Pour fonctionner et agir sur le marché, l'entreprise
dépend de ses fournisseurs en amont et de ses distributeurs en aval. Ce sont des
partenaires avec lesquels elle se doit d’entretenir des relations d’affaires fortes…
Qu’en est-il ?
En amont, les fournisseurs
Ils assurent l'approvisionnement des
unités industrielles en matières premières, produits semi-finis, énergie,
services, équipements et fournitures de fonctionnement, comme ils assurent l'approvisionnement
des entreprises commerciales (distributeurs) en produits finis destinés
à la vente. Ils constituent ainsi le marché amont de l'entreprise.
Un fabricant d'automobiles s’adresse
à différents types de fournisseurs et sous-traitants pour ses besoins en tôles,
pneumatiques, vitres et accessoires divers. L'entreprise de confection SCIM
(El Jadida), fabrique des pantalons jean en grande série à partir du tissu denim,
dont la production est assurée essentiellement par la société Settavex (Settat).
Au sein de l’organisation, d’une
façon ou d’une autre, un service achats est mis en place. Il se donne
pour but ultime de satisfaire le client final, tant il est
vrai que la qualité du produit fabriqué dépend de celle des produits fournis. Ce
service est dès lors amené à inscrire son action dans la politique du produit
et le processus de production. Le directeur des achats est responsable de
l'acquisition des produits aux meilleures conditions. Le coût est un critère
essentiel : si le prix des intrants augmente, le coût de fabrication sera
plus élevé, ce qui pourrait influer négativement sur les ventes. D'autres
impératifs entrent en ligne de compte : la disponibilité du produit demandé, sa
qualité et sa performance. A cela, il faut ajouter les délais de livraison, vu que
les ruptures de stocks, en se répercutant sur le rythme de production, pourraient
nuire à l'image de l'organisation.
De fait, un travail de collaboration
devient nécessaire dès l’amont. Dans les grandes structures, la fonction achats
est souvent activement impliquée dans le processus de production du
fournisseur. Nestlé Maroc par exemple a conçu un barème en deçà
duquel tout fournisseur défaillant est écarté. Ce barème porte sur la qualité
du produit livré, le délai de livraison et le prix de revient. Notons aussi la
volonté de Fiat Auto Maroc de s’investir auprès des fabricants partenaires
(sièges, ceintures de sécurité, tableaux de bord...) dans le choix des
matériaux et la gestion des coûts. Le directeur des achats a une fois affirmé :
« Les composantes achetées chez les fournisseurs ont une valeur ajoutée
élevée. Ils doivent respecter des paramètres précis en termes de qualité
et de processus de fabrication ». (1)
Le groupe agro-alimentaire Unimer-VCR
a mis en place auprès de ses fournisseurs des systèmes de sécurité garantissant
une régularité de la production et de l’approvisionnement, tant en quantité
qu'en qualité. D’où les contrats de culture, la location de fermes, les accords
avec des armateurs et autres engagements. De même, Centrale laitière accorde
une assistance technique et une aide financière aux éleveurs partenaires,
en vue de les aider à développer le volume et la qualité de leur production. Quant
à la société Lesieur-Cristal, elle s’est employée à revoir le processus
par le début, en commençant par les fournisseurs, élevés désormais au rang de
partenaires. Toute la chaîne en amont de la production a du être revue selon les
exigences et les spécifications de la marque.
L’enjeu stratégique
est donc considérable : la fonction achats est regardée comme un centre
de profit et une source d'avantage concurrentiel. Par la force des
choses, elle est devenue plus complexe. Il s'agit de trouver des fournisseurs (et
non pas un seul) dont les intérêts stratégiques et techniques sont en accord avec
ceux de l'entreprise. Il y a avantage à établir avec eux une relation qui dépasserait
les préoccupations de prix et de disponibilité des stocks. Une relation étroite
axée sur des actions de fidélisation et même une aide à l'investissement. A
l’inverse, les fournisseurs sont des partenaires qui peuvent apporter un
savoir-faire innovant, aider l'entreprise à progresser… C’est dire que seule une
relation gagnant-gagnant est opérante et durable.
N’oublions pas enfin que le recours
aux fournisseurs, loin de se limiter à l’espace national, s’étend par-delà les
frontières. Il n’est que de voir les places de marché électroniques ou EMP
(electronic market places) : ces espaces virtuels sont des carrefours
d'affaires où se rencontrent acheteurs et fournisseurs dans tous les secteurs. (2)
Le but est de favoriser les flux d'informations, assurer la disponibilité des
produits, minimiser les coûts d’achat, réduire les délais de livraison... Les
acheteurs peuvent ainsi élargir leur éventail de fournisseurs au moindre coût,
comme ces derniers peuvent réduire leurs frais de prospection de nouveaux
clients.
En
aval, les intermédiaires
Il s’agit des grossistes et des détaillants
qui, en aval de la chaîne d’acteurs, constituent le circuit de distribution.
