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18 janvier 2014

UN SYSTÈME DÉNOMMÉ MARCHÉ



 « Un système est un ensemble de choses qui se tiennent ». Le Littré


Au long des 9 articles précédents, nous avons vu que le marketing baigne dans un environnement spécifique, que le marché est un compromis entre nombre d'intervenants et de publics. En toute rigueur, c’est un assemblage dont les composantes sont en interrelation et dont l’équilibre général dépend de chacune d’elles. Autant dire que l'entreprise se trouve insérée dans un système… C’est ce qu’il convient d’examiner dans ce papier.

Essayons d’emblée de cerner la notion de système. Dans un sens très général, c’est un ensemble d’éléments en interaction dynamique. Ces éléments entretiennent des relations de dépendance et de cause à effet. Ils sont coordonnés de telle sorte que l’ensemble forme une unité. Comme l’explique à juste titre Bertalanffy, « un système est un ensemble d’éléments identifiables, interdépendants, c’est-à-dire liés entre eux par des relations telles que, si l’une d’elles est modifiée, les autres le sont aussi et par conséquent tout l’ensemble du système est modifié, transformé ». (1) C’est bien sur ces aspects qu’il faudrait mettre fortement l’accent.

Des intervenants en interaction dynamique
Au regard d’une organisation, le marché apparaît comme un système d’interactions entre des acteurs (individus, entreprises, institutions) susceptibles d’exercer une influence sur son activité, en particulier sur les ventes de ses produits. La conception du marché dans cette optique est fondamentale dans toute réflexion stratégique. Elle permet de mieux appréhender les motivations et les actions des intervenants importants qui composent ce marché ainsi que les rapports de force entre eux.
A y regarder de près, l’analyse du marché peut s’effectuer sous trois angles distincts : celui des actions réciproques des acteurs en présence (producteurs, distributeurs, clients…) et leur impact sur le champ d’activité commerciale, celui de la position particulière de l’entreprise par rapport à ses concurrents et enfin celui de l’environnement global dans lequel évoluent les uns et les autres. Modifier l'un des éléments, c'est modifier le rôle et le poids de chacun d’eux dans le système. Toute variation de l'un a des répercussions sur les autres. Si une entreprise quitte le marché (abandon ou faillite), le jeu concurrentiel sera tout autre. Si tel producteur décide de modifier ses prix, les consommateurs adopteront un comportement différent. Si la demande fléchit, le ralentissement du rythme des ventes influera sur celui des approvisionnements – donc sur l’activité des fournisseurs. Suivant l'évolution du mode de consommation, l'appareil de distribution pourra changer de forme et de procédures (ou vice versa), etc.  


Éclairons tout cela par des exemples concrets, parmi les plus significatifs.
Il y a trente ans, lorsque la margarine de table s'était introduite dans les habitudes du consommateur marocain, la part qu’elle détenait sur le marché s’était mise à augmenter au détriment de celle du beurre.
A Casablanca, les épiciers et les commerçants traditionnels (notamment ceux de Derb Omar) ont longtemps joué un rôle majeur dans le ravitaillement des ménages. Or, l'arrivée de l’hypermarché Marjane (en 1990) a réussi à bousculer ce mode de consommation, déjà bien enraciné dans notre culture ; elle a en outre favorisé la croissance des PME-PMI partenaires du groupe. De manière générale, lorsque les grandes surfaces, fortes de leurs centrales d'achat, font pression sur les prix, elles influent négativement sur la marge de rentabilité de leurs fournisseurs.
Jusqu'en 1997, le créneau des chaussures haut de gamme pour enfants en bas âge, était pratiquement la chasse gardée du géant Au Derby, notamment avec la marque Babybotte. L'arrivée du concurrent Minibel, a considérablement modifié la donne… De même, sur le marché du fromage fondu, la société Sialim (La vache qui rit, Kiri) bénéficiait d'un quasi-monopole. Mais des concurrents étant apparus dès 1993, il a bien fallu revoir les stratégies et moyens d’actions.
Enfin, lorsque les destinations phares de la zone MENA comme la Turquie, l'Egypte, la Tunisie enregistrent une régression des arrivées de touristes, en raison de mauvaises circonstances (guerre, attentats, tremblement de terre...), les pays concurrents comme le Maroc en bénéficient.
On s’aperçoit ainsi que non seulement le marché est composé de différents agents qui interagissent, mais que les rapports de force entre eux peuvent le modifier. C’est à coup sûr un système évolutif.

