Une entreprise, dans un univers de rivalité intense,
ne navigue pas à vue. Elle planifie sur le long terme, c’est-à-dire elle prend
des décisions à l'avance en vue d'atteindre des résultats déterminés (chiffrés).
La mise en œuvre de la stratégie nécessite une organisation élaborée, un guide
d’orientation des tâches à accomplir, assorti d’un calendrier (étapes de réalisation), des modes de financement (budgets) et de la désignation des principaux
acteurs. Ceux-ci, sachant où ils doivent aller et comment y aller, se
mettent alors au travail.
Nécessité du contrôle
Or une planification ne saurait être mise en œuvre
sans un système rigoureux de suivi et d'évaluation. Elle n'est d’ailleurs pas
crédible sans un tel système. Cette règle incontournable découle de 3 constats :
Primo. Fixer des objectifs ne relève certainement pas
d’une science exacte ; c’est une
tâche bien humaine, faillible et perfectible.
Lorsque les dirigeants de Jet Sakane
se sont fixés l’objectif sur 5 ans (2007-2011) de construire 20.000 logements
sociaux et de standing (à Casablanca, Agadir, Marrakech et Tanger), ils
savaient qu’ils peuvent ne pas l’atteindre, ne pas être dans les délais. Méditel, à ses débuts, tablait sur un
objectif de part de marché très ambitieux. Par la suite, affaibli par la
combativité commerciale de Maroc Telecom, l'opérateur a dû à plusieurs
reprises réviser à la baisse son plan stratégique. Le groupe KFC Maroc
prévoyait l'ouverture de 30 restaurants à l'horizon 2011. Là encore, l’objectif
a été revu à la baisse plusieurs fois... Certes, les objectifs doivent être
réalistes, sont mesurables et définis dans le temps, mais ne sont pas
immuables ; ils sont voués en cours de route à être évalués et vérifiés.
Secundo. Vu le
caractère complexe et incertain de l'environnement commercial, les
prévisions à long terme sont de plus en plus difficiles. La visibilité, dans
bien des cas, est incertaine au-delà de 6 mois. Aucun secteur n'est à l'abri
d'un retournement de tendance. Il faut constamment mesurer les résultats
obtenus, réagir aux imprévus et difficultés qui peuvent contrecarrer la ligne tracée
: lancement d’un nouveau produit par un concurrent, guerre des prix, échec
d'une opération de promotion, commandes annulées, changement du comportement
des consommateurs, intensification des réclamations, rupture
d’approvisionnement, grève, etc.
Tertio. Une stratégie est considérée comme l'utilisation
de ressources internes pour faire face à des facteurs externes. Les opérations prévues
par le plan occasionnent donc des dépenses et il y a forcément des budgets à respecter. Il importe de
raisonner en permanence en termes de coût et de retour sur investissement. Une
erreur d’appréciation peut coûter cher à l'entreprise. Le suivi de la mise en
œuvre du plan permet ainsi de vérifier l’emploi des ressources et de rectifier
éventuellement.
Retenons ici une première proposition : tout
plan d’action se heurte à des difficultés de mise en œuvre. Il est naturel et
nécessaire de suivre le travail accompli à tous les échelons, de confronter les
résultats obtenus aux objectifs prévus. Une stratégie n’étant pas irréversible,
la planification est infailliblement
réactive.
Réactivité et adaptation
Un système de contrôle, c’est
quoi ? Comment ? Quand ?
En premier lieu, ce
système suppose un retour d'information
permettant de confronter la réalité du
terrain aux
objectifs fixés, d’apprécier en fait l'efficacité
des tâches et des moyens mis en œuvre. Les
postes à surveiller diffèrent d'un projet à l'autre et en fonction de l’état du marché. Il en est ainsi d’un
produit à marge faible : le dirigeant soucieux du résultat
d'exploitation fera surtout attention aux volumes de vente… Cela étant, quatre
postes font l’objet d’un contrôle permanent : le montant du chiffre
d'affaires, les volumes de ventes, la marge pratiquée et le résultat d'exploitation.
Corrélativement, des contrôles spécifiques peuvent porter sur des actions
particulières : action des représentants, impact des campagnes
publicitaires, opérations de promotion, dépenses de marketing, interventions du
service après-vente, taux de rebut (usine), nombre d'appels clients traités,
etc. (1) Les divers indicateurs sont autant de clignotants regroupés
sur un seul support.
Dans le cas, par exemple, des compagnies aériennes,
le contrôle des ventes porte sur les recettes. Pour chaque représentation, des
quotas à atteindre sont fixés. De même que sont établis des cost ratios, tel celui des frais
généraux sur le chiffre d'affaires – car il s'agit de réaliser des bénéfices et
pas seulement tel niveau de chiffre d’affaires (rappelons nous l’adage : « vendre c'est bien, être rentable c'est mieux »).
L'évaluation s'effectue par le siège d'une manière continue. Elle permet
d'envisager les mesures correctives nécessaires, d'intervenir à temps.
De là, en second lieu, un
système de contrôle implique des efforts d’ajustement, à la lumière des résultats prévus et des écarts identifiés. Ces écarts sont mis en évidence, analysés et
expliqués. Le cas échéant, des corrections sont
apportées au plan initialement prévu. Les objectifs
ou/et les moyens sont revus ; des tâches sont développées, d’autres rectifiées ou même supprimées.
« Pour s’adapter, c'est-à-dire réagir à bon
escient et vite, l’entreprise doit garder l’initiative et adapter de manière
continue sa stratégie aux changements de contexte (l’environnement du marché)
et, in fine, se remettre en cause en continu, s’adapter aux
évolutions inévitables de la concurrence, à ses propres failles, à des
conjectures fausses ou à un manque initial de connaissances ». (2) Il s’agit à la fois de
s'assurer que l'entreprise est engagée dans la bonne direction et de garantir
l'efficacité de l'emploi des ressources allouées.
Le contrôle doit être effectué périodiquement, tout
au long de l’année d’exécution du plan. Il n’y a pas de règle régissant la
périodicité. Cela dépend du niveau d’organisation, des moyens disponibles et des
dispositions des dirigeants. Grâce à l’outil informatique, le suivi peut être
permanent : les entreprises sont dotées de systèmes de reporting et de
tableaux de bords permettant de suivre à tout moment la mise en œuvre du plan. « Le reporting est la présentation périodique de rapports sur les activités et
résultats d’une organisation, d'une unité de
travail ou du responsable d'une fonction, destinée
à informer les personnes chargées de les superviser […] ou tout simplement concernées par ces activités ou résultats ».
(3) Cette pratique est donc surtout
destinée à « rendre compte » [c’est le sens du terme] du travail
effectué, à informer la hiérarchie de la situation à
laquelle fait face tel groupe ou tel service ; elle s’appuie sur des
indicateurs de résultat (résultat final du processus)... (4)
Le tableau de bord, en revanche, se compose surtout d’indicateurs
d’action et de fonctionnement, montre comment le processus est en train de se
dérouler, permet de savoir si
vous vous trouvez dans la bonne direction. Il est
établi à une fréquence suffisante pour permettre aux responsables de réagir à
temps. Ainsi, on ne confondra pas reporting avec tableau de bord (sujet du prochain article).
Quoi qu’il en soit, « on
voit que le contrôle ne peut être occasionnel. Comme la planification, c’est un
processus continu et ses résultats devraient fournir au responsable de
marketing des connaissances qui deviendront une partie des intrants de la
future planification ». (5)
Nous parvenons là à la seconde proposition : le système de
contrôle comprend un mécanisme de rétroaction permettant, après une
perturbation, d’engager des mesures correctives. La planification est crédible
si, en cours d'exécution, elle donne lieu à de telles mesures. Ainsi, la planification est réactive, adaptative
et flexible.
Thami Bouhmouch
28
octobre 2011
__________________________________________________
(1) Cf. www.manager-go.com
(2) www.p2ac.fr/anableps/?article22/la-planification-strategique-au-service-dune-organisation-apprenante.
(5) Yasmine Dahmane, http://marketing.thus.ch/loader.php?page=Dahmane-I
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