Série : L’acte d’achat
Les critères de
choix
sur lesquels l’acheteur appuie sa décision, nous l’avons vu, sont
toujours appréciés selon leur poids relatif. (1) Le sujet utilise
mentalement un système de points, compte tenu de ses désirs et priorités propres,
pour exprimer l’importance qu’il accorde aux critères retenus. Il va de la
sorte pondérer les notes
attribuées aux produits examinés par l’estimation du poids des critères. Il opte
en fin de compte pour la marque qui, dans son esprit, est classée en tête. Cela
peut se faire de manière inconsciente… Voyons cela de plus près.
Considérons le cas
d'un individu qui envisage d’acheter une voiture. Pour simplifier, disons que
seules deux marques de l'ensemble évoqué X et Y sont évaluées. Supposons que
trois critères interviennent dans le processus de choix : le prix, les aménagements
intérieurs et le design (tableau ci-après).
Ces critères, à ses
yeux, ont pour importance respective les valeurs O,5, O,3 et O,2 (0,5
veut dire que le style compte pour 50 % dans son choix). Il attribue
mentalement à chaque marque et sur les trois critères un score de
performance désigné par une note qui va de 1 (très mauvaise) à 10
(excellente).
Dans cet exemple,
comme dans la réalité observée, aucune marque n'est performante simultanément
sur toutes les caractéristiques. On remarque notamment que le client potentiel
attribue un très bon score sur le critère prix à la marque X (jugée
relativement pas chère), mais que cette option est mal évaluée sur le critère
design.
Ce scénario est une
bonne approximation de ce que font les acheteurs, même si cela échappe à
l’expression consciente. Le choix peut s'effectuer à l'aide de règles de calcul
spécifiques, adoptées en fonction des offres concurrentes et des situations
d'achat.
On distingue traditionnellement deux catégories de modèles :
Les modèles compensatoires, comme leur nom
l’indique, « admettent que des faiblesses sur
certains attributs peuvent être compensées par d’autres attributs jugés plus
performants. Le principe général de tels modèles est de supposer que
l’évaluation de l’acheteur est globale, c’est-à-dire qu’elle intègre simultanément
plusieurs attributs pour procéder à l’évaluation ». (2) Autrement dit, « une évaluation négative d'un produit sur un de
ses attributs n'est pas rédhibitoire, car elle peut être compensée par une
évaluation positive sur une autre dimension ». (3)
Les modèles non compensatoires (à seuils) considèrent
que le choix de l’individu ne repose pas sur un arbitrage entre critères. Ce choix est
conditionné par l’existence de restrictions sur certains attributs (par exemple, tel budget à ne pas dépasser). Il est exprimé simplement
soit par l’élimination d’alternatives non pertinentes, soit par l’adoption d’alternatives
optimales.
Examinons, à partir de là, les
quatre modèles suivants.
1. Le modèle
linéaire additif (compensatoire) :
L'individu accorde une note à chacune
des marques examinées sur les critères de choix qu'il a retenus. Ces notes sont
additionnées et la marque ayant le meilleur score global est
choisie. Le modèle est dit compensatoire parce qu'une mauvaise note sur un
critère est compensée par une bonne note sur un autre critère.
La démarche tient
compte de l'importance relative des critères de choix. Le total des notes
pondérées est obtenu ainsi (voir tableau) :
Pour la marque X : (8 x 0,5) + (4 x 0,3) +
(3 x 0,2) = 5,8
Pour la marque Y :
(5 x 0,5) + (8 x 0,3) + (7 x 0,2) = 6,3
La marque Y est
choisie parce que son score global est le plus élevé. Dès lors, l'individu ne
va pas choisir la voiture la moins chère, la plus belle ou/et la plus
performante, mais celle qui a le meilleur score sur l'ensemble de
ces caractéristiques. Il dira : « son prix est certes élevé, mais il y
a plus de confort et son style me convient parfaitement ».
2. Le modèle
conjonctif (non compensatoire)
L'individu fixe préalablement
des seuils (conditions d'acceptabilité) qui doivent être respectés sur chacune
des caractéristiques pour que la marque soit acceptable. Une note insuffisante
sur un critère élimine le produit concerné. Elle n’est pas
compensée par une note élevée obtenue sur un autre
critère.
Le produit acheté
est celui pour lequel l’estimation de chaque attribut dépasse le niveau
minimal, celui qui franchit la barre. Ici, la marque Y est choisie parce
qu'elle a pour les trois critères des notes supérieures aux notes éliminatoires
(d'où conjonction des niveaux minima). La marque X est recalée sur les critères
aménagements et design.
3. Le modèle
disjonctif (non compensatoire)
Le consommateur choisit la marque en fonction d'un niveau d'excellence sur un seul
attribut.
Il « sélectionne une caractéristique déterminante et élimine les
produits qui sont les moins performants sur cette caractéristique (il ne fixe
pas de seuils) ». (4) Ainsi, une marque ayant obtenu une
mauvaise note sur un attribut donné sera écartée, même si les notes sur les autres
attributs sont bonnes. Seule donc la marque la mieux évaluée sur le critère
jugé essentiel est retenue. Ici, si le critère prix est jugé primordial, c’est
la marque X qui est choisie. On dira par exemple : « C'est le prix qui
compte le plus pour moi. Je ne peux pas dépasser 2000 dh ».
4. Le modèle
lexicographique (non compensatoire)
L’acheteur hiérarchise
les attributs qu'il a retenus par ordre d'importance, puis évalue les marques
sur l’attribut le plus apprécié. Il choisit la marque qui obtient le meilleur score sur cet attribut. Ce modèle complète le précédent :
si deux marques ont le même niveau de performance par rapport au critère le
plus important (ou si on estime que la différence entre ces marques n’est pas
significative), le sujet les départage sur le second critère. Puis, le cas
échéant, il descend dans l'échelle de classification jusqu'à ce qu'il puisse
différencier les marques.
Ici, X
est choisie parce qu'elle obtient la meilleure note sur le critère jugé le plus
important : le prix. Mais si la marque Y avait reçu une note de 8,5 ou 7,5
sur ce critère, l’individu passerait au critère suivant (aménagement) et donc
choisirait cette marque-là…
L’acheteur
ordinaire, on s’en doute, ne suit pas une démarche analytique aussi précise. Ces
modèles
théoriques déjà ne semblent pas pouvoir s’appliquer aux achats banals (routiniers) et pas davantage aux achats impulsifs… Néanmoins, de tels modèles constituent une
description valable du processus de décision d'achat et se révèlent donc utiles.
L’homme de marketing se doit d’identifier le modèle le plus couramment utilisé
par le public cible, de manière à concevoir l’action la plus appropriée.
Thami BOUHMOUCH
Mars 2015
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(1) Cf. article précédent : Evaluation des marques par le consommateur : les
critères de choix. http://bouhmouch.blogspot.com/2015/03/evaluation-des-marques-par-le.html
(2) R. Ladwein. Le comportement du consommateur et de
l’acheteur,
éd. Economica, p. 240.
(3) B. Dubois, M. Vanhuele, « Comportement du
consommateur », http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/
(4) M. Koehl et J-L Koehl,
Mercatique, éd. Foucher, p. 113.
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