Série : Compréhension du consommateur
L'acte d'achat est comparable à un iceberg. Les raisons cachées
(réelles) qui sous-tendent la décision revêtent une importance cruciale. Il convient
d’identifier leur nature et mesurer leur intensité pour pouvoir comprendre les
réactions des consommateurs. Au-delà de l'étude des besoins physiologiques, la
notion de motivation s'est rapidement imposée à l'esprit. Comment alors
la mesurer ? Comment en tenir compte, l’influencer conformément aux vœux
de l'entreprise ?
Etudier les motivations
Pour être efficace, le
marketing se doit de dévoiler les structures latentes de l’acte d'achat. L’étude des motivations,
c’est l’étude du pourquoi… Elle a pour objet
d'expliquer pourquoi l’acheteur prend telle décision, fait tel choix, adopte
telle attitude ;
dans quelle situation il lui arrive d’acheter sur un coup de tête ; pourquoi
il attache de l'importance à des marques particulières ; quelle signification il accorde aux
couleurs (conditionnement), etc.
L'identification des
motivations par inférence, c’est-à-dire à partir des actions du consommateur
n'est pas pertinente. Elle risque d’être erronée dans bien des cas, car les
individus peuvent agir de la même manière, adopter les mêmes choix sous
l’influence de motivations différentes. A n’en pas douter en effet, « les
situations de consommation et d’achat sont d’une telle diversité qu’il semble
peu probable de pouvoir y appliquer un modèle intégrateur unique. L’achat d’un
même produit admet par exemple des motivations très différentes selon les
acteurs considérés, au même titre qu’un besoin identique peut conduire à
l’achat de produits très différents ». (1)
La question du pourquoi est une
question fondamentale qui intrigue les chercheurs en marketing. On en vient à recourir
à des études longues et coûteuses (menées par des psychosociologues). Les techniques
mises en œuvre, de nature qualitative, portent notamment sur les
entretiens individuels (une personne à la fois est
interrogée) et les réunions
de groupe (8 à 12 personnes sont sondées en même temps)… Elles consistent à interviewer le
sujet en profondeur. Elles cherchent à l’explorer, à atteindre son
inconscient ou son subconscient, à identifier ses mobiles profonds –
en un mot, à élucider à élucider ce qui se passe dans sa tête lors
de l'achat…
De ce fait, les méthodes
utilisées « ont pour caractéristique commune de ne
pas enfermer les personnes interrogées dans un cadre restreint de réponses
préétablies ». (2) Elles visent à comprendre les mécanismes psychologiques des conduites de
l’individu, en
allant au-delà de son discours apparent – à la fois superficiel et marqué par
une certaine rationalité.
Les motivations, une fois détectées, donnent naissance idéalement à des profils
d'acheteurs potentiels. Mais la
tâche est délicate et les critiques ne manquent pas : avant tout,
l’échantillon est forcément restreint (10
à 50 personnes)
et ainsi ne saurait être
représentatif au sens statistique. L'identification même des motivations est
difficile, du fait qu’elles ne sont pas toujours conscientes : le sujet n'est
pas toujours en état de se représenter les véritables motifs qui déterminent
son comportement. Les motivations ne sont pas non plus avouables : le
sujet peut chercher à les dissimuler, à les maquiller. Si bien que les conclusions
sont hypothétiques et la prudence est de mise.
Implications
Le praticien du marketing
cherche à bien comprendre les mobiles profonds de l’acte d’achat afin de concevoir
une offre adaptée, positionner son produit par rapport à un segment précis du
marché. Il ne perd pas de vue le fait (évident) que l’individu ne considérera
l'achat d'un produit que dans la mesure où il est motivé à le faire. Le
consommateur ne peut à chaque fois satisfaire ses besoins par des achats,
procède par suite à un arbitrage en fonction des priorités du moment
(hiérarchie de Maslow). Manifestement, « pour que l'action intervienne,
il faut que le besoin ait atteint un niveau d'intensité suffisant pour devenir
un mobile ». (3) Il est clair
également qu’au-delà de son aspect fonctionnel,
le produit a une dimension symbolique. L'acheteur est sensible aux
performances mais aussi à des éléments visuels susceptibles de déclencher des émotions
– des éléments qu'il s'agira de considérer lors de la conception du produit.
L'intérêt pour une
entreprise réside dans sa capacité à agir sur les motivations, à les provoquer (transformer
un besoin en motivation) et donc à susciter l'achat. Le discours publicitaire en
particulier est logiquement marqué par les motivations du public cible. A l'image un peu des chiens du
physiologiste Pavlov, « la répétition d'un message sonore ou visuel
peut entraîner un besoin lorsque l'individu se retrouve dans une situation
similaire à celle du message (c'est le cas dans la publicité) ». (4)
Jadis, lorsque la société canadienne Mac Cain, leader mondial de la
frite surgelée, voulait introduire la « frite au fournisseur »
sur le marché français, elle avait essuyé un échec. Les consommateurs français tenaient
beaucoup à leur bassine à frites et n’étaient pas favorables aux produits
précuits. Du coup, le produit a été rebaptisé « frite légère »,
avec un packaging adéquat et a connu un grand succès. (5)
Cela ouvre la voie à
des actions de pression possibles sur l'inconscient des consommateurs et partant
à l’accusation adressée au marketing de pouvoir manipuler les comportements en créant
des réflexes conditionnés… A y regarder de près, les praticiens peuvent-ils
réellement exercer un contrôle sur les acheteurs ? « On s’imagine
volontiers que le simple fait de comprendre le comportement individuel permet
forcément sa manipulation. Une telle idée n’est pas défendable. La mise en
œuvre opérationnelle d’un processus d’influence est autrement plus difficile
que sa compréhension ». (6) De plus, il est établi que l’acheteur
cible ne saurait être influencé par n'importe quel stimulus. Son degré de
motivation pour un produit dépendra largement de ses expériences antérieures (apprentissage)
et de son degré d'implication à l’égard du produit.
Thami
BOUHMOUCH
Novembre
2014
_________________________________________
(1) R. Ladwein, Le comportement du consommateur et de l’acheteur, éd.
Economica,
p. 14.
(2) J. Bon et P. Grégory, Techniques marketing, éd. Vuibert Gestion,
p. 25.
(3) P. Kotler et B. Dubois, Marketing
management, éd. Publi-Union,
p. 196.
(4) Y. Cordey et B. Perconte, Connaître le marketing, éd. Bréal, p.
36.
(5) Cf. B. Prouvost, Innover
dans l'entreprise, les clés pour agir, éd. Dunod, p. 121.
(6) R. Ladwein, op. cit.
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