Sur le marché, la rencontre de l'offre et de la demande
détermine les conditions de l'échange de
produits. Ce
constat banal amène à considérer trois notions constituant l'essence du
marketing : la demande, l'échange, le marché. Il
s'agira de comprendre que l'expression d'un besoin conduit idéalement à une relation d'échange sur
un marché, que celui-ci est une donnée inhérente à la démarche marketing. Qu'en est-il ?
La demande, un concept économique
Satisfaire des besoins, satisfaire
la demande : dans le langage courant, les deux propositions sont souvent
confondues. Besoin et demande ne sont pourtant pas des termes équivalents.
Le désir, nous l'avons
vu dans un écrit antérieur, est l'expression individuelle d'un besoin. (1)
S'il donne lieu à l'achat d'un produit particulier, il se traduit par une
demande. Ce sont les achats des individus qui engendrent la demande.
La demande correspond à la quantité
d'un produit, achetée dans un espace géographique donné, au cours d'une période
déterminée. Elle s'exprime en unités physiques ou en unités monétaires. Pour
les économistes, elle signifie « désir et capacité
d'acheter. La demande est un barème qui relie les quantités demandées aux
différents prix ». (2) C'est
donc un concept économique. C'est
l'expression de la volonté et de la capacité de l'acheteur potentiel à acquérir
une certaine quantité d'un bien à un prix donné. Elle désigne les produits que le consommateur est
disposé à acheter, compte tenu de son revenu. Elle est ainsi soutenue par un vouloir
d'achat et un pouvoir d'achat.
Or, si les individus dans leur vécu
expriment des désirs d'une façon illimitée, ils disposent de ressources nécessairement
limitées.
Au Maroc, les revenus sont faibles
en règle générale et l'exclusion est une réalité sociale patente. S'agissant
des besoins comme la nourriture, le logement, l'habillement et la santé, la
pauvreté affecte directement la demande sur le marché. Il en est ainsi de la
consommation de médicaments, qui s'apparente à une activité cyclique.
Curieusement, elle tend à diminuer pendant le mois de Ramadan et l'Aid El
Adha – périodes où les dépenses de circonstance augmentent. En revanche,
elle augmente aux moments des récoltes et du retour des MRE. On comprend dès
lors l'adage selon lequel « les Marocains
ne se soignent pas quand ils sont malades mais quand ils ont de l'argent ».
En raison du pouvoir d’achat faible, des prix élevés et d’une
couverture sociale déficiente, la consommation moyenne par an/habitant de
médicaments est de 21 dollars (517 en France). (3)
Il ne suffit pas, de toute évidence,
qu'un individu désire un produit ; encore faut-il qu'il ait la possibilité de
l'acheter. L'inverse est tout aussi vrai. Par son action sur le marché,
l'entreprise engage le client potentiel à transformer son désir en décision
d'achat. Elle doit être en mesure d'agir sur l'orientation, l'intensité et
le rythme de la demande. « Le passage de la satisfaction d'un besoin à la
création d'une demande, du psychologique à l'économique, doit être à l'origine
d'une première interrogation sur la définition du marketing ». (4)
La réalisation d'un tel passage est au cœur de la démarche et de la logique du
marketing.
La
relation d'échange
Le marketing – dans la sphère
marchande – apparaît lorsque l'individu décide de satisfaire ses désirs à
travers l'échange. Il requiert une relation d'échange entre une organisation
qui offre une marchandise et un acheteur qui lui remet de l'argent en paiement
de celle-ci. En d'autres mots, l'échange est l'aboutissement du marketing.
Ni l'autoproduction (produits du
sol, élevage, bricolage), ni la contrainte (stratagème, extorsion), ni la
supplication (appel à la charité d'autrui) n'entrent dans le champ du marketing
– parce qu'elles ne donnent pas lieu à un échange.
De là, trois points méritent d'être
explicités :
- L'échange implique une relation, l'existence de deux parties (personne physiques ou organisations). Ce qu'on appelle communément vente est un échange entre deux intervenants.
- L'échange est l'acte qui consiste à obtenir quelque chose de quelqu'un (l'argent, ordinairement), en « compensation » d'une autre chose (bien ou service). Il implique donc l'existence d'une convention et d'une contrepartie. Chacune des deux parties possède une entité qui a de la valeur pour l'autre.
- C'est un échange volontaire et concurrentiel. Chaque partie est libre d'accepter ou de rejeter l'offre de l'autre. Les risques d'abus de pouvoir sont limités. Une transaction –échange de valeurs entre deux parties – a lieu s'il y a accord sur les termes de l'échange, si ceux-ci sont générateurs d'utilité pour les deux partenaires. Si l'acheteur estime que le prix du produit est trop élevé au regard des avantages qu'il procure, la transaction ne se réalisera pas.
L'idée courante est que l'acheteur
et le vendeur, se répartissant un gâteau déterminé, essayent tous deux d'en
avoir la plus grosse part. Le premier veut obtenir le prix le plus bas (mis à
part les produits ostentatoires ou à implication affective forte), le second
essaye de récupérer ses coûts et réaliser un profit satisfaisant... D'aucuns
adhèrent à une autre vision, qui leur paraît plus féconde : l'entreprise tend à
augmenter le volume du gâteau afin de procurer des avantages supplémentaires
aux deux parties en présence. L'imagination commerciale, en renouvelant sans
cesse le produit et les services qui l'accompagnent, permet de conquérir et de
fidéliser l'acheteur, tout en améliorant la rentabilité. Le producteur crée la
relation d'échange et fait le nécessaire pour que celle-ci soit reconduite.
C'est là que se trouve l'essence même du marketing.
Les notions d'échange et de
transaction conduisent naturellement à celle de marché. Ces trois notions sont
indissociables. Qu'est-ce que le marché ?... A question simple, réponse
complexe.
Le marché, objet de référence
L'échange
se concrétise sur un marché. Le marché est l'un des mots les plus utilisés,
mais dont les définitions sont fluctuantes. Il désigne parfois la demande,
parfois la clientèle (on dira un marché de 30 millions d'individus). D'un point
de vue économique, il est appréhendé comme le « lieu de rencontre »
entre l'offre et la demande d'un bien dans un secteur déterminé. Mais cette
vision spatiale, quoiqu'admissible, est trop simpliste pour expliquer le terme
et saisir son importance dans la perspective du marketing.
Le marketing est fondé sur la
connaissance du marché. Les deux notions ne peuvent être considérées séparément
(comme l'indique le radical anglais market). Le marché est une donnée
pré-requise, inhérente à tout acte d'entreprendre ; il constitue l'étalon de
référence pour toute prise de décision majeure. Identifier son marché
revient implicitement à opérer un choix stratégique.+000000000 Il importe donc
de bien saisir la notion.
Sur le plan conceptuel, des
problèmes de définition se posent. Voici une proposition sans risque : le
marché « est constitué de personnes ou de groupes de personnes ayant des
besoins à satisfaire, de l'argent à dépenser pour satisfaire ces besoins et la
volonté de dépenser cet argent ». (5) Cela nous renvoie au sens
donné plus haut par les économistes à la notion de demande (« désir et
capacité d'acheter »). En somme, la taille d'un marché dépend du nombre de
personnes intéressées par le produit, ayant la volonté de l'acquérir
(vouloir d'achat) et disposant pour ce faire des ressources nécessaires (pouvoir d'achat). (6)
On se doit tout de suite de préciser
: le marché désigne un ensemble d'agents exprimant des besoins et des attentes,
capables et désireux d'acquérir des produits pour les satisfaire, dans un espace
et à un moment donnés. Outre l'indication du territoire et de
l'intervalle de temps, il se définit aussi par rapport à un produit ou une
catégorie de produits. On dira par exemple : le marché marocain des médicaments
en 2011.
Mais il ne faut pas s'y tromper : en
réalité, le marché est une notion abstraite, vide de toute référence
géographique (au sens de lieu public où des marchandises sont offertes à la
vente). Il met en jeu un ensemble de partenaires, de forces et de produits
destinés à faire l'objet d'échanges.
Il s'ensuit que là où existe une possibilité
d'échange, il y a un marché. Ce qui revient à dire que celui-ci ne se limite
pas aux clients acquis à un moment donné. Il inclue aussi les
non-consommateurs relatifs, i. e. ceux qui sont susceptibles de
devenir des clients (à court ou moyen terme). Ces deux catégories de publics
sont désignées respectivement par le marché actuel (réel, effectif) et
le marché potentiel.
En conséquence, les notions de
marché et de demande, bien qu'elles soient étroitement liées, ne doivent pas
être prises l'une pour l'autre. Tout entrepreneur désireux de lancer un produit
se pose la question : y a-t-il un marché ? Seulement, l'existence d'un marché
est une condition nécessaire mais non suffisante. La demande pour un produit ne
va pas de soi, il faut faire l'effort de la susciter et de la soutenir. C'est
plus facile à dire qu'à faire... Pour un produit donné, le marché est convoité
par de nombreux intervenants, lesquels s'appuient tendanciellement sur une
définition similaire des attentes et utilisent, à un degré ou à un autre, les
mêmes moyens d'action.
Le propos ici n'engage en aucune
manière à restreindre le champ du marketing. L'échange, rappelons-le, n'est pas
exclusivement de type commercial, n'implique pas forcément la vente d'un
produit – dans le sens de cession contre de l'argent. Il peut s'agir de
susciter l'adhésion à une idée, à une cause sociale ou morale, à un programme
politique. (7)
Récapitulons. Si le désir exprimé aboutit à l'achat d'un produit particulier, il se
traduit par une demande. Une demande rencontre une offre dans le cadre du
marché. Celui-ci suppose une relation d'échange et une transaction. Ces notions
sont inséparables.
Thami
BOUHMOUCH
Mai 2012
_________________________________________________
(1)
Cf.
article « Le besoin : stimulé, canalisé
ou manipulé ? », in http://bouhmouch.blogspot.com/2012/04/le-besoin-stimule-canalise-ou-manipule.html
(2) Robert L. Heilbroner et Lester
C. Thurow, Comprendre la macro-économie, Economica. Je souligne.
(3) Cf. http://www.marocnursing.com/wp/actualite/industrie-pharmaceutique-le-generique-au-centre-des-priorites.html Mars 2012. Afin
de faciliter l’accès aux soins aux plus démunis, l’Etat s’est engagé récemment
dans une série de réformes qui placent
le générique au centre des priorités.
(4) J. Hoflack et P.-L. Dubois, Les
métamorphoses du marketing, Revue Française de Gestion,
jan-fév. 1983, p. 4.
(5)
Jeffrey
Seglin, Cours pratique de marketing en 12 leçons, InterEditions.
(6)
Claude
Demeure propose une définition très contestable : « le marché d'un produit
regroupe l'ensemble des marques évoquées par le consommateur à propos de ce
produit ». Cf. son ouvrage : Marketing, éd. Dalloz.
(7) Cf. article « Le produit, une
notion disparate », in http://bouhmouch.blogspot.com/2012/05/le-produit-une-notion-disparate.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire