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5 mai 2016

LE MODÈLE DE PORTEFEUILLE DE BCG [3/3] : QUELLES STRATÉGIES ENVISAGER ?


Série : Marketing stratégique 


Chaque domaine d’activité, nous l’avons vu, a ses contraintes propres et concourt à la réalisation de l’objectif global de l'entreprise. De là les questions : quelles sont les activités d’avenir, lesquelles peut-on maintenir, lesquelles doit-on éliminer ? Lesquelles rapportent de l’argent en permettant de financer d’autres activités ? Quel poids accorder à chacune d’elles ?
L’analyse du portefeuille de domaines à l’aide du modèle de BCG facilite la définition de la stratégie de marketing. Toutes les activités étant placées sur la matrice, une vue d’ensemble permet de tirer des recommandations stratégiques. Il est ainsi possible à la fois d’analyser la situation présente (vision photographique) et d’envisager une évolution future (vision cinématographique). Ce qui montre bien l’aspect dynamique de la matrice – désigné par les flèches dans le schéma rappelé ci-après.


Vedettes
Ces domaines prometteurs génèrent des bénéfices et contribuent à la rentabilité (néanmoins, cash flow faible ou neutre). L'entreprise se doit de les dynamiser, de les renforcer pour suivre la croissance de leur marché et assurer la continuité. Elle est amenée à investir dans les capacités de production, en s’employant à fidéliser la clientèle ou même à élargir le marché.
On peut chercher au moins à maintenir les domaines bien implantés, à conserver la position acquise. Ils deviendront à terme, une fois arrivés à maturité (croissance ralentie), des vaches à lait (voir flèche).

Vaches à lait
Ces domaines assurent le profit immédiat et génèrent un surplus de liquidités (cash flow > 0) ; ils financent les produits destinés à prendre la relève, c’est-à-dire les dilemmes et dans une moindre mesure les vedettes. Tant que l’avenir est encore assuré, il convient donc de les « traire », les optimiser, les protéger, les maintenir dans cette position le plus longtemps possible.
L'entreprise doit toutefois songer au déclin prévisible de ces domaines. Comme ils n’offrent aucun potentiel de croissance, il s’agit de les exploiter, pour en tirer le maximum de profit, avant de s’en défaire une fois devenus des poids morts (voir flèche). D’où des investissements restreints et des efforts de rationalisation de la production (amélioration de la productivité à CT).  

Dilemmes
Ils réclament des liquidités (cash flow < 0). Faut-il les renforcer, faut-il les abandonner (d’où le terme dilemme) ?
Scénario de succès : si leur potentiel est élevé, l'entreprise décide de les développer, en dépit de leur handicap face à la concurrence ; ils seront financés par les vaches à lait. Grâce à une stratégie offensive, ils peuvent bénéficier d’un nouvel élan, voir leur PM augmenter et devenir à terme des produits vedettes (flèche). L’opération est onéreuse : il faut investir beaucoup dans les capacités de production, la qualité du produit, l’action publicitaire et l’équipe de vente. S’agissant de Gillette par exemple, les liquidités excédentaires des lames de rasoir (vaches à lait) ont été réinvesties dans les briquets jetables (dilemmes), lesquels sont devenus des vedettes. (1)
Scénario d’échec : lorsque la croissance tend à diminuer, l'entreprise est incapable d’atteindre une PM suffisante pour générer des profits – les dilemmes dégénèrent en poids morts, puis sont rapidement abandonnés (voir flèche). Si ces domaines en effet n’ont aucun avenir, il est préférable de les liquider (céder à un concurrent), car le cash flow qu’ils utilisent serait plus utile ailleurs. Le principe est simple : il n’y a pas lieu de saupoudrer des fonds sur un trop grand nombre de dilemmes. Il vaut mieux sacrifier quelques-uns, pour ne pas les condamner tous à l’échec (faute de liquidités).

Poids morts
Ces activités sont situées sur un marché déclinant et en plus très concurrentiel (PM réduite). Elles ne rapportent rien ou presque. La stratégie envisageable – défensive – consiste à piloter leur déclin. On pourrait en conserver quelques-unes, les maintenir en stricte survie ; il est même possible, si elles dégagent suffisamment de ressources pour s’autofinancer (si la demande décolle), de les faire migrer vers les dilemmes.
La plupart du temps, leur avenir est compromis et il convient de s’en débarrasser (les céder) au plus tôt, de réduire leur nombre dans le portefeuille. Il n’y a pas lieu d’investir dans un produit sans avenir, de s’engager dans des « plans de secours coûteux », de livrer une bataille désespérée…
Au Maroc, l’ONCF a pendant longtemps conservé une activité structurellement déficitaire : la gestion des hôtels (Moussafir notamment). Il a bien fallu un jour s’en défaire définitivement (vente au groupe Accor) et se recentrer sur le transport, le métier de base. De même, les parfums Bic avaient jadis coûté beaucoup d’argent à la marque. L’activité a fini par être abandonnée.


Observations
Le modèle de BCG fournit une base d’action aux dirigeants. On ne saurait exiger le même taux de croissance et la même PM de tous les DAS. Chacun d’eux est soumis à des impératifs et une dynamique propres. A cet égard, le marketing joue un rôle majeur : « C’est dans l’évaluation de l’intérêt relatif des différentes activités actuelles et potentielles de l'entreprise que la contribution des services de marketing à la définition de la politique de portefeuille d’activités est essentielle » (2)
L’idée de base est qu’il faut équilibrer le portefeuille d’activités : renforcer ou maintenir les vedettes pour assurer la continuité ; s’appuyer sur les liquidités excédentaires des vaches à lait pour financer les produits destinés à prendre la relève (les dilemmes éventuellement) ; transformer les dilemmes en vedettes puis en vaches à lait ; garder les poids morts tant qu’ils ne font pas perdre de l’argent et ne nuisent pas à l’image, les liquider au fur et à mesure.
Un portefeuille d’activités équilibré permet de compenser les risques. Il est équilibré lorsqu’il contient des domaines dans 3 quadrants (en dehors des poids morts). Ce qui permet d’assurer les transferts financiers nécessaires entre les divers domaines (un peu comme entre les rayons d’une grande surface).
Dans le cas d’un portefeuille anémique, une entreprise disposant d’une seule vache à lait pour financer ses vedettes et dilemmes devient vulnérable et devrait s’interroger sur l’avenir de ces derniers. A l’inverse, un portefeuille obèse est alourdi par trop de vaches à lait et ne contient pas assez de dilemmes et de vedettes ; la rentabilité à CT est acquise mais l’avenir n’est pas assuré. (3)
En somme, une situation favorable serait d’avoir beaucoup de vedettes, peu de dilemmes et des vaches suffisamment « grasses ». Mais rien n’est simple. La liquidation d’un domaine risque d’affecter un autre domaine et la concurrence peut empêcher l'entreprise de réaliser l’équilibre de son portefeuille… C’est dire qu’un outil ne peut jamais supplanter la clairvoyance du dirigeant et sa parfaite compréhension de l'environnement.

Thami BOUHMOUCH
Mai 2016
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(1) Cf. A. Hiam et Ch. Schewe, « MBA Marketing – Les concepts », éd. Maxima, p. 51.
(2) J. Lendrevie et D. Lindon, « Mercator », éd. Dalloz, p. 529.
(3) Cf. J.-P. Sallenave et Alain d'Astous, Le marketing de l'idée à l'action, éd. Simex, pp. 277-279.

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