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29 octobre 2011

IL N’Y A PAS DE PLANIFICATION SANS SYSTEME DE CONTROLE



Une entreprise, dans un univers de rivalité intense, ne navigue pas à vue. Elle planifie sur le long terme, c’est-à-dire elle prend des décisions à l'avance en vue d'atteindre des résultats déterminés (chiffrés). La mise en œuvre de la stratégie nécessite une organisation élaborée, un guide d’orientation des tâches à accomplir, assorti d’un calendrier (étapes de réalisation), des modes de financement (budgets) et de la désignation des principaux acteurs. Ceux-ci, sachant où ils doivent aller et comment y aller, se mettent alors au travail.

Nécessité du contrôle

Or une planification ne saurait être mise en œuvre sans un système rigoureux de suivi et d'évaluation. Elle n'est d’ailleurs pas crédible sans un tel système. Cette règle incontournable découle de 3 constats :
Primo. Fixer des objectifs ne relève certainement pas d’une science exacte ; c’est une tâche bien humaine, faillible et perfectible. Lorsque les dirigeants de Jet Sakane se sont fixés l’objectif sur 5 ans (2007-2011) de construire 20.000 logements sociaux et de standing (à Casablanca, Agadir, Marrakech et Tanger), ils savaient qu’ils peuvent ne pas l’atteindre, ne pas être dans les délais. Méditel, à ses débuts, tablait sur un objectif de part de marché très ambitieux. Par la suite, affaibli par la combativité commerciale de Maroc Telecom, l'opérateur a dû à plusieurs reprises réviser à la baisse son plan stratégique. Le groupe KFC Maroc prévoyait l'ouverture de 30 restaurants à l'horizon 2011. Là encore, l’objectif a été revu à la baisse plusieurs fois... Certes, les objectifs doivent être réalistes, sont mesurables et définis dans le temps, mais ne sont pas immuables ; ils sont voués en cours de route à être évalués et vérifiés.
Secundo. Vu le caractère complexe et incertain de l'environnement commercial, les prévisions à long terme sont de plus en plus difficiles. La visibilité, dans bien des cas, est incertaine au-delà de 6 mois. Aucun secteur n'est à l'abri d'un retournement de tendance. Il faut constamment mesurer les résultats obtenus, réagir aux imprévus et difficultés qui peuvent contrecarrer la ligne tracée : lancement d’un nouveau produit par un concurrent, guerre des prix, échec d'une opération de promotion, commandes annulées, changement du comportement des consommateurs, intensification des réclamations, rupture d’approvisionnement, grève, etc.
   
Tertio. Une stratégie est considérée comme l'utilisation de ressources internes pour faire face à des facteurs externes. Les opérations prévues par le plan occasionnent donc des dépenses et il y a forcément des budgets à respecter. Il importe de raisonner en permanence en termes de coût et de retour sur investissement. Une erreur d’appréciation peut coûter cher à l'entreprise. Le suivi de la mise en œuvre du plan permet ainsi de vérifier l’emploi des ressources et de rectifier éventuellement.
Retenons ici une première proposition : tout plan d’action se heurte à des difficultés de mise en œuvre. Il est naturel et nécessaire de suivre le travail accompli à tous les échelons, de confronter les résultats obtenus aux objectifs prévus. Une stratégie n’étant pas irréversible, la planification est infailliblement réactive.

Réactivité et adaptation
Un système de contrôle, c’est quoi ? Comment ? Quand ?
En premier lieu, ce système suppose un retour d'information permettant de confronter la réalité du terrain aux objectifs fixés, d’apprécier en fait l'efficacité des tâches et des moyens mis en œuvre. Les postes à surveiller diffèrent d'un projet à l'autre et en fonction de l’état du marché. Il en est ainsi d’un produit à marge faible : le dirigeant soucieux du résultat d'exploitation fera surtout attention aux volumes de vente… Cela étant, quatre postes font l’objet d’un contrôle permanent : le montant du chiffre d'affaires, les volumes de ventes, la marge pratiquée et le résultat d'exploitation. Corrélativement, des contrôles spécifiques peuvent porter sur des actions particulières : action des représentants, impact des campagnes publicitaires, opérations de promotion, dépenses de marketing, interventions du service après-vente, taux de rebut (usine), nombre d'appels clients traités, etc. (1) Les divers indicateurs sont autant de clignotants regroupés sur un seul support.
Dans le cas, par exemple, des compagnies aériennes, le contrôle des ventes porte sur les recettes. Pour chaque représentation, des quotas à atteindre sont fixés. De même que sont établis des cost ratios, tel celui des frais généraux sur le chiffre d'affaires – car il s'agit de réaliser des bénéfices et pas seulement tel niveau de chiffre d’affaires (rappelons nous l’adage : « vendre c'est bien, être rentable c'est mieux »). L'évaluation s'effectue par le siège d'une manière continue. Elle permet d'envisager les mesures correctives nécessaires, d'intervenir à temps.
De là, en second lieu, un système de contrôle implique des efforts d’ajustement, à la lumière des résultats prévus et des écarts identifiés. Ces écarts sont mis en évidence, analysés et expliqués. Le cas échéant, des corrections sont apportées au plan initialement prévu. Les objectifs ou/et les moyens sont revus ; des tâches sont développées, d’autres rectifiées ou même supprimées.
« Pour s’adapter, c'est-à-dire réagir à bon escient et vite, l’entreprise doit garder l’initiative et adapter de manière continue sa stratégie aux changements de contexte (l’environnement du marché) et, in fine, se remettre en cause en continu, s’adapter aux évolutions inévitables de la concurrence, à ses propres failles, à des conjectures fausses ou à un manque initial de connaissances ». (2) Il s’agit à la fois de s'assurer que l'entreprise est engagée dans la bonne direction et de garantir l'efficacité de l'emploi des ressources allouées.  


