Série : L’essentiel
didactique
« La politique sociale est
aussi importante que la politique commerciale » Un dirigeant de Trarem
L'entreprise
est en relation directe avec divers publics. Il s’agit d’organismes et de groupes d'individus (en
dehors des clients) qui sont en mesure de favoriser ou de freiner son action.
Ils sont classés en six ensembles génériques : les publics internes, le public financier, les pouvoirs publics,
les médias, les groupes de pression et le grand public. Il importe, lors du
processus de planification marketing, de tenir compte des attentes et intérêts de
chacun d’eux. On se doit également de les informer correctement et sans détour de
manière à susciter des attitudes favorables. Dans cet article, seul le premier
ensemble est abordé.
On entend par publics internes l’ensemble des employés,
cadres et responsables de services… Pourquoi les
managers doivent-ils
impérativement les prendre en considération ? La raison est simple : l’efficience commerciale résulte de
l'implication et la mobilisation de tous les membres de l’organisation. Ceux-ci influent intimement sur la mise
en œuvre des stratégies adoptées. Ce sont les véritables acteurs de la performance.
Le
poids des ressources humaines
L'entreprise, avant de décider sur
quel terrain elle va agir, dresse l’état des lieux, examine sa situation effective, ses particularités, ses compétences et ses contraintes.
Parmi les capacités stratégiques, les ressources humaines sont les plus
critiques. La question fondamentale est de savoir si le personnel est en
mesure d’atteindre les objectifs fixés. L’analyse comprend donc obligatoirement
l’étude du potentiel humain. Sont
examinés les qualifications et motivations, l’organisation des services,
la qualité du teamwork, la communication interne, le climat social… La position réelle
sur le marché est appréciée par la confrontation des forces et faiblesses sur
chacun des éléments examinés.
Il convient
ici de répéter : l'entreprise, « loin d'être un ensemble de rouages
automatiques, est un construit humain, un système social où les
relations ne sont pas seulement rationnelles mais aussi affectives. C'est avant
tout des hommes, des hommes qui doivent être regardés comme des êtres concrets,
faillibles et soucieux de leurs intérêts ». (1) « Ce
sont eux qui règlent le cours de l'entreprise et façonnent son destin.
La valeur de leur travail dépend de leurs qualités intrinsèques et de la
formation qu'ils ont reçue ; elle dépend aussi de leurs habitudes mentales, de leur
engagement vis-à-vis de l'entreprise, du genre de rapports qu'ils entretiennent
avec elle ». (2)
Les orientations stratégiques et le
choix des moyens sont déterminants, mais rien ne peut se faire sans les hommes qui
agissent sur le terrain. La mise en œuvre du plan d’action dépend bel et
bien de l’exécution. Prenons l’exemple de cette entreprise qui réalise une
enquête de satisfaction dans le but d'améliorer son offre. Or, il se trouve que
les réclamations ne sont souvent pas transmises à la direction, soit parce que
les employés concernés ne sont pas conscients de l'enjeu (« cela ne
sert à rien »), soit parce qu'ils sont eux-mêmes frustrés (« est-ce
que moi je suis satisfait ? »).
Les collaborateurs, non seulement l’exécution graduelle
du plan dépend directement de leurs dispositions mais, s’ils sont
mécontents, ils tendent à répercuter leur ressentiment sur les clients.
Le soin apporté à
la clientèle est en corrélation étroite avec l’état psychique des employés, en
particulier avec le comportement des supérieurs hiérarchiques vis-à-vis d’eux. Considérons
le moment où dans telle organisation des primes de rendement sont distribuées.
Les hauts responsables et chefs de services sont promis à en bénéficier alors
que les subalternes ont droit à un verre de thé et un discours bienveillant… On
ne pourrait pas trouver mieux pour empoisonner l’atmosphère.
Le mécontentement des salariés, par
cela même, est nuisible à l'image de
l'entreprise. Quelle portée peut avoir une politique de relations
publiques lorsque le personnel n’hésite pas exprimer son ressentiment pendant
le travail et en dehors ?
On ne dirige pas une entreprise par
diktat
On entend souvent dire que l'entreprise
marocaine fonctionne selon des normes et un mode de gestion particuliers. « D'un
pays à l'autre, le milieu culturel d'appartenance influe sur la façon dont les
individus s'insèrent dans l'entreprise et vivent leurs relations de travail. Il
exerce une action directe sur la dynamique interne de l'entreprise, sur
l'action collective de ses membres, sur leur perception de l'entité elle-même,
bref sur la culture de l'entreprise ». (3)
Pour autant, une question inévitable
se pose : pourquoi les cadres d’entreprise marocains ont une faible
capacité d'innovation, éprouvent des difficultés à s'adapter aux
changements ?… C’est parce qu’ils sont réduits à des tâches d'exécution, disposent
d'une autonomie limitée. Là où la démarche se fonde sur un modèle pyramidal et paternaliste
de l’autorité, le leader prend ses décisions « en solo », fait
abstraction des capacités créatrices des collaborateurs. Ceux-ci sont
constamment placés en situation d'infériorité. On leur demande d'exécuter, pas
de réfléchir. Ainsi en était-il de l’OCP (Office Chérifien des Phosphates) :
la règle d’or consistait depuis des
générations à « exécuter sans discuter,
ne pas contredire le chef
» et les cantines se différenciaient selon le grade.
