Série : Compréhension du consommateur
Le comportement humain est
en majeure partie appris. Lorsque
l'individu agit, il est supposé
percevoir, mémoriser et se rappeler les informations présentes dans le milieu d’appartenance.
Il acquiert l’expérience des faits vécus. Ce
processus prégnant, appelé apprentissage, désigne en effet les « modifications
intervenues dans le comportement d'une personne à la suite de ses expériences
passées ». (1)
Expérience et
réponses préétablies
Un jeune
consommateur, dont l’expérience est limitée, tend à faire des achats sans
comparer les marques et modèles proposés. Cela dit, l’apprentissage ne se
limite pas à l’expérience personnelle stricto sensu ; il procède
aussi du phénomène de socialisation. Rappelons que l'homme apprend à vivre et à fonctionner en
société. (2) C’est au contact de son entourage que l’individu
intègre les normes sociales et les dispositions d’esprit. La culture
conditionne bel et bien les types de conduite. (3) La famille est le
milieu le plus immédiat au sein duquel se forment les habitudes de
consommation. (4)
En conséquence, l’apprentissage
peut porter sur des informations simples, comme les caractéristiques d’une marque
donnée, ainsi que sur des informations plus complexes, comme le mode d’utilisation
d’un appareil, les normes vestimentaires et comportementales définies par le
milieu social…
C’est ici le point
majeur : l'expérience des faits tend à modifier notablement le
comportement futur de l’acheteur. Celui-ci, dans son esprit, met en place
des habitudes qui déclenchent une réponse préétablie. L’information
est stockée dans sa mémoire, c’est-à-dire mémorisée. Elle est réactivée
ultérieurement en cas de réachat (5) : l’individu fait alors
appel à son expérience personnelle.
On s’aperçoit que lors
de l’achat de biens banals, c'est-à-dire de produits de consommation courants
(en général à prix bas), la réflexion est très limitée et le processus est routinier.
Lorsque l’article acheté satisfait amplement le consommateur, la décision se
réduit à son expression la plus simple : l’achat est répété, devient habituel.
« On imaginera aisément ce que deviendraient les achats de cigarettes,
de dentifrice, de lessive, de café, s’il fallait à chaque fois mettre en œuvre
un processus conscient et complet de choix entre les produits, les marques, les
qualités, les conditionnements, les magasins, etc. ». (6)
A l’inverse, dans
le cas de produits anomaux, c'est-à-dire de produits d'achat réfléchi (risque
perçu plus ou moins élevé), le consommateur est prêt à investir du temps pour
évaluer les différentes offres proposées. Or dans les choix qu’il fait avec
soin, l’apprentissage intervient également. Si tel individu a été satisfait de
son imprimante Canon, il achètera par la suite un photocopieur Canon
; dans le cas contraire, il rejettera la marque. Ce phénomène, appelé généralisation
de la réponse, revêt une grande importance pour les fabricants de produits différents
sous une même marque. Il est à l'origine de la fidélité à la marque.
Implications
marketing
La théorie
cognitive fait état du processus mental de traitement par le consommateur des
informations transmises (stimuli commerciaux). Le message parvient d'abord dans
la mémoire à court terme – dont la capacité est limitée. S’il
retient réellement l'attention, il est ensuite transféré dans la mémoire à
long terme. Une telle mémoire est en principe le lieu de stockage
permanent des connaissances, mais l'individu oublie une bonne partie de ce
qu'il apprend.
Le comportement d’achat est en effet soumis à un phénomène
d'oubli. C’est pourquoi l'apprentissage doit être régulièrement stimulé. L'entreprise est amenée naturellement
à agir sur son public cible : le message publicitaire est répété pour
qu'il soit appris, c’est-à-dire pour que l’information soit transférée de la
mémoire à court terme à la mémoire à long terme. Au Maroc, plus de 60 % de la
production de concentré de tomates
est écoulée au cours du seul mois de Ramadan. Pour accompagner la frénésie des
ventes, les producteurs font monter la pression publicitaire. Il s'agit
d'entretenir la demande, de faire revenir la marque visée à l’esprit du public.