Le contrôle doit être effectué périodiquement, tout au long de l’année d’exécution du plan. Il n’y a pas de règle régissant la périodicité. Cela dépend du niveau d’organisation, des moyens disponibles et des dispositions des dirigeants. Grâce à l’outil informatique, le suivi peut être permanent : les entreprises sont dotées de systèmes de reporting et de tableaux de bords permettant de suivre à tout moment la mise en œuvre du plan. « Le reporting est la présentation périodique de rapports sur les activités et résultats d’une organisation, d'une unité de travail ou du responsable d'une fonction, destinée à informer les personnes chargées de les superviser […] ou tout simplement concernées par ces activités ou résultats ». (3) Cette pratique est donc surtout destinée à « rendre compte » [c’est le sens du terme] du travail effectué, à informer la hiérarchie de la situation à laquelle fait face tel groupe ou tel service ; elle s’appuie sur des indicateurs de résultat (résultat final du processus)... (4)
Le tableau de bord, en revanche, se compose surtout d’indicateurs d’action et de fonctionnement, montre comment le processus est en train de se dérouler, permet de savoir si vous vous trouvez dans la bonne direction. Il est établi à une fréquence suffisante pour permettre aux responsables de réagir à temps. Ainsi, on ne confondra pas reporting avec tableau de bord (sujet du prochain article).
Quoi qu’il en soit, « on voit que le contrôle ne peut être occasionnel. Comme la planification, c’est un processus continu et ses résultats devraient fournir au responsable de marketing des connaissances qui deviendront une partie des intrants de la future planification ». (5)
Nous parvenons là à la seconde proposition : le système de contrôle comprend un mécanisme de rétroaction permettant, après une perturbation, d’engager des mesures correctives. La planification est crédible si, en cours d'exécution, elle donne lieu à de telles mesures. Ainsi, la planification est réactive, adaptative et flexible.

Thami Bouhmouch
28 octobre 2011
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24 octobre 2011

PROBLEMATIQUES DE L’ECHANTILLONNAGE



L'entreprise recourt à une enquête par sondage lorsqu’elle a besoin de recueillir des informations d’une façon ponctuelle, sur un problème spécifique. Mais, avant de se lancer dans une recherche longue et coûteuse, il convient de s’assurer que l’information requise ne peut être obtenue par un autre moyen, de savoir si elle n’est pas déjà disponible quelque part (données stockées par l'entreprise, sites web, presse spécialisée, organismes publics ou privés…).
Un sondage consiste à construire un échantillon à partir d'une population donnée (public cible). Les personnes faisant partie de l'échantillon sont interrogées à l'aide d'un questionnaire et les réponses obtenues sont ensuite extrapolées à l'ensemble de la population. D’où une question de premier plan : combien d’individus doit-on interroger ?

1. La question de la taille de l’échantillon

Tout d'abord, il n’y a pas lieu de déterminer la taille de l’échantillon « au pif », selon son intuition. Cette démarche ne repose évidemment sur aucune justification rationnelle. On ne saurait non plus fixer la taille requise en réitérant simplement celle adoptée lors d’une étude antérieure, sous prétexte qu’il faut comparer les résultats obtenus. Il convient à chaque fois de s’interroger : quelle taille doit-on attribuer à l’échantillon pour qu’on puisse disposer d’une estimation satisfaisante des caractéristiques de la population étudiée ? Comment garantir un degré élevé de fiabilité ? Faut-il calculer cette taille mathématiquement ? Comment ?
Ici, deux objections couramment rencontrées viennent à l’esprit et pourraient jeter le doute sur l’enjeu du calcul :

- Sur le terrain, dit-on, un institut de sondage ne procède pas au calcul du nombre d’enquêtés. Il s’appuie sur les pratiques de la profession et tend ainsi à interviewer entre 300 à 600 personnes dans le cas des sondages locaux. S’il s’agit de sondages nationaux, un échantillon de 800 à 1000 individus est le plus souvent retenu, ce qui garantit le meilleur rapport taille/précision, équivalant en fait au rapport qualité/prix du point de vue des cabinets d’études… Se fier à des standards professionnels peut sembler pertinent, mais il ne se fonde à vrai dire sur aucune base scientifique et laisse des questions en suspens (on y reviendra plus bas).  
- Le budget et le temps disponibles sont souvent déterminants. Ils limiteront forcément la taille de l’échantillon, même si le risque d’erreur quant à la représentativité de la population enquêtée est grand (il n’y a aucune relation entre l’une et l’autre). D’aucuns préciseront que c’est le profil même de la population de référence qui va déterminer l’évaluation de l’échantillon : si l’on dispose d’une liste exhaustive (un fichier clients par exemple), on optera pour une méthode probabiliste ; ce qui, par là même, fera prévaloir le raisonnement mathématique. Dans le cas contraire (par exemple, la population d’une agglomération), on se pliera par-dessus tout aux contraintes de budget et du délai de réalisation de l'enquête.

Ces contraintes ne sont certes pas négligeables. Toutefois, si un étudiant, dans le cadre de son mémoire ou sa thèse (moyens et compétences limités) peut se contenter d’un échantillon de moins d’une centaine d’individus, il n’en va pas de même d’une entreprise. Il importe de veiller à ce que la taille de l’échantillon soit suffisamment grande pour obtenir des résultats fiables (si elle est trop réduite, il faut renégocier le budget).
L'impératif de fiabilité ne saurait être minimisé. Les calculs mathématiques s’avèrent nécessaires, car ils conditionnent en grande partie la qualité de la démarche marketing. Nécessaires, parce qu’on doit mesurer le degré de confiance et la marge d’erreur dans l’estimation des paramètres. C’est bien à cette condition que se fera l’extrapolation des résultats obtenus à l’ensemble de la population de base. Une telle extrapolation est la condition sine qua non d’une enquête par sondage.
Les réponses fournies lors d’un sondage suivent une loi statistique, appelée loi normale. Cette loi indique les conditions d'une fiabilité maximale. Considérons un modèle d’enquête fondé sur un échantillon probabiliste. On se donne un niveau de confiance et une marge d’erreur (l’erreur acceptée lors de l’extrapolation des résultats). C’est sur ces bases qu’on va déterminer la taille de l’échantillon requise en appliquant la formule suivante (surtout si l’étude porte sur une proportion).
     n = 2 p (1-p) / e 2
     Explication :
     n = taille de l'échantillon.
     3 facteurs déterminent essentiellement la taille de l'échantillon : a, p, e.

a : niveau ou seuil de confiance. Il indique le seuil de risque, les chances qu’on a pour que la réponse soit représentative. C’est le degré de fiabilité de l'échantillon que l’on veut accorder à l’étude. Ce coefficient est lu dans la table de la loi normale (loi de Gauss). Il vaut 1,96 si l’on se donne un niveau de confiance de 95 %.
p : proportion estimative d’individus présentant la caractéristique à mesurer (observée dans l’échantillon). Elle est déterminée par la connaissance que l’on a déjà sur le sujet (à partir d’une étude antérieure). Lorsque cette proportion est ignorée, une pré-étude peut être réalisée ; sinon, la valeur p = 0,5 sera retenue.

e : la marge d’erreur qu’on se donne. Si e = 2 % (correspondant à une valeur type de 0,02), l’estimation des paramètres ne devrait pas s’écarter de plus ou moins 2 % de la réalité. Si on obtient une notoriété spontanée de 50 % avec cette marge, la vraie valeur serait comprise entre 48 et 52 %. Dans ce cas, on dira qu’il y a 95 % de chance (le seuil de confiance) pour que notre notoriété spontanée soit comprise entre 48 et 52 %.
Nota bene : on peut calculer la taille de l’échantillon sans tenir compte de la taille de la population de référence (N). Le taux de sondage (n / N) importe donc peu.

Un exemple simple : je souhaite effectuer un sondage marketing avec une erreur maximale de 2 points. Il faudra alors interroger 2 401 personnes (n = [1,96 ² x 0,5 x 0,5] / 0,02 ²)… Si je suis exigeant en matière de fiabilité, je devrai en assumer le coût.
Un principe logique se dégage ainsi : plus la taille de l’échantillon d’un sondage aléatoire est élevée, plus la précision des données recueillies est grande. Mais l’erreur n’est pas directement proportionnelle à la taille. Il ne suffit pas de doubler celle-ci pour doubler le degré de précision. En fait, la précision est proportionnelle à la racine carrée de l'inverse de la taille de l'échantillon. Schématiquement, pour multiplier par 2 la précision, il faut multiplier par 2 ² = 4 le nombre d’enquêtés.

En toute rigueur, la taille réelle de l’échantillon est un compromis entre le degré de précision à atteindre et les contraintes de budget/temps disponibles. Il s’agit bel et bien de concilier les deux préoccupations.
L’erreur d’échantillonnage, après tout, n’est pas celle qu’il faut craindre le plus. Les questions mal formulées, un entretien bâclé, une mauvaise interprétation des réponses sont des sources d’erreurs beaucoup plus sérieuses. En somme, le plus important n’est pas la taille de l’échantillon mais la qualité de votre questionnaire, celle de vos procédures et celle des enquêteurs. Si vos questions sont judicieuses, si elles sont posées d’une manière adéquate, si elles sont bien traitées et bien interprétées, alors les réponses apportées seront pertinentes.

Nous en arrivons à une seconde préoccupation : c’est bien de trouver les bonnes questions, de savoir les poser, de pouvoir interroger un grand échantillon… encore faut-il que les répondants soient représentatifs. Quel en est l’enjeu ?

2. L’exigence de représentativité 

Sur un site, à propos d’une enquête online, on lit ceci : « Cette enquête […] a permis de recueillir les avis de 1012 internautes sur 22 questions, abordant tous les aspects de la fidélisation […] Les résultats de cette étude ne sont pas extrapolables à l'ensemble de la population, l'échantillon n'étant pas représentatif, mais restent pertinents et intéressants, permettant d'en tirer les grandes tendances de la fidélisation ». (1)


Ce raisonnement est inconsistant autant que contestable. A moins qu’on dise que les informations recueillies (sans représentativité) constitueront de simples indicateurs qui, faute de mieux, seront appuyés par d’autres éléments d’investigation… Gardons à l’esprit que l’échantillonnage permet d’estimer les caractéristiques d’une population en interrogeant directement une partie de celle-ci. Les réponses obtenues dans l’échantillon sont nécessairement extrapolées à la population de base. Elles ne nous intéressent pas en elles-mêmes ; ce qui nous intéresse c’est leur application à l’ensemble de la population visée. Il faut dès lors veiller à ce que les individus composant l’échantillon soient représentatifs.
L’idée est simple : un groupe réduit d'individus est censé représenter l'opinion de la population cible, refléter ses traits distinctifs. Plus exactement, « on attend de l’échantillon qu’il fournisse des résultats aussi proches que possible de ceux qui auraient été obtenus si toute la population dont il est tiré avait été interrogée ». (2) L'inférence dont parlent les statisticiens consiste justement à induire les caractéristiques inconnues d'une population à partir d'un groupe issu de cette population. Il y a deux cas de figure :
« Dans les échantillons aléatoires, chaque individu de la population mère a une même probabilité de figurer dans l’échantillon. Le tirage au sort est le modèle d’échantillonnage présumé idéal : sa représentativité est présumée, mais elle n’a de sens que dans la mesure où la taille de l’échantillon est compatible avec le niveau d’erreur acceptable ou accepté. Dans les échantillons empiriques, on va construire un échantillon de structure comparable à celle de la population mère dont on connaît certains éléments structurels. La représentativité n’est plus statistique mais structurelle, l’échantillon correspondant alors à une maquette, un modèle réduit de la population étudiée ». (3)
La condition de représentativité revêt donc un intérêt majeur ; la validité des résultats en dépend... Nombre de questions en découlent : le sondage effectué est-il fiable ? Quel est le profil du groupe interrogé ? Sur la base de quels critères a-t-il été choisi ?... Curieusement, il arrive que ces questions décisives soient dédaignées. Ainsi en est-il de ce quotidien de la place qui n'hésite pas à confectionner un sondage expéditif afin de pouvoir affirmer que « 45 % des Marocains soutiennent telle politique, 60 % approuvent telle opinion ». Faut-il se satisfaire d’une étude en faisant dire aux chiffres (coûte que coûte) ce qu'ils ne peuvent pas dire ? Dans un pays comme le Maroc, les données obtenues n'ont pas de validité si, dans bien des cas, l'échantillon ignore d'emblée le monde rural. Un sondage visant le grand public et effectué par téléphone n'est pas non plus crédible. Parfois, le fameux principe du « Maroc utile » semble renaître de ses cendres.
Une enquête par sondage n'a rien à voir avec un jeu de manipulations : lorsque les commanditaires et l'organisme chargé de l'enquête sont résolument « acquis à la cause », les questions sont biaisées et débouchent presque sur une supercherie. Qui plus est, les répondants ne peuvent détecter les pièges des questions orientées, des questions dont la formulation permet d'obtenir les réponses souhaitées...
Décidément, ce n’est pas une sinécure que d’effectuer un sondage, de donner un sens réaliste et tangible aux données recueillies.

Thami Bouhmouch
21 octobre 2011.
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(3) Ibid.



14 octobre 2011

AFFICHAGE DES PRIX : POURQUOI, COMMENT ?