Lorsque le
personnel est déprécié et subit les entraves au quotidien, parler d’objectifs, de
valeurs et de satisfaction du client n’est qu’une vue théorique abstraite. Un bon dirigeant, c'est en vérité
toute une équipe.
Il s'agit de créer un
cadre de travail propice à la performance. Le moral des employés exerce
une influence déterminante sur le travail accompli. Une ambiance malsaine est dissuasive. Les décisions
ne sauraient être mises en œuvre à coups de diktats, au mépris des intérêts de
ceux qui vont les appliquer.
L'organisation, quelles que soient sa
taille, sa forme et son activité, se doit d'être efficace et performante. Le
rôle du manager est de rechercher les moyens d'accroître cette efficacité. « La
plus grande erreur que puisse faire une entreprise est sans doute de considérer
que tous les problèmes sont automatiquement réglés une fois la vision couchée
sur le papier ». (4) La
hiérarchie n’exige des divers acteurs ni héroïsme, ni miracle. Aucun progrès n’est possible si ceux-ci
n’adhèrent pas librement et volontairement à la ligne stratégique choisie, ne sont
pas tous mobilisés autour de l’impératif de servir le client. Un projet voit
ses chances de réussite augmenter lorsque les publics internes sont invités à participer à son
élaboration et sont impliqués dès sa conception.
Un bon dirigeant doit savoir attirer
les talents. « Il devra ensuite les
motiver, les entraîner à donner le meilleur d'eux-mêmes. Il devra également
leur permettre de travailler ensemble dans de bonnes conditions, autour
d'objectifs communs. Il devra enfin les retenir et s'assurer leur fidélité ». (5) Or, les compétences
ont besoin d'un environnement favorable à leur développement. Dans un contexte externe
de rivalités, la mobilité s’accentue et les meilleurs s’en vont. Il faut donc instaurer
un système fondé véritablement sur la méritocratie. Organiser des réunions
solennelles et arborer des slogans à la gloire du client ne suffisent pas à augmenter
les parts de marché. Les rapports entre la direction générale et les salariés gagnent
à s'orienter vers le dialogue direct et participatif. Le marketing se
trouve ainsi investi d'une mission délicate : améliorer l'activité des équipes en
vue d’assurer le succès de l'entreprise.
Le marketing interne
Le département marketing ne
fonctionne pas en vase clos ; il doit exercer un certain contrôle sur tous les
acteurs, entre lesquels une synergie doit être recherchée. Il importe de
s'assurer que leurs efforts et interactions sont dirigés vers la réalisation
des objectifs fixés. Une stricte coordination est en effet nécessaire entre les
services.
Pour cela, le système de communication doit être
efficace. Il n'y a pas plus désagréable que d'ignorer ce qui se passe dans son
propre travail. Tout ce qui n'est pas dit est amplifié au détriment de la
vérité. Au contraire, les supports de communication doivent contribuer à expliquer
la démarche de l'entreprise, à vulgariser ses valeurs, à renforcer l'adhésion
du personnel à la vision stratégique. Le collaborateur qui reçoit l'information
à l’instar de la hiérarchie dispose d'une partie du pouvoir. Il devient membre
actif de l'organisation, une partie prenante dans les décisions. C’est un lieu
à la fois de réception et de production de l'information. Celle-ci n'est plus
seulement descendante, elle est aussi montante et à circulation transversale (flux
en réseau).
Comme l’employé doit absolument adhérer
au projet de l'entreprise, il devient un client privilégié. L’écouter est
aussi important que d'écouter le consommateur. Il est nécessaire d'établir un
équilibre entre une orientation vers l'entreprise et une orientation vers le marché.
Le marketing interne ne se limite donc pas à la vente d'idées et à la diffusion
de l'information ; c’est aussi l'étude des attentes du personnel. Il
apparaît comme un facteur de succès des stratégies de marketing externe.
De là, la direction est tenue de
mettre en place un système de motivation qui satisfait
l'ensemble du personnel. La motivation est une condition préalable à
l’apprentissage, à la communication avec l’autre et la participation au
changement. La société Steelcase Strafor consciente qu’une rémunération personnalisée motive les salariés
et contribue à la qualité, octroie une prime lorsque l’objectif fixé est réalisé
intégralement. Il n’y a pas longtemps, Lesieur-Cristal s’appuyait sur
une gestion participative, disposait d’un journal interne (Al Jisr) en tant
qu’outil de communication et mettait en œuvre une aide à l'accession à la
propriété…
Lorsqu’on met en place une politique
sociale alléchante, un système d'intéressement efficace, le personnel est
motivé, attaché à son entreprise et fortement conscient des enjeux.
Thami
BOUHMOUCH
Novembre 2013
_______________________________
(1)
Moi-même, Le premier client marketing est à l’intérieur de
l'entreprise (en 2002),
http://bouhmouch.blogspot.com/2011/05/le-premier-client-marketing-est.html
(2) Moi-même, La culture au
pays de l'entreprise (en 1997), http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/la-culture-au-pays-de-lentreprise-pour.html
(3)
Moi-même, L'entreprise
dans son environnement socioculturel (en 1997), http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/lentreprise-dans-son-environnement.html
(4) R. Whiteley & D. Hessan, Les avantages compétitifs de l'entreprise
orientée clients, éd. Maxima.
(5)
J.-P. Pécoul &
M. Santi, Fortune faite. L’expérience des grands créateurs d’entreprises
français du XXè siècle, Dunod.
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