Série :
L’essentiel didactique
« Si nous ne communiquons
pas, nous n'existons pas » Un professionnel
L'entreprise
est en relation directe avec plusieurs publics. Les publics internes, le
public financier et les pouvoirs publics ont été abordés dans les papiers précédents. Il reste maintenant à
examiner les médias, les groupes
de pression et le grand public.
Les médias
Pourquoi faut-il qu’une entreprise
se préoccupe de l’action des médias (presse, télévision, radio) ? Parce
que les journalistes sont en mesure de juger son activité, de la présenter sur
la place publique d’une manière favorable ou défavorable.
Inciter les médias à projeter une
image positive de l'entreprise et de ses produits suppose que les dirigeants
connaissent les journalistes les plus influents, qu'ils entretiennent de bons
rapports avec eux. Le média (la presse surtout) peut être utilisé à des fins
diverses : promouvoir la marque, mettre en lumière un événement marquant (innovation,
fusion, résultats financiers, investissements), faire une mise au point, concourir
à une campagne de sensibilisation. L’introduction en Bourse, notons-le, permet
d'être présent gratuitement dans un certain nombre de médias, ce qui renforce
la notoriété de la marque et a des conséquences favorables sur le plan
commercial.
Au Maroc le paysage médiatique a
beaucoup évolué avec l’apparition d'une presse indépendante, portée davantage
sur son rôle informatif. C’est ce qui a amené le monde professionnel à s’ouvrir
résolument à la communication média. En fait, l'intérêt pour les médias varie
en fonction des objectifs de l'entreprise et la nature de son activité, selon
qu'il s'agit d'une multinationale, d'un grand groupe, d'une société cotée ou
d'une PME. Cette dernière communique peu ou recourt à des actions sporadiques pour
diverses raisons : méconnaissance des enjeux, peur de la transparence, ressources
limitées (les prestations des agences de communication coûtent cher)… En
revanche, dans les entreprises structurées la communication est plus méthodique,
s'inscrit dans un processus continu, une optique de long terme.
Le journaliste est perçu comme une
courroie de transmission de l’information aux différents publics. On cherche à établir
avec lui une relation de confiance, d’estime et d’adhésion. Les relations
presse sont de plus en plus intégrées dans la stratégie de communication.
Avec les relations publiques, elles constituent un couple indissociable qu’il importe
de gérer de façon judicieuse. D'où l’apparition dans les organigrammes de
services appelés « Communication Externe » (BMCI), « Communication
Globale » (RAM), « Relations Publiques » (Meditel), etc.
Le responsable communication attaché de presse, dont le rôle s’affirme, a pour mission de « promouvoir l'entreprise pour
laquelle il travaille auprès des médias, créer ou parfaire son image, assurer
une large diffusion des messages à moindre coût, contrecarrer les rumeurs »…
(1) Encore faut-il que la relation soit bien gérée, que
l'interlocuteur désigné soit compétent et les messages cohérents.
La communication média revêt
diverses formes : conférence de presse, communiqué
de presse, dossier de presse, publi-rédactionnel, reportage télévisé...
La conférence de
presse permet de diffuser l’information verbalement et de bénéficier d’une
bonne reprise par les médias. C’est l’occasion d’annoncer un événement, de
présenter un bilan, de révéler une personnalité… Le
communiqué de presse est un texte court transmis aux médias, portant sur
un changement important, un nouveau produit, le lancement d’un site web,
etc. « Si on sait bien s’y prendre, un communiqué de presse peut
entraîner une avalanche de publicités gratuites pour votre activité ».
(2)
Le dossier de
presse regroupe un ensemble de documents destinés à fournir aux
journalistes des contenus rédactionnels concernant l’entreprise, sa marque, ses
produits ou son action marketing. « Il se différencie du communiqué car
il développe et élargit davantage l’information ; il est plus lourd et
plus coûteux que le communiqué ». Le publi-reportage enfin est un texte à but publicitaire se présentant comme un contenu éditorial
que l'entreprise prend l’initiative de publier dans la presse écrite ou sur internet.
Telle société, par exemple, publie dans une revue une simulation d’interview de
son PDG, permettant d’expliquer sa position sur le marché, les avantages
qu'elle offre à ses clients, ses projets et objectifs.
Pour
communiquer avec les médias, d’autres moyens sont possibles. Il en est ainsi de
Lydec (Casablanca) qui s’efforce de répondre aux sollicitations des journalistes
en programmant des visites de sites et des rencontres directes avec le
personnel, (3) de la RAM qui octroie des avantages sur ses vols
(billets, réductions) aux journalistes de son choix…
Il
est clair que les médias, en transmettant des informations sur les produits de
l'entreprise, peuvent valoriser celle-ci, assurer sa notoriété, contribuer à la
réalisation de ses objectifs commerciaux. Tel journaliste écrit, à propos de Colgate,
que « la marque a beaucoup innové pour donner à vos dents un grand
éclat de santé ». On imagine l'impact sur le public-cible d’une telle proposition.
L'effet Meditel n'aurait pu avoir l’ampleur qu’il a eue sans les médias. Microsoft
y recourt aussi pour sensibiliser le grand public aux méfaits du piratage
informatique.
En France, une étude a été
menée (1.156 personnes interrogées) afin de mesurer l'influence de la presse
écrite sur les comportements d'achat : « 69 % des Français estiment que
les articles de presse leur permettent de mieux choisir, 81 % découvrent de
nouveaux produits grâce à la presse et 65 % confortent leurs décisions d'achat après
la lecture d'un article ». (4) L’étude montre que le consommateur
a besoin de s’en remettre aux journalistes pour avoir un avis averti sur une
marque ou un produit, que son comportement d'achat est directement influencé
par ce qu’il lit dans la presse.
Alors que dans la communication publicitaire il s’agit de développer un
argumentaire commercial pour vendre, les relations presse sont au service de la
communication institutionnelle (relayée par les journalistes). Celles-ci
contribuent à informer le public sur l’activité
de l’organisation, ses marques, son rôle socioéconomique, ses moyens de
production… Les relations presse bénéficient
d’une grande crédibilité : « Une étude récente a démontré que le
message institutionnel a 6 fois plus de valeur que le message publicitaire en
termes de perception, de mémorisation et d'acceptation ». (5)
A l'opposé, il n'y a rien de plus
dangereux qu'une information négative. En été
1999, l’article de presse « un cafard dans le Coca » avait
fait sensation. Et en avril 2013, une
rumeur colportée par la chaîne de
télévision BFM (France) au sujet de la
présence de porc fermenté dans le coca-cola a provoqué un tollé sur le web.
Dans les deux cas, les dirigeants de la firme ont été obligés de réagir… Lorsqu’un
journaliste porte un jugement dépréciatif sur une entreprise, il porte atteinte
à son image et au comportement de son titre en Bourse.
Groupes de pression et grand public
Les groupes de pression (lobbys) sont des groupes d'individus qui
agissent, avec des objectifs bien définis, afin de faire triompher leurs
aspirations ou revendications. Ils
défendent les intérêts de leurs membres en exerçant une influence notable sur
les décideurs (parlement et gouvernement). C’est le cas des syndicats, des
partis, des associations telles l’AMC (consommateurs), la CGEM (patronat), l’ASMEX
(exportateurs), l’AMITH (industries du textile)… Toutes les causes trouvent des
défenseurs. Deux en particulier peuvent influer directement sur les entreprises
et, delà, sur les décisions marketing : la protection du consommateur (consumérisme)
et la sauvegarde de l'environnement (écologie).
Le consumérisme
vise à assurer la représentation et la défense des
intérêts des
consommateurs. Curieusement, le terme est souvent mal compris,
comme le montre cette phrase : « Les grandes entreprises sont les
premières responsables de la société productiviste et consumériste destructrice des ressources naturelles ». (6) Il y a méprise : le mouvement consumériste renforce les droits du consommateur et oblige le
gestionnaire à en tenir compte. C'est grâce au consumérisme que le prix de
l'unité de poids, par exemple, a été mis en place dans les grandes surfaces. Il
est possible même de déceler des opportunités de développement tacites dans les
revendications du mouvement.
Au Maroc, l’AMC (Association
Marocaine des Consommateurs, née en 1994) a pour
objectifs d’informer et de sensibiliser le
consommateur sur ses droits, d’attirer l'attention des fabricants, importateurs
et distributeurs sur leurs obligations à son égard. Il s'agit en vérité d'un
mouvement élitiste plus que populaire (étant lié au niveau de vie et au degré
de scolarité), composé de sympathisants avec peu de moyens. Son rôle n'est du
reste pas facile : l'accusation d'un commerçant nécessite un minimum de preuves
(les ventes s'effectuent parfois sans facture) et constitue une simple
prétention sur le plan juridique. Pour autant, le mouvement est susceptible
d'acquérir une certaine crédibilité, devenir une force que les entreprises ne
pourront pas ignorer dans les années à venir.
Quant aux mouvements écologistes, ils luttent contre la
pollution industrielle et l’épuisement des ressources naturelles. Ils poussent les pouvoirs publics à adopter des règles
restrictives concernant les produits toxiques, les déchets industriels et la pollution
de l’air. Ils incitent les entreprises à être socialement responsables, à s’engager résolument dans des actions éthiques, favorables à
l’environnement.
Que dire en dernier lieu du grand
public ? Bien qu’il n’agisse pas de façon organisée, il se comporte
sur le marché en fonction de sa perception des produits et de leur fabricant. Le
jugement porté sur les marques par le consommateur influe immanquablement sur
ses décisions d'achat. Dès lors, il importe de se soucier de l'attitude du
grand public vis-à-vis de l'entreprise, de s'employer à améliorer son image de
marque. C’est l’objectif poursuivi par les relations publiques. L’enquête
qui a été effectuée en 2008 auprès de 100 entreprises marocaines (tous secteurs
confondus) portait sur le sujet : 36 % des répondants ont cité les relations
publiques parmi leurs principaux outils de communication. (7)
Il n’y a pas longtemps, les dirigeants
de l’ONA voulaient savoir comment le groupe était perçu sur la place publique. Une
enquête a été réalisée auprès des analystes financiers, des étudiants et de la
presse. Les enquêteurs ont été surpris d'apprendre que le groupe « n'est
pas très transparent et communique mal », qu’il est perçu comme une entité
« néo-makhzenienne ». Une telle image ne saurait bien sûr servir
les ambitions internationales de ce mastodonte. (8) Lydec, soucieuse
de son image, a lancé dans le passé plusieurs campagnes de communication grand public dans le
but de sensibiliser les citoyens aux activités de l'entreprise et à son
fonctionnement. Les messages didactiques et sketches diffusés à la télévision,
ainsi que les émissions radio ont été axés sur la consommation d'eau et
d'électricité, le mode de facturation et d'encaissement, la tarification et la
taxe d'assainissement.
Thami
BOUHMOUCH
Décembre
2013
_________________________________
(3)
Cf. revue Economie & Entreprises,
novembre 2000.
(7)
Cf. www.supracom.ma/ (publication : 17/09/08).
(8)
Cf. Economie &
Entreprises, mai 2001.
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