Série : L’acte d’achat
Le comportement d’achat
doit être perçu comme une démarche raisonnée, un processus de résolution d'un
problème... Quelles sont les implications concrètes d’une telle constatation dans
l'action marketing ?
L'entreprise a
besoin de savoir comment l’acheteur potentiel traite l'information qui lui
parvient et forme des attitudes ou des intentions, par quels mécanismes il évalue
les produits examinés, pourquoi certaines marques sont appréciées et pas
d'autres. L’étude méthodique de l’acte d’achat permet de prendre les décisions
appropriées et d’agir en conséquence ; c’est une des phases
clés de la démarche marketing…
Voyons
cela sous l’angle de la politique du produit et de l’action de communication.
Politique du
produit
L'entreprise
conçoit un produit et fait en sorte qu’il soit choisi parmi d'autres par le
consommateur. Elle
se
doit donc de bien comprendre le processus de choix afin de pouvoir l’influencer
en sa
faveur. (1) Sur quelles caractéristiques l’acheteur recherche-t-il
l'information ? Sur combien d'attributs compare-t-il les marques ? Comment
notre produit et ceux des concurrents sont-ils évalués sur ces attributs ?
Si on
connait le degré d’importance que l’acheteur attache à chacun des attributs
retenus, on pourrait prédire son choix. Le téléphone portable le plus recherché
est-il celui qui contient un maximum de jeux, qui permet de prendre les
meilleures photos ; est-il tout simplement le plus beau, le plus léger ? L’acheteur
du matériel informatique raisonne-t-il en termes de configurations ou de
solutions ? S’agissant du mobilier de bureau : un meuble de rangement
est-il préférable à un simple caisson à trois tiroirs ?
L’information
s’obtient par la recherche marketing. Des questions directes sont posées
lors d'une enquête. Par exemple (question fermée) : « Lorsque vous
choisissez une marque de [tel produit], quels sont, parmi les critères
suivants ceux qui vous paraissent très important, importants, peu importants,
pas du tout importants ? ». Ou bien (question ouverte) : « Qu'est-ce
qui vous vient à l'esprit lorsque vous pensez aux marques suivantes […] ? ».
Le chargé d’enquête, une fois les réponses recueillies, fait un tri, regroupe
les attributs qui se répètent, retient ceux qui ont été cités par une majorité de
répondants. (2)
L'identification
des critères de choix et leur poids relatif est indispensable à l'élaboration
d'une stratégie de segmentation et de positionnement, ainsi qu'à la recherche d'avantages concurrentiels. Le produit est élaboré bel et bien sur la base des
critères valorisés par le consommateur. Le cahier des charges – établi par
le service marketing et destiné au bureau d’étude – indique les problèmes qu’il
faut résoudre techniquement, les caractéristiques à respecter impérativement pour
satisfaire le public cible.
Si par exemple au
Maroc une étude menée par un concessionnaire de scooters révèle trois critères
d'achat, tels le prix, le service après-vente et la disponibilité de la pièce
détachée, on s’attachera à conduire la politique commerciale sur ces trois
arguments. Le modèle Dacia sandero a été conçu effectivement en fonction des critères majeurs identifiés
sur le marché : prix, espace intérieur, design.
S’agissant du secteur
immobilier, on sait que plusieurs critères entrent en ligne de compte :
localisation, surface, nombre de pièces, exposition au soleil, architecture, qualité
de la construction et des aménagements… Ces aspects sont déterminants dans la
décision d'acquisition ; ils participent à la formation de la valeur du
logement et doivent être pris en considération par le promoteur. Celui-ci
gagnerait certainement à s’enquérir auprès des acheteurs potentiels des
caractéristiques décisives en matière de logement. (3)
Les automobilistes privilégiaient autrefois
la puissance et la vitesse. Aujourd'hui, ils attachent de l’importance à la
maniabilité, à l’esthétique, à l'économie et même à l'écologie. C'est sur ces
critères que doivent s’appuyer la conception comme l'action de promotion des
voitures. Il s’agit de concilier les contraintes de qualités routières et
d’esthétique avec un appétit modéré en carburant. Renault, il y a plus de vingt
ans, a bien saisi la portée des nouvelles exigences, vu les transformations
apportées à ses modèles et le choix significatif de son slogan « Des
voitures à vivre ».
Revenons au poids accordé aux critères
par l’acheteur.