Il en est ainsi de l’hypermarché, de l’épicier, du pharmacien, du droguiste, du
concessionnaire automobiles, de la société de courtage, de l’agence de voyages,
du kiosque à journaux, des commerçants en gros et en demi-gros, etc. L’étude
des distributeurs peut porter sur leur nombre, taille, zone de couverture,
délais de paiement, service après-vente, motivations, volonté de coopération...
De telles données serviront lorsqu'il faudra coordonner la variable distribution
avec les autres moyens d'action marketing.
D’emblée, il importe de souligner que
le distributeur n’est pas un intervenant passif, un exécutant, une simple courroie
de transmission. C’est au contraire un acteur agissant. Son influence est
considérable et a trait, entre autres, au référencement du produit (son acceptation
en vue de sa vente),
aux actions de promotion, à l’orientation des clients. Les grandes surfaces, en
particulier, sont en mesure d'imposer leurs conditions : elles soumettent le
référencement d'une marque, une fois accepté, au paiement d’un ticket d'entrée,
prescrivent le prix de vente, décident de la place accordée sur le rayon,
facturent le linéaire en tant que média publicitaire. Elles peuvent intervenir
dans la conception du conditionnement (compte tenu de leurs contraintes) et disposent
de leurs propres marques (MDD).
Pour qu'un produit soit acheté, il
doit bien entendu plaire au public cible… Encore faut-il le mettre à sa
disposition dans des conditions adéquates (de son point de vue). Qu’on en juge
par cette maxime imagée : « Quand est-ce qu'un soda n'est pas encore un
soda ? Quand il se trouve dans un entrepôt à Casablanca, alors qu'il devrait
être dans un magasin à Tanger ! ».
Les distributeurs achètent un produit dans l'intention de le revendre. Ils doivent
avoir intérêt à l’adopter de préférence à d’autres. Ils ont le pouvoir de
choisir, d’accepter ou de refuser ce qu’on leur propose. A la limite, certains
articles sont déréférencés lorsque les volumes de vente ne sont pas jugés suffisants.
On s’aperçoit que l'accès du produit
au marché dépend souvent des décisions de distributeurs de grande envergure. Comme
le note Bach, « les grandes sociétés de distribution sont maintenant
souvent plus puissantes que les marques, mais leur réussite n'est pas seulement
économique et financière, elle se traduit en termes de pouvoir sur
les consommateurs ». (3) S’agissant par exemple
des produits d'assurance, les sociétés de courtage détentrices de portefeuilles
clients bien garnis demandent des traitements de faveur. Les grands courtiers
peuvent toujours menacer de placer le client auprès d'autres compagnies. Les
primes se chiffrent en millions de dh et les délais de versement dépassent ceux
fixés au préalable. Il n’est pas rare de voir des courtiers détenir des
portefeuilles d'actions, investir dans des projets propres à eux, se convertir
en promoteurs immobiliers. Tous les moyens sont bons pour faire fructifier les
rentrées d'argent.
Lancer un produit sur le marché, c'est
se poser inévitablement la question de la distribution. Considérons le cas de
ce jeune entrepreneur qui vient de créer une crème antirides. Le produit est fin
prêt. Il croit que tout le travail est fait. Mais il oublie qu'il faut aussi le
vendre. Or les contacts avec les pharmaciens s'annoncent mal, en raison de deux
handicaps : la marque n'est pas connue et la gamme est étroite…
Le tout n’est pas de générer une
offre, de séduire le consommateur. On se doit de trouver les intermédiaires par
lesquels le produit adéquat peut atteindre le marché adéquat, au moment
adéquat. « Les structures de la distribution grand
public sont telles qu'aujourd'hui les marques ne peuvent plus dire qu'elles
choisissent un distributeur, mais elles doivent chercher une
distribution qui accepte de les aider à atteindre leurs objectifs ». (4) De fait,
comme le note Filser, « lorsque le producteur est tributaire des
décisions de référencement de distributeurs plus puissants que lui, il est
indispensable de prendre en compte les attentes de ces distributeurs dès la
conception du produit ».
(5)
Parce qu'ils constituent un trait
d'union entre les producteurs et les clients finals, les distributeurs ont une
position privilégiée sur le marché. Ce sont des éléments constitutifs du
marché, car c’est grâce à leur présence que le conflit d'intérêts entre le producteur
et le consommateur est en quelque sorte résolu. Samsung
Electronics ne l’a-t-elle pas compris quand elle s’emploie à impliquer
la distribution dans son approche personnalisée de la clientèle ?
Les distributeurs, à l’instar des
fournisseurs, sont au cœur du système marketing. Pour autant, ce ne sont pas de
simples outils d’action. Il importe de les engager, de bien les connaître
afin de les utiliser au mieux.
Thami
BOUHMOUCH
Octobre 2013
_______________________________
(1)
Cf. la revue Economie & Entreprises,
avril 2001.
(2)
Voir notamment
les sites : http://www.covisint.com/ et
http://www.industrysuppliers.com/
(3)
O. Bach, Distribution
: l’analyse des linéaires, éd. Vuibert Entreprise. Je souligne.
(4)
O. Bach, ibid.
Je souligne.
(5)
M. Filser, Canaux
de distribution, éd. Vuibert.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire