Série : L’essentiel
didactique
« Il conviendrait que les pouvoirs publics, les
banques et les PME agissent ensemble dans un esprit de dialogue, d'ouverture et
de transparence ». Magazine de BMCE
Bank
L'entreprise,
comme nous l’avons vu dans le papier précédent, est en relation directe avec plusieurs publics. Il s’agit d’organismes et de groupes d'individus susceptibles
de favoriser ou d’handicaper son activité. Ils sont au nombre de six : les publics internes, le public
financier, les pouvoirs publics, les médias, les groupes de pression et le
grand public. Les publics internes – constitués
par l’ensemble des employés, cadres et responsables de services – doivent
impérativement adhérer aux objectifs et à la ligne stratégique…
Dans les lignes qui suivent, seuls
le public financier et les pouvoirs publics sont abordés.
Le public
financier
Pour pouvoir
moderniser leur
outil de production, lancer de nouveaux produits, assurer
leur développement, les entreprises dépendent des financements externes. C’est pour elles une nécessité, vu que leurs profits d’ordinaire
ne sont pas suffisamment élevés pour le leur permettre en toute indépendance. Ainsi, en plus des
capitaux
propres (autofinancement), elles recourent aux
crédits bancaires et au marché financier (Bourse).
Au Maroc, le secteur bancaire est la principale
composante du système financier. Les entreprises financent leurs investissements
en partie par les crédits bancaires à
moyen/long terme. La
plupart d’entre elles bénéficient de facilités de paiement pour renflouer leurs
fonds de roulement. Peu ont franchi le seuil de la Bourse.
Si le financement des investissements et de la
trésorerie arrive
en tête des préoccupations des dirigeants, il constitue une part primordiale de l’offre des
établissements financiers : les entreprises captent 47 % des
crédits distribués alors qu'elles n'apportent que 15 % des dépôts (les particuliers
fournissent 72 % des ressources mais bénéficient d'un peu plus du quart des
crédits). (1)
Il y a tout lieu de croire que les
dirigeants rêvent de pouvoir se passer des services bancaires… Pourtant nombre d’entre
eux sont devenus puissants grâce à ces services. Les
banques, au-delà de l’octroi de
crédits, réalisent
des prestations de conseil et des montages financiers ; elles se proposent d’optimiser la trésorerie en dirigeant les excédents vers
des placements financiers ou monétaires… (2) Les intérêts semblent donc
solidaires : le banquier sait qu'il doit rassurer et
appuyer son client. Si celui-ci perd confiance et s'effondre, les prêts
consentis seraient compromis. « Une
banque gagne de l'argent pour autant que les entreprises auxquelles elle prête
de l'argent fassent des bénéfices. [...] Le
dynamisme de l'un soutient le dynamisme de l'autre. Les bénéfices de l'un
confortent les bénéfices de l'autre. Banque et entreprise dessinent ensemble la
configuration de l'environnement économique du pays ». (3)
Par cela même, les banques imposent
aux entreprises clientes des règles strictes de fonctionnement. La lecture des
bilans des trois dernières années permet de mesurer le degré de fiabilité de l’organisation.
Dans le cas de crédits spécifiques, la banque exige du postulant un diagnostic
approfondi de son activité. Les entreprises sont dès lors amenées à publier
périodiquement leurs résultats pour informer ce public important et de là
obtenir son soutien.
Des relations étroites se fondent sur un échange
d’informations sans équivoque. « La priorité doit être donnée au dialogue et à la transparence
dans la communication entre l’entreprise et son partenaire financier : transparence
de l’entreprise dans sa capacité à fournir de la documentation financière
fiable et de la visibilité sur ses projets ; transparence de la banque sur les
décisions prises. C’est en misant sur une telle stratégie de communication que
l’entreprise optimisera ses chances de voir sa banque l’accompagner en
répondant favorablement à sa demande de crédit ». (4)
A part la banque, le financement
externe s’effectue par le recours au marché financier. Lorsque l’entreprise opte
pour une augmentation de capital, elle émet des actions nouvelles destinées au
personnel et au grand public. C’est ainsi que les fonds levés sur l’épargne
publique permettent de financer ses projets.
Les actionnaires sont des personnes
physiques ou morales qui détiennent des actions dans l'entreprise. Ils
contribuent au financement de celle-ci en s'attendant normalement à ce que la
valeur des actions augmente. Le dirigeant en effet
se lie à un ensemble d’actionnaires qui, sans être à proprement parler des
spéculateurs, demanderont des niveaux de rentabilité convenables.
Dès lors, pour être performante, une
entreprise doit créer de la valeur, non seulement pour ses clients et ses
collaborateurs, mais également pour ses actionnaires. Ceux-ci ont en principe un droit de regard (de contrôle) sur la gestion de l'entreprise, mais leur pouvoir est
limité du fait du partage du capital entre un grand nombre d'individus. « Leur manque d'information contribue
également à les écarter des leviers de commande. Aucun propriétaire, qu'il
possède un petit ou un gros paquet d'actions, ne peut, à moins d'être membre de
la technostructure, en savoir assez pour juger des décisions en connaissance de
cause ». (5) Les entreprises ne rendent
pas compte de façon systématique de leurs projets et souvent le conseil
d'administration ne fait que consentir aux décisions prises sans en comprendre réellement
les tenants et aboutissants…
Il n'empêche, les entreprises cotées
en Bourse sont tenues de communiquer avec les actionnaires. La pression exercée par ces derniers (les plus gros) sur
les dirigeants est un fait observable : de nombreuses situations font voir
leur influence croissante sur les orientations stratégiques. Il y a douze ans,
« les actionnaires de BMW, préoccupés par la mauvaise tournure prise
après l’acquisition de la firme Rover, exigent de revendre celle-ci et changent
le management ». (6)
Les pouvoirs publics
L’Etat, on le sait, intervient dans
l'activité économique et influe sur les mécanismes du marché. Il pèse sur les
plans fiscal, réglementaire, administratif et social (emploi). La liberté d'entreprendre
– consacrée par le droit – exige un cadre institutionnel à même de rassurer
l'investisseur et de garantir l'égalité et la sécurité. Le dispositif réglementaire
et autres obligations légales influent directement sur les décisions et moyens
mis en œuvre (normes de production, sécurité des employés, etc.). Lors de la
formulation du plan marketing, il y a lieu d’en tenir compte.
De là, la nécessité de créer un
réseau de relations avec les différents organismes administratifs et les
principaux élus, de défendre le point de vue de l'entreprise auprès des
personnes-clé. Grâce à un lobbying efficace (associations, groupements professionnels),
les entrepreneurs peuvent défendre leurs intérêts communs face à l'Etat.
A cet égard, les sondages effectués au
Maroc par le passé auprès des chefs d’entreprise ont pu révéler que l’administration
est l’une des principales entraves à la compétitivité et à la croissance, en
raison de la lourdeur de la politique fiscale, de l'opacité des procédures et du
parcours de combattant imposé à l'investisseur. On a déploré également le
système de clientélisme et les passe-droits, la multiplicité des organes de
décision et l'imprécision des compétences, les retards de paiement des organismes
publics, les lenteurs de la Douane,
le manque de zones industrielles, etc. De nos
jours, les plaintes portent en particulier sur « l’absence d’un cadre général
favorable à la promotion et au développement des PME », « l’inadéquation
du code du travail », une « fiscalité trop complexe », « les
dispositions du code des marchés publics éliminatoires pour les PME »
et « l’accès au foncier ». (7)
L’interaction entre l'entreprise et l’autorité publique
est manifeste. Considérons quelques exemples révélateurs au Maroc : la
croissance du marché de la restauration collective, limitée pendant des années,
ne s'est accélérée que lorsque la fonction publique a adopté l'horaire continu.
Le boulanger-pâtissier et traiteur Le Nôtre, implanté à Rabat et
Casablanca, est tenu d'utiliser des produits entièrement importés. Compte tenu
du caractère périssable des denrées, l'activité de la franchise dépend de la
réactivité de l'administration des Douanes. Sa politique des stocks en dépend
et par conséquent son bilan. Par ailleurs, aucune publicité concernant les
spécialités pharmaceutiques (médicaments dits de confort) ne peut être réalisée
sans l’obtention préalable du visa délivré par le Ministère de la Santé
Publique. L’objectif est de veiller au caractère éthique du message.
Encore au Maroc, les grands
avantages accordés à l'investisseur (exonérations fiscales, primes diverses...)
ne peuvent suffire. L'investissement est un tout et le système
judiciaire est un maillon important. Pour la plupart des opérateurs,
la justice marocaine est malade ;
les mécanismes comme les intervenants ont totalement perdu toute crédibilité
(lenteurs abusives, communication nébuleuse, juges influencés par le pouvoir
exécutif). La corruption, touchant
toutes les institutions nationales, est ouvertement montrée du doigt. Le poids
des dessous-de-table, estime-t-on, représente entre 3 et 4 % du chiffre
d'affaires. Le manque de sécurité judiciaire résultant des dysfonctionnements dans
les tribunaux étouffe les initiatives et détourne les projets d’investissement.
Thami
BOUHMOUCH
Novembre
2013
_________________________________
(3) O. Akalay, L'entreprise et son
banquier, Revue Marocaine de droit et d'économie du développement, n° 28 - 1992.
(5) John K. Galbraith, Tout savoir ou
presque sur l’économie, éd. du Seuil.
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