, sur la qualité des informations
recueillies. De plus, le marché potentiel ne
constitue pas une donnée immuable, mais évolue au cours du temps sous l'effet
de l’action de l’entreprise (innovation, adaptation
du produit) ou des variables de l'environnement
(modification des goûts, du contexte économique, de la démographie, de la législation ou de
la technologie).
L’exemple du marché de la frite surgelée au Maroc est significatif à cet égard. La stratégie commerciale
à adopter est de viser d’abord les consommateurs
actuels des frites surgelées importées, c’est-à-dire la restauration rapide, les cantines collectives, les ménages équipés en appareils de congélation et ayant adopté la culture du surgelé.
Il y a lieu également de viser les non-consommateurs relatifs : les
restaurants traditionnels, les hôtels, snack-bars et sandwicheries qui proposent des frites fraîches. On peut considérer
que seule une partie du marché des NCR est susceptible de faire l'acquisition
du produit ; il subsistera toujours des irréductibles.
Que dire
maintenant de la demande prévisionnelle ? C’est celle à laquelle il faut s'attendre aux
temps t+1, t+2, etc. Elle est en quelque sorte à mi-chemin entre la demande actuelle
et la demande potentielle. L'entreprise performante ne cherche pas seulement à
maximiser ses ventes dans l'immédiat. Elle investit dans une relation durable
avec le marché. Plus l'horizon est lointain, moins la prévision est précise.
Il n’est que de voir le
marché du ciment : des études permettent d'envisager, sur la base
d'hypothèses de croissance raisonnables, tel niveau de
demande en volume d’ici par exemple 2017. Une telle projection s'appuie à la fois sur le niveau faible
de consommation (par habitant), en comparaison des
pays du pourtour méditerranéen et sur la volonté
des autorités publiques de résorber l'important déficit en logements et en
infrastructures.
L'estimation de la demande du marché
peut déterminer la composition et l'orientation de la stratégie marketing d'une
entreprise. On prévoit la demande globale indépendamment des actions que l'on
envisage d'entreprendre. En revanche, l'estimation des ventes d'une entreprise
doit être considérée comme une variable dépendante ; c'est le résultat, entre
autres, des choix marketing et des moyens mis en œuvre par cette entreprise
(lancement d'un produit, baisse du prix, changement de la politique de
communication).
Ainsi, la demande prévisionnelle peut être inférieure ou supérieure à la demande actuelle, selon le niveau anticipé de l'effort marketing, selon l'évolution des facteurs de l'environnement et la réaction anticipée des concurrents.
Ainsi, la demande prévisionnelle peut être inférieure ou supérieure à la demande actuelle, selon le niveau anticipé de l'effort marketing, selon l'évolution des facteurs de l'environnement et la réaction anticipée des concurrents.
Thami
BOUHMOUCH
Juin 2013
Juin 2013
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(1) Cf. Le marketing de
l’idée à l’action, J.-P. Sallenave et A. d’Astous, éd. Simex 1990, p. 144.
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