Voici une des notions simples que tout étudiant en Marketing se doit d’appréhender : sur le marché, un besoin conduit à la recherche de solutions pour le satisfaire. L’acheteur potentiel – surtout lorsque l'achat est prémédité – tend normalement à s'informer afin d'effectuer le bon choix. Ce qu’il comprend et retient des renseignements transmis influe directement sur sa décision (achat ou non-achat). Mis à part les cas routiniers où le recours à la mémoire (l’apprentissage) suffit amplement, l’information requise est obtenue auprès de sources diverses, tels le vendeur (ou lieu de vente), un message publicitaire, un prospectus, un site web, un périodique, les membres de l’entourage (famille, amis, voisins).
Le paysage commercial dans lequel nous évoluons a connu des mutations majeures, vu la multiplication des produits offerts ainsi que les nouveaux procédés de vente. Ce développement impose aux producteurs et commerçants de s'adapter aux nouvelles règles de fonctionnement concurrentiel. Comment concevoir une économie libérale, fondée sur la liberté de choisir, sans admettre la nécessité de donner au consommateur les moyens d’exercer ses choix en parfaite connaissance de cause ? Lors de l'achat d'une voiture, par exemple, d’aucuns ignorent l'existence du crédit bail mobilier ou leasing. Combien savent que la formule de la LOA (location avec option d'achat) est mieux adaptée et comporte des avantages non négligeables (taux moins élevés, exonération de TVA) ? Les organismes concernés ont pourtant intérêt à communiquer ces informations, surtout qu'ils ont un gage sur le véhicule acheté. Les acheteurs savent-ils tous qu'on ne devient propriétaire du véhicule qu'au terme du contrat, qu’ils ne peuvent quitter le territoire sans autorisation du crédit bailleur ?
L'information recueillie sur le produit offert précède le choix du consommateur, réduit l'incertitude, permet de prendre une décision éclairée. Or l’indication du prix est la clé de voute de cette information. D’où la nécessité d’un affichage sans équivoque.

Dissimulations et artifices
Au Maroc, le défaut d'affichage des prix est devenu une pratique à laquelle la société semble s’être habituée. Rares sont ceux qui le regardent comme un handicap sérieux, à l'origine d'innombrables malentendus et tromperies. Comme je l’ai noté dans un précédent billet, « on a beau se convaincre qu'il s'agit là [l'affichage des prix] d'un des principes de la culture industrielle (transparence au niveau des transactions commerciales) les marchands lui opposent un niet catégorique. Quelle que soit la marchandise (fruit, pâtisserie, parfum, jouet, vêtement, ustensile de cuisine...), l'acheteur potentiel se fait communiquer les prix oralement, article par article. A aucun moment les gens ne se plaignent de ce rituel laborieux et déraisonnable... » (1)  
Combien cela me coûtera-t-il ? C'est la question que chacun se pose au moment de souscrire à un crédit. Les publicités, loin de fournir une information préalable fiable, s'avèrent un véritable sac d'embrouilles : dans le secteur de l'automobile, quelques-unes indiquent la mensualité à régler sans préciser la durée, ni l'apport initial, d'autres seulement le taux, en dissimulant les frais de dossier et la prime d'assurance. Résultat : l'individu en situation de choix ne peut apprécier, ni faire une comparaison rationnelle des conditions de crédit. En l'absence d'une contrainte réglementaire réelle, les quiproquos sont inévitables : taux réel, dégressif, constant, hors taxes, TTC ? On se doit d'expliquer, entre autres, que si la durée est prolongée, la mensualité est faible mais la charge des intérêts est élevée... En fait le coût du crédit dépend du taux, de la mensualité, de la durée et des frais dits accessoires (frais de dossier, prime assurance). Les organismes de financement, même lorsqu'ils proposent des simulations pour convaincre les clients potentiels, ne les renseignent pas de manière exhaustive. Des éléments sont toujours occultés.
Du côté des banques, l’affichage est certes strictement imposé… mais il y a toujours moyen de louvoyer, de trouver un biais. Je me cite encore : « il arrive souvent que le tableau sur lequel sont inscrits les taux de référence et les prix des prestations de service soit placé dans un coin pratiquement hors de portée de la clientèle et du public. Les responsables ne perçoivent pas ce défaut d'affichage comme une marque d'opacité. Ils ne sont pas à même de comprendre que le renseignement arraché oralement est loin d'être clair et suffisant ». (2)
La sensibilité de l'individu en matière d'information dépend de ses prédispositions vis-à-vis de la marque concernée mais aussi du degré de clarté du stimulus. Il y a dix ans, rappelons-nous, Maroc telecom et Méditel avaient axé leurs actions de promotion sur des données floues, incomplètes et contradictoires. Ainsi les messages publicitaires, les prospectus et surtout les vendeurs ne précisaient pas que la durée de communication s'entendait en tarif réduit, ils mélangeaient prix hors taxes et prix TTC, etc. Le client se trompait souvent sur le prix à payer et les avantages obtenus. La situation aujourd'hui est meilleure, mais le client n’est toujours pas à l’abri des non-dits et des manipulations.
Le défaut d’affichage a pour corollaire logique le marchandage. La personne qui se fait communiquer le prix oralement est portée à le discuter, à vouloir l’abaisser. La pratique est fastidieuse et suscite le doute et la méfiance. Elle donne lieu à une perte de temps inadmissible et à tous les abus. Que de touristes ont été trompés et écœurés… A l’heure où l’on parle d’assainissement, il importe de réfléchir à la question.
L’affichage clair des prix assure la transparence dans les transactions et la protection du consommateur. Un commerçant est tenu de communiquer ses prix de manière écrite et bien visible. Lorsqu'il expose ses produits avec des prix convenablement affichés, il s'engage à les céder aux conditions qu'il a lui-même définies. Dans un supermarché, vous tombez sur un article à un prix relativement bas. Arrivé à la caisse, une surprise vous attend : le montant requis est bien plus élevé que celui affiché en rayon ; il s’agit, vous dit-on, d’une erreur. Le phénomène est persistant et a pris une grande ampleur, mais rares sont ceux qui s’en rendent compte (à la caisse, les clients ont l’air absorbé, ramassent la marchandise tête baissée).


Affichage : que dit la loi ?
Les autorités publiques sont conscientes de la nécessité de l’affichage des prix et la loi est assez explicite sur ce point. Une campagne nationale pour l’affichage des prix a déjà eu lieu en avril-mai 2002 sur la base d’un dispositif réglementaire strict. La loi 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence reconnaît certes le principe de la libre détermination des prix des biens et services, mais elle impose des règles de transparence dans les transactions commerciales. L’obligation d’afficher les prix est stipulée sans équivoque : « Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou tout autre procédé approprié, informer le consommateur  sur les prix et les conditions particulières de la vente ou de la réalisation de la prestation ». (3)
Si le produit est exposé à l’extérieur du lieu de vente (vitrine, étalage), l’affichage du prix doit éviter au client potentiel de pénétrer à l’intérieur pour en prendre connaissance. Si le produit est exposé à l’intérieur (étagère, présentoir), son prix doit être mis en évidence par le biais d’écriteau, d’étiquette ou autres, de sorte que le client ne soit pas contraint d’en faire la demande. « L'écriteau doit être placé sur le produit ou à proximité immédiate ; indiquer le prix en monnaie nationale TTC, en caractères parfaitement visibles et lisibles […] L'étiquette ne peut être utilisée que lorsque le consommateur à la possibilité matérielle de prendre directement le produit en main : elle doit être placée ou attachée sur le produit lui même ou son emballage […] Le prix des prestations de services doit faire l'objet d'un affichage dans les lieux où elles sont proposées au public ». (4)
S’agissant des services, les modalités d’affichage diffèrent selon la nature de la prestation et son lieu (hôtel, café, salon de coiffure). Le législateur, en mettant ce dispositif en place, entend protéger le consommateur et n’admettre aucun manquement. Le non-affichage du prix, considéré comme un délit, est passible d’une amende allant de 1.200 à 5.000 dh.
Voilà pour le principe. Le problème au Maroc, comme dans bien d’autres domaines, se situe aux niveaux de l’adhésion sociale, de l’application effective, du suivi administratif. Aujourd’hui, le défaut d’affichage apparaît encore et toujours parmi les types d’infraction les plus rencontrées par les services de contrôle. A cet égard, l’indulgence de l’Etat n’est pas du tout compréhensible : il sanctionne sévèrement l’automobiliste qui omet de mettre la ceinture de sécurité, mais ferme les yeux sur les abus commis au grand jour par les commerçants et prestataires de services.

Odd princing : de la magie ?
Que dire maintenant de cette pratique, très répandue dans les grandes surfaces, appelée Odd pricing ? C’est le prix fixé juste en dessous du nombre entier le plus proche (se terminant par 95 ou 99) afin de créer un effet psychologique favorable auprès du consommateur. Comment cette astuce est-elle perçue par le grand public ?
Déjà lorsque le prix comporte une virgule, il donne l’impression d’avoir été « étudié » scrupuleusement avant d’être affiché ; de là, il parait crédible et suscite une certaine confiance. Mais il y a aussi l’idée de seuil psychologique. Si, par exemple, le prix indiqué est de 9,95 dh, il est situé dans la fourchette inférieure à 10 dh, ce qui est censé déclencher la décision d’achat. Tant que ce seuil (prix rond) n’est pas franchi, la demande est assurée. L’observation attentive du consommateur – vu qu’il est exposé à un flux continu de prix – montre qu’il ne retient que les chiffres avant la virgule. L’impact sur son esprit et son comportement est considérable : il a la sensation que l'article « n’est pas cher ». De plus, lorsqu’il se rappelle ou reprend lui-même le montant annoncé, il y a de fortes chances pour qu’il l’arrondisse au dirham inférieur. C’est là que se situe la victoire du vendeur. D’où l’appellation « prix magique » ou « prix en trompe-l'œil ».

Le consommateur doit pouvoir se fier au prix affiché. Celui-ci, à l’évidence, doit être univoque et lisible. Curieusement, un magasin comme Metro affiche ses prix, souvent TVA incluse, parfois hors taxes, selon la catégorie de produit. Les clients, n’étant pas en état d’alerte permanent, se trompent à tous les coups. Devinez maintenant comment l’hypermarché Marjane s’y prend pour indiquer le prix de 5,95 dh sur un écriteau. Le spectacle vaut le détour : le chiffre 5 est démesuré, la virgule est bien sûr absente, les décimales 95 sont minuscules, griffonnées maladroitement et surtout mises à l’écart dans le coin de l’affiche, d’une manière telle que personne ne peut les voir. L’auteur de ce petit stratagème sait ce qu’il fait : un dirham est ainsi soutiré, sans coup férir, à des dizaines de milliers d’acheteurs et pour chacun des articles concernés. Interrogé à ce sujet, un responsable explique : « il n’y a aucune intention de tromper, c’est simplement du marketing ».


