Série : Marketing
stratégique
Chaque
domaine d’activité, nous l’avons vu, a ses contraintes propres et concourt à la
réalisation de l’objectif global de l'entreprise. De là les questions : quelles
sont les activités d’avenir, lesquelles peut-on maintenir, lesquelles doit-on
éliminer ? Lesquelles rapportent de l’argent en permettant de financer d’autres
activités ? Quel poids accorder à chacune d’elles ?
L’analyse
du portefeuille de domaines à l’aide du modèle de BCG facilite la définition de
la stratégie de marketing. Toutes les activités étant placées sur la matrice,
une vue d’ensemble permet de tirer des recommandations stratégiques. Il est
ainsi possible à la fois d’analyser la situation présente (vision
photographique) et d’envisager une évolution future (vision
cinématographique). Ce qui montre bien l’aspect dynamique de la matrice – désigné par
les flèches dans le schéma rappelé ci-après.
Vedettes
Ces
domaines prometteurs génèrent des bénéfices et contribuent à la rentabilité (néanmoins,
cash flow faible ou neutre). L'entreprise se doit de les dynamiser,
de les renforcer pour suivre la croissance de leur marché et assurer la
continuité. Elle est amenée à investir dans les capacités de production, en s’employant
à fidéliser la clientèle ou même à élargir le marché.
On
peut chercher au moins à maintenir les domaines bien implantés, à
conserver la position acquise. Ils deviendront à terme, une fois arrivés à
maturité (croissance ralentie), des vaches à lait (voir flèche).
Vaches
à lait
Ces
domaines assurent le profit immédiat et génèrent un surplus de
liquidités (cash flow > 0) ; ils financent les produits destinés à prendre la
relève, c’est-à-dire les dilemmes et dans une moindre mesure les vedettes. Tant
que l’avenir est encore assuré, il convient donc de les « traire »,
les optimiser, les protéger, les maintenir dans cette
position le plus longtemps possible.
L'entreprise
doit toutefois songer au déclin prévisible de ces domaines. Comme ils n’offrent
aucun potentiel de croissance, il s’agit de les exploiter, pour en tirer
le maximum de profit, avant de s’en défaire une fois devenus des poids morts (voir
flèche). D’où des investissements restreints et des efforts de rationalisation
de la production (amélioration de la productivité à CT).
Dilemmes
Ils
réclament des liquidités (cash flow < 0). Faut-il les renforcer, faut-il les
abandonner (d’où le terme dilemme) ?
Scénario
de succès : si leur potentiel est élevé, l'entreprise décide de les développer,
en dépit de leur handicap face à la concurrence ; ils seront financés par les
vaches à lait. Grâce à une stratégie offensive, ils peuvent bénéficier d’un
nouvel élan, voir leur PM augmenter et devenir à terme des produits vedettes (flèche). L’opération est
onéreuse : il faut investir beaucoup dans les capacités de production, la
qualité du produit, l’action publicitaire et l’équipe de vente. S’agissant de Gillette
par exemple, les liquidités excédentaires des lames de rasoir (vaches à lait) ont
été réinvesties dans les briquets jetables (dilemmes), lesquels sont devenus
des vedettes. (1)
Scénario
d’échec : lorsque la croissance tend à diminuer, l'entreprise est
incapable d’atteindre une PM suffisante pour générer des profits – les dilemmes
dégénèrent en poids morts, puis sont rapidement abandonnés (voir flèche). Si ces domaines en
effet n’ont aucun avenir, il est préférable de les liquider (céder
à un concurrent), car le cash flow qu’ils utilisent serait plus utile ailleurs.
Le principe est simple : il n’y a pas lieu de saupoudrer des fonds sur un trop
grand nombre de dilemmes. Il vaut mieux sacrifier quelques-uns, pour ne pas les
condamner tous à l’échec (faute de liquidités).
Poids
morts
Ces
activités sont situées sur un marché déclinant
et en plus très concurrentiel (PM réduite). Elles ne rapportent rien ou presque. La stratégie
envisageable – défensive – consiste à piloter leur déclin. On pourrait en
conserver quelques-unes, les maintenir en stricte survie ; il est même
possible, si elles dégagent suffisamment de ressources pour s’autofinancer (si
la demande décolle), de les faire migrer vers les dilemmes.
La
plupart du temps, leur avenir est compromis et il convient de s’en
débarrasser (les céder) au plus tôt, de réduire leur nombre dans le
portefeuille. Il n’y a pas lieu d’investir dans un produit sans avenir, de
s’engager dans des « plans de secours coûteux », de livrer une bataille
désespérée…
Au
Maroc, l’ONCF a pendant longtemps conservé une activité
structurellement déficitaire : la gestion des hôtels (Moussafir notamment).
Il a bien fallu un jour s’en défaire définitivement (vente au groupe Accor)
et se recentrer sur le transport, le métier de base. De même, les parfums Bic
avaient jadis coûté beaucoup d’argent à la marque. L’activité a fini par être abandonnée.
Observations
Le
modèle de BCG fournit une base d’action aux dirigeants. On ne saurait
exiger le même taux de croissance et la même PM de tous les DAS. Chacun d’eux est
soumis à des impératifs et une dynamique propres. A cet égard, le marketing
joue un rôle majeur : « C’est dans l’évaluation de l’intérêt relatif
des différentes activités actuelles et potentielles de l'entreprise que la
contribution des services de marketing à la définition de la politique de
portefeuille d’activités est essentielle » (2)
L’idée
de base est qu’il faut équilibrer le portefeuille d’activités : renforcer
ou maintenir les vedettes pour assurer la continuité ; s’appuyer sur les
liquidités excédentaires des vaches à lait pour financer les produits destinés
à prendre la relève (les dilemmes éventuellement) ; transformer les
dilemmes en vedettes puis en vaches à lait ; garder les poids morts tant
qu’ils ne font pas perdre de l’argent et ne nuisent pas à l’image, les liquider
au fur et à mesure.
Un
portefeuille d’activités équilibré permet de compenser les risques. Il est
équilibré lorsqu’il contient des domaines dans 3 quadrants (en dehors des poids
morts). Ce qui permet d’assurer les transferts financiers nécessaires entre les
divers domaines (un peu comme entre les rayons d’une grande surface).
Dans
le cas d’un portefeuille anémique, une entreprise disposant d’une
seule vache à lait pour financer ses vedettes et dilemmes devient vulnérable et
devrait s’interroger sur l’avenir de ces derniers. A l’inverse, un portefeuille
obèse est alourdi par trop de vaches à lait et ne contient pas assez de
dilemmes et de vedettes ; la rentabilité à CT est acquise mais l’avenir
n’est pas assuré. (3)
En
somme, une situation favorable serait d’avoir beaucoup de vedettes, peu de
dilemmes et des vaches suffisamment « grasses ». Mais rien n’est
simple. La liquidation d’un domaine risque d’affecter un autre domaine et la
concurrence peut empêcher l'entreprise de réaliser l’équilibre de son portefeuille…
C’est dire qu’un outil ne peut jamais supplanter la clairvoyance du dirigeant
et sa parfaite compréhension de l'environnement.
Thami
BOUHMOUCH
Mai 2016
______________________________________________
(1) Cf. A. Hiam
et Ch. Schewe, « MBA Marketing – Les concepts », éd. Maxima,
p. 51.
(2) J. Lendrevie et D. Lindon,
« Mercator », éd. Dalloz, p. 529.
(3) Cf. J.-P.
Sallenave et Alain d'Astous, Le marketing de l'idée à l'action,
éd. Simex, pp. 277-279.
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