Pour que les exigences identifiées acquièrent une grande force, il importe de
considérer leur importance respective. Cela évitera de perdre du temps
(de l'argent) à améliorer des aspects auxquels le client accorde peu
d'importance. (4) Il
faudra alors améliorer l’attribut qui a reçu une note inférieure au seuil
minima (règle conjonctive) ou améliorer sa position sur l’attribut jugé
important par le consommateur (règle disjonctive ou lexicographique). Attention :
s’il s’agit du critère prix, il importe de savoir qu’une baisse peut être perçue
intuitivement comme le signe d’une qualité moindre, de l'existence d'un défaut
caché ou d'une faible demande qui freinera l'achat.
Communication publicitaire
Concernant d’abord l'ensemble
évoqué, l'entreprise gagne à ce que ses articles en fassent partie
spontanément au moment de la recherche d'information. Il faut veiller à être présent
dans l'esprit du public, à entretenir la notoriété de la marque par des actions
de publicité et de promotion. On se doit de communiquer d'une manière
convaincante et au moment voulu – par le biais des messages, des vendeurs, des
prospectus et autres.
Quant aux critères
de choix utilisés, leur connaissance fonde et facilite la communication
publicitaire ; ils constituent les arguments auxquels les clients
potentiels sont sensibles. Le message cherche en effet à démontrer que le
produit est excellent sur ces critères, que la marque correspond exactement aux
exigences exprimées.
A l’époque où le
consommateur se préoccupait de la taille du téléphone mobile, c’est sur ce
critère que la publicité d’Alcatel a été centrée : « Il va prendre plus
de place dans votre vie que dans votre poche ». Le message de Fiat
pour la Punto Diesel a retenu le critère coût d'utilisation : « Il
en faut peu pour être heureux... Vous pourrez parcourir jusqu'à 1000 km avec un
seul plein (49 litres) ». Celui de la compagnie aérienne KLM s’est
appuyé sur l’argument prix : « Qu'est-ce qu'elles ont de spécial
ces destinations ? New York 5600 dh, Tokyo 9500 dh [...] Réponse : le
prix. Découvrez ces destinations à des prix très attractifs ». Enfin,
le slogan de la société de messagerie UPS devait privilégier à coup sûr le
critère rapidité : « C'est comme si c'était fait ».
Bien plus, grâce à la
communication publicitaire, l'entreprise est à même de changer les croyances
envers son produit, en insistant sur les attributs clés de celui-ci. Elle
peut modifier l'image des concurrents, en facilitant les comparaisons
favorables à sa marque. Le fabricant d’eau en bouteille Sidi Ali a tenu un jour
à s’expliquer : « Contrairement à l’eau de table qui n’a aucune vertu
thérapeutique, l’eau minérale est enrichie naturellement en minéraux et
oligo-éléments ». L’opérateur Maroc Telecom avait utilisé en sa faveur
la défaillance au démarrage de son concurrent Meditel pour lancer sa première
campagne sur ce qui était son point fort : la large couverture du réseau (les comparaisons
sont implicites).
Il est possible enfin d’entraîner le
consommateur à changer sa perception des attributs, d’influer en
somme sur l'importance accordée à chacun d’eux. Le message publicitaire, en apportant
des preuves, est en mesure ainsi de modifier la pondération des critères
de choix. Il peut mettre en valeur les attributs sur lesquels la marque est en
position de force ou diminuer l'importance du critère sur lequel elle est en
position de faiblesse. Il peut aussi introduire un critère nouveau sur lequel
la marque est bien placée et à le rendre important. On peut par exemple attirer
l'attention sur les délais de livraison et se comparer avec la concurrence. Pendant
longtemps au Maroc, la marque de javel Ace s’est efforcée d'affaiblir le poids
du critère prix – favorable aux javels vendus en vrac – et a mis en valeur la caractéristique
« ne déchire pas le linge ».
Thami BOUHMOUCH
Mars 2015
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(1) Cf. un article précédent : Comprendre
le comportement d’achat : une source de valeur. http://bouhmouch.blogspot.com/2014/05/comprendre-le-comportement-dachat-une.html
(2) Voir E. Vernette, Marketing fondamental,
éd. Eyrolles, p. 50.
(3) Cf. article précédent :
Le syndrome de la myopie marketing http://bouhmouch.blogspot.com/2012/01/23-le-syndrome-de-la-myopie-marketing.html
(4) Cf. article précédent :
Le marketing obéit-il à une morale
égoïste ? http://bouhmouch.blogspot.com/2011/06/le-marketing-obeit-il-une-morale.html
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