Mesurer la performance
On peut se faire une idée du tableau
de bord et de son enjeu par l’exemple simple suivant : un automobiliste se
rend de Casablanca à Agadir où il a un rendez-vous à une heure donnée. Imaginons
qu’il a choisi de prendre la route nationale. Il conduit sa voiture en prêtant
attention obligatoirement à la route, aux panneaux de signalisation et bornes
kilométriques. Sur son combiné de bord, qu’il inspecte sans cesse, divers
témoins sont affichés : jauge de carburant, régulateur de vitesse,
compte-tours, compteur kilométrique, température d’huile moteur… Tous ces
indicateurs l’aident à rester maître de son véhicule et à contrôler son
parcours. Attentif à son objectif (heure d’arrivée), il pourra décider des
actions correctrices éventuelles : accélérer, quitter cette route pour
l'autoroute, téléphoner pour annoncer son retard ou au contraire s’offrir une
pause…
Qu’en est-il de l’entreprise ?
Le tableau de bord (TdB) est un
document permettant de visualiser en permanence l’évolution
des résultats obtenus
et les écarts par rapport aux objectifs
prévus. Il permet de se représenter la réalité de
façon simplifiée et synthétique. C’est un ensemble d'indicateurs de performance pertinents, établis et complétés
périodiquement par les acteurs chargés de mettre en œuvre le plan. Un indicateur est une information chiffrée et
standardisée, destinée à rendre compte de l'évolution d'un paramètre. Le tableau présente de
façon synoptique (on voit d'un seul coup d'œil tous les éléments) le degré
d’avancement des opérations et les conséquences des mesures prises. Il suscite des
questions du type : « que se
passera-t-il dans deux semaines si je n'interviens pas ? » C’est ce que
dit l'automobiliste : « si je
continue à cette allure, j'arriverai à l’heure prévue ? ».
Le TdB permet aux décideurs d’identifier
les défaillances et points faibles afin de prendre les mesures correctives
nécessaires ; il est censé en même temps stimuler et impliquer les collaborateurs concernés. Ce
n’est pas un outil coercitif
mais un outil de dialogue, pouvant
aider à comprendre les difficultés et carences, à les résoudre sur la base de
données concrètes. Bien
entendu, nous ne contrôlons que ce que nous mesurons. Ainsi, les objectifs et les budgets (annuels) sont fractionnés
dans le temps. Les indicateurs doivent être bien compris et acceptés (considérés comme pertinents) par les parties prenantes, accessibles (d’usage
facile) et significatifs. En nombre restreint (pas plus
d’une dizaine), ils portent sur
les stocks (telle valeur au temps t), les flux (tel mouvement dans une période donnée), les ratios (par exemple, frais généraux/chiffre d'affaires).
Nous parvenons ici à une première question
majeure : le contrôle aurait-il pour but simplement de mesurer un état de
choses, de rendre compte des résultats obtenus ?
Un outil
d'aide à la décision
A l’origine, vraisemblablement, le
TdB a été pensé et conçu pour permettre de réagir aux évènements et d’ajuster
les processus en cours d’exécution. Ce sens initial de pilotage s’est estompé
avec le temps. De l’outil d'amélioration de la performance, le TdB est devenu un outil de contrôle
rétrospectif et plus ou moins passif, un support de compte rendu
d'activités. Il permet de « constater » après coup la pertinence des
choix effectués. La démarche est pour ainsi dire linéaire : l'entreprise
établit les objectifs, élabore les plans, ensuite elle contrôle. Or un outil de constat, se limitant à une
comparaison entre la ligne tracée et le travail réalisé, n’est pas propice à une réaction à temps, à des
ajustements opportuns. « Au moment
de la publication, l'activité a déjà produit ses résultats. Il est alors bien
trop tard pour corriger. Prenant acte des niveaux de performance, la hiérarchie
tend à féliciter les uns et à sermonner les autres ». (2)
Tant que le marché est stable et les variations de faible amplitude, le manager a toujours le temps de réorienter sa stratégie et d'affiner ses plans. Mais le contexte mouvant et fortement évolutif auquel l'entreprise est confrontée aujourd'hui a modifié la donne. « Dans un environnement ouvert, complexe et changeant, il s'avère de plus en plus difficile de faire des prévisions à long terme. A la planification d'autrefois se substituent l'adaptation, la flexibilité, le pilotage ». (3) Il s’agit plus qu’avant de relever les défis, de s'adapter aux aléas, de réagir efficacement à l'imprévu. Cela implique de redonner au tableau de bord sa dimension initiale, afin d’en faire un véritable outil d’aide à la décision.
Un tableau de bord n’est pas destiné à être un outil de
constat, ne doit pas favoriser une gestion au « rétroviseur ». On ne
mesure pas pour contrôler (rétrospectivement) un processus mais pour le
piloter, c'est-à-dire pour réguler et encadrer l’action, pour conduire/guider
les équipes vers un but précis. Il
est grand temps de réformer la vision des choses, de définir un instrument de
progrès, destiné à améliorer la performance en connaissance de cause. « Il faut passer d'une logique de
planification a priori et de constat a posteriori à une logique dynamique et
réactive : mesure/action/réaction. Bref, il faut piloter ! ». (4)
Le TdB de pilotage est un outil
proactif parce qu’il permet un suivi permanent, donne lieu à des décisions en
temps réel, permet de rectifier l'action durant
l'exécution.
T. Bouhmouch
3
novembre 2011
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(3) E. Fontana, Points
de vente, n° 369, 1/09/89.
(4) Alain
Fernandez, www.journaldunet.com
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