Qui serait à même de mettre fin aux abus flagrants qui guettent au quotidien le consommateur marocain ? D’abord, l’Etat : responsable de l’ordre public, il est tenu d’intervenir régulièrement et dispose pour cela des moyens de coercition appropriés. Souvent, seule la sanction peut réfréner les déviances. Ensuite, les associations des consommateurs ont un rôle à jouer et on peut déplorer qu’elles ne soient pas suffisamment actives pour prêter la main à l’Administration. Enfin, il y a l’implication décisive du consommateur lui-même : étant directement en situation, c’est à lui de s’élever contre les manœuvres frauduleuses, d’exiger des explications sur les clauses douteuses, de réclamer plus de transparence, de faire prévaloir ses droits. Au Maroc, peut-être plus qu’ailleurs, l’individu est faible face aux producteurs et commerçants ; il semble avoir pris l’habitude de se résigner… Mais les esprits vont sûrement évoluer, qui sait ?

T. Bouhmouch
Rédigé le 13 octobre 2011
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(1) T. B., Le fait économique ne se produit pas sans l'homme, http://bouhmouch.blogspot.com
(2) T. B., Secteur bancaire : le client n'est pas roi, http://bouhmouch.blogspot.com
(3) Article 47 de la Loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence : http://www.droit-afrique.com/images/textes/Maroc/Maroc%20-%20Loi%20concurrence.pdf
(4) Site du Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies  http://www.mcinet.gov.ma/mciweb/mciweb/  

5 octobre 2011

LE MARCHE, UN CHAMP DE BATAILLE




Le marché, plus qu'hier, est un champ de bataille où les coups les plus imprévisibles, les plus déroutants sont permis. Partout, la concurrence se fait plus vive. L'entreprise qui ne se cramponne pas à sa position, qui ne va pas de l’avant, s'aperçoit rapidement qu'elle se met à reculer. 
Au Maroc, les dirigeants de Procter & Gamble ont en mémoire l’année 2002 où la marque Tide est descendue, pour la première fois de son histoire, en dessous de 50 % de part de marché. L’arrivée d’autres marques de détergent a érodé rapidement la position du géant. Le fait est révélateur : l’opérateur américain avait fini par adopter un important programme de restructuration qui avait mené à une série de licenciements. 

Et le cas Centrale Laitière ? Auparavant, elle jouissait d’une situation de quasi-monopole sur les produits laitiers, fournissait peu d’efforts en termes d’innovation et de prix. Lorsque de nouveaux acteurs ont commencé à pénétrer le marché et faire baisser sa part de marché, l'entreprise s’est décidée à réagir. La société Copag, notamment, n’inquiétait personne tant qu’elle se cantonnait à la région de Taroudant. Les choses ont changé en 1997, lorsqu’elle a décidé d’étendre son champ d’action aux villes situées plus au nord du pays.

On gagne si on propose mieux 
La compétition est l'état normal vers lequel tend le monde des affaires. Sur le marché du ciment, pendant longtemps, les acteurs majeurs ne se livraient pratiquement à aucune concurrence. Chacun d'eux couvrait une zone géographique distincte : Holcim dans l'Est et le Nord-est du pays, Ciments du Maroc au Sud, Lafarge dans le Nord et le Centre. Cette entente tacite était due notamment au fait qu’au-delà d’un certain rayon (vu les coûts de transport) la compétitivité est compromise. Dès 2005, cette situation a changé : alors que Lafarge a affirmé sa présence dans l'oriental, Holcim a investi dans une unité à Settat pour se rapprocher du marché casablancais. Le second groupe lorgnait même du côté de Marrakech où les projets touristiques poussaient comme des champignons. Qui plus est, les accords de libre-échange étaient de nature à attiser la concurrence. Les cimentiers en étaient pleinement conscients.  
Le contexte actuel est caractérisé par une offre pléthorique et un large éventail de produits. Il est caractérisé – corollaire obligé – par le libre choix exercé par le consommateur, des rivalités entre les marques et des barrières élevées à l'entrée. Le Maroc est irréversiblement engagé (qu’on le veuille ou non) dans l'ouverture de son commerce extérieur. Depuis 1993, bon nombre de produits ont connu des baisses douanières successives. Quelle chance a-t-on de pouvoir échapper au maelström des contraintes imposées par la compétition à l'échelle mondiale ? Un professionnel, il y a dix ans, l'a bien fait remarquer : « l'approche du marché aujourd'hui est différente de celle d'il y a dix ans où mon concurrent habitait la même ville, la même région ou le même pays. Maintenant, il est dans le monde ». (1)
Tous les discours font cas de la « globalisation ». L'anglicisme, on le sait, désigne un phénomène inexorable d'interdépendance des marchés, d'interpénétration des économies et des sociétés. (2) Dans le temps, les entreprises se mobilisaient autour des concepts de mise à niveau et de restructuration. Qu'il faille absolument engager le système productif à être compétitif au sein de l'économie mondiale, qui peut le nier ? 
On ne le répétera jamais trop : l'instantanéité des échanges et l'hyper compétition imposent un management foncièrement réactif et efficient. Des produits étrangers souvent de meilleure qualité et plus compétitifs pénètrent continuellement le marché national. « On gagne si on propose mieux, différent, plus intéressant, plus utile. Rien ne sert d'être bon : il faut être meilleur. Mieux vaut être médiocre face à de mauvais concurrents que bon face à d'excellentes entreprises. Le système veut aussi que si les autres sont moins bons, ils doivent à terme disparaître ». (3)  Le défi est lancé, il faut pouvoir y répondre.
Un dilemme s’est fait jour. D’un côté, on conçoit que le jeu de la libre concurrence soit avantageux pour le consommateur final : il s’informe, choisit le point de vente, compare les prix, opte pour la marque qui lui convient… bref il a plus de pouvoir. De l’autre, on craint qu’une ouverture totale des frontières puisse faire disparaître des pans entiers du tissu industriel national (c'est ce que les darwinistes appellent une sélection naturelle). La déconfiture des PME, en effet, signifie inévitablement la perte de plusieurs milliers d'emplois – ce qui porterait atteinte à la demande. L’époque n’est pas si lointaine où la CGEM militait pour un ralentissement du démantèlement, soutenait l'idée qu'il « faut laisser le temps au temps ».