Lors des achats routiniers, « les habitudes et
donc les phénomènes d'apprentissage sont décisifs. La publicité dans ce cas
joue plus un rôle de familiarisation ou de rappel à la mémoire que de
persuasion. Elle doit être simple, répétitive et fait souvent appel à des
éléments d'identification forts, d'ordre visuel ou sonore ». (7)
La pratique publicitaire est de fait une
action sur la mémoire du consommateur ; elle favorise sa fidélité par une présence
régulière d’une marque donnée dans son esprit. De nombreux travaux se sont
attachés à comprendre les mécanismes par lesquels les individus sont
susceptibles de mémoriser de manière optimale les messages auxquels ils sont
exposés. L'entreprise cherche à accroître ses ventes en suscitant l'achat
répété de ses produits ; elle fait jouer à son avantage le principe de
généralisation.
Cela amène à se
demander : une telle répétition se traduit-elle par le phénomène de conditionnement,
tant décrié par les défenseurs du consommateur ?
Les théories de
l’apprentissage (béhavioristes), largement utilisées en publicité, nous apprennent
que le produit mis en avant est associé à un stimulus destiné à induire une
réaction positive. A force de répétitions, le produit lui-même tend à
susciter une réponse positive. Telle marque d’eau minérale par exemple est
associée à un décor de plein air et de vitalité. Elle finit par évoquer la
santé et la pureté naturelle. A ce titre, Boncey écrit : « Les
préférences et choix des consommateurs, pour une large part, ne sont en fait ni
plus ni moins que des réponses conditionnées à des stimuli publicitaires.
Depuis les temps les plus reculés, nous sommes tous constamment bombardés
d'images invitant à l'achat […] ». (8)
L'individu serait
« programmé » pour répondre de manière uniforme à certains stimuli
(excitations). C'est à ce but suprême que les publicitaires s'efforcent de
parvenir : faire réagir le sujet dans le sens voulu par l'entreprise. N’est-ce pas cela que visent les spots télévisés, la P.L.V. dans les
grandes surfaces, les stop-rayons et le placement des friandises en sortie de
caisse ?... Pour
autant, il n’est pas établi que les phénomènes d’apprentissage soient associés
foncièrement à l’idée de reflexes conditionnés. C’est en tout cas l’avis de Ladwein
: « Cette association malheureuse suggère que l’on peut forcer
l’apprentissage sans que l’individu soit en position de résister. Une telle
conception est profondément caricaturale et ne laisse pas suffisamment de place
à la capacité de l’individu à refuser de se soumettre à une démarche dans
laquelle il n’est pas impliqué ». (9)
Thami
BOUHMOUCH
Novembre
2014
_________________________________________
(1) Philip Kotler et
Bernard Dubois, Marketing management, éd. Publi-Union,
p. 200.
(2) Cf. papier précédent : Le
culturel n’est pas hors du territoire du marketing http://bouhmouch.blogspot.com/2014/03/le-culturel-nest-pas-hors-du-territoire.html
(3) Cf. papier précédent : Comment la
culture façonne nos choix de consommation http://bouhmouch.blogspot.com/2014/09/comment-la-culture-faconne-nos-choix-de.html
(4) Cf. papier précédent : Consommation :
la répartition des influences dans la famille http://bouhmouch.blogspot.com/2014/06/consommation-la-repartition-des.html
(5) Ce mot ne se trouve pas dans les
dictionnaires. Malgré tout, je le préfère au terme rachat, qui signifie
couramment « prise de contrôle d'une entreprise », ou « acquisition
par une entreprise des actions constitutives de son propre capital
social », ou « achat d’une chose qu’on vient de vendre ».
(6) J. P. Helfer et J. Orsoni, Marketing,
éd. Vuibert gestion, p. 124.
(7) B. Dubois et M. Vanhuele, Comportement du
consommateur, http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/
(8) Russel Boncey, Mind your
business, éd. Techniplus,
p. 46. Je traduis.
(9) Richard Ladwein, Le comportement
du consommateur et de l’acheteur, éd. Economica, p. 201.
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