Comprendre la dynamique concurrentielle
L'Etat est-il à même encore de jouer le rôle de pompier ? Les débats sur l'Etat régulateur ont fait leur temps. Chacun a fini par comprendre que la révision de la parité de la monnaie locale (réclamée jadis par les professionnels du textile) n'est pas la panacée. La protection monétaire s’est révélée une idée piège : elle n'est pas pour inciter les opérateurs à moderniser leurs infrastructures et à adapter leurs produits aux exigences du marché. Désormais, les patrons savent bien qu'ils n'ont d'autres choix que de s'intégrer dans les circuits internationaux, de croiser le fer avec les autres. La meilleure façon de gérer le processus de mondialisation serait d'en limiter les effets pervers. Comment répondre au désordre du changement ? En renonçant aux vieilles certitudes, en acceptant de se remettre en question.
Sur un territoire encombré, le consommateur se montre plus exigeant sur la qualité ; il est l'arbitre final du jeu concurrentiel. On se rend compte qu’il n'y a pas de client dévoué définitivement à une marque. Tout client est par nature « zappeur ». Rien ne l’empêche de s’évader vers le concurrent, de favoriser une meilleure offre. Résultat : l'entreprise se bat pour conserver sa part de marché. Elle s’efforce pour cela de tout mettre en œuvre pour fidéliser sa clientèle. Car la conquête de nouveaux clients se révèle difficile et coûteuse. C’est la conservation des clients qui figure au premier rang des préoccupations. Mais ce n’est nullement une sinécure : « la fidélisation est un combat de tous les jours pour lequel il faut en permanence s’adapter à l’environnement de votre entreprise et du marché ». (4) Si elle est tangible, elle donne lieu bel et bien à un avantage concurrentiel.



Avantage concurrentiel : voilà le maître-mot. Son principe général et son enjeu stratégique coulent de source : les entreprises progressent les unes au détriment des autres. Elles n'auront pas toutes la faveur du public. Sur un marché où les concurrents sont (eux aussi) présents et actifs, il faut constamment chercher à faire les choses mieux et plus rapidement. Il se trouvera toujours un «meilleur disant» en termes de prix et de qualité. Il s'agit de satisfaire le consommateur mieux que ne pourrait le faire l’adversaire… Cela dit, un leader ne le reste que par le maintien de son avance. L’avantage implique donc obligatoirement une action offensive ou défensive afin de faire face constamment aux forces rivales. Toute position acquise est censée être défendable.
C’est ici le point majeur : comprendre la dynamique concurrentielle est une composante essentielle de l'analyse stratégique. On sait que le plan marketing indique concrètement les objectifs à atteindre, les moyens à mettre en œuvre, les opérations à mener et les échéances correspondantes. Ce que l’on sait peut-être moins, c’est qu’il suppose une anticipation des actions des concurrents et une évaluation des avantages concurrentiels acquis. Il est conçu en tenant compte à la fois des buts/moyens de l'entreprise et des forces qui agissent sur le marché. Ainsi, la connaissance de la concurrence et de son pouvoir compétitif doit figurer en préambule du plan d’action. Le marché potentiel, c'est-à-dire le marché qu'on peut espérer conquérir, est d’ailleurs évalué compte tenu des dispositions estimées des principaux rivaux.

Thami Bouhmouch
Rédigé en mai 2004, remanié en septembre 2011.
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(1) A. Lahjouji, ex-Président de la CGEM, in Economie & Entreprises, mars 2000.
(2) On sait que la mondialisation n'est pas un instrument de progrès pour tous. Elle exclue de facto de larges pans de la population mondiale, tend à détruire des emplois, des traditions, voire la cohésion des sociétés ; elle profite surtout aux sociétés nanties... Mais ce n'est pas le lieu d'en débattre.
(3) J.-P. Pécoul et M. Santi, Fortune faite. L’expérience des grands créateurs d’entreprises français du XXè siècle, Dunod 1991, pp. 71-72.