Le micro-environnement est-il contrôlable ?
L’arrivée d’un concurrent entraîne presque inévitablement une réduction du chiffre d'affaires des opérateurs existants. L'implantation d'un nouveau magasin perturbe la zone de chalandise, détourne une partie de la clientèle et peut même menacer les commerces similaires des zones avoisinantes. L'entreprise est-elle vouée à subir des perturbations pouvant affecter son action et sa position ?
On peut dire qu’a priori l'environnement est incontrôlable… En fait, il est possible de maîtriser l’une ou l’autre de ses composantes : 1/ si l’on dispose d’une capacité de réaction efficiente, 2/ si l’on parvient à anticiper l’évolution des événements, 3/ si l’on est en mesure d’exercer des pressions sur les décideurs.  
1- Le moins que le dirigeant puisse faire est de réagir à temps et en souplesse aux changements survenus sur le marché, afin de ne pas les subir. « La réactivité se définit d’une manière générale comme la capacité de présenter une modification en réponse à une action extérieure. […] L’entreprise essayera de réagir le plus vite possible, avec le meilleur résultat possible. Elle devra donc posséder un système organisationnel qui lui permettra d’être flexible. La flexibilité se définit comme la capacité intrinsèque de l’organisation à réagir et à s’adapter à l’environnement ». (2)
2- La situation de l'entreprise serait plus favorable et son action plus radicale si ses dirigeants sont à même d’anticiper les déséquilibres et les mutations. Anticiper, c’est prévoir les changements éventuels (technologie, économie, institutions, besoins…) et s’y préparer par avance. Une stratégie proactive assure une maîtrise conséquente de l’environnement grâce à la mise en place d'un système d'information efficace et efficient. Au Maroc, il y a peu, suite à l’accord avec l’Union Européenne, l’échéance 2012 et l’obligation du démantèlement tarifaire s’étaient imposées au monde des affaires. Les entreprises performantes avaient dès lors anticipé l'événement et s’étaient préparées à temps.

3- Parallèlement aux efforts de vigilance, l'entreprise a la possibilité d’influer sur le macro-environnement, (3) notamment sur le paysage économique et les institutions, par le  biais des associations et du lobbying. On sait que le secteur agricole au Maroc a longtemps bénéficié de l’exonération fiscale qui lui a été accordée en 1984. Or, l’expiration d’un tel avantage qui était prévue pour décembre 1999 a été reportée à décembre 2009, puis à décembre 2013. A chaque fois, le lobby agraire demandait une prolongation. Aujourd’hui, il propose de renvoyer l’échéance à 2020.
N’oublions pas, au surplus, le moyen de contrôle particulier dont disposent les industriels, lequel consiste à investir massivement dans les capacités techniques, de manière à créer une barrière à l’entrée très difficile à franchir et ainsi à bâtir une position dominante dans le secteur.
Ainsi, face aux mutations et déséquilibres externes, l’entreprise n’est nullement passive. Elle est en mesure d’exercer un certain contrôle sur les divers intervenants qui gravitent autour d’elle. Elle est amenée à agir en réponse à leurs décisions et actions, à contrebalancer l’impact des perturbations. Il n’y a pas longtemps, pour lutter contre la suprématie de Coca-cola, le groupe Pepsi-Cola a choisi d'accentuer son développement dans des pays comme l'Inde et l'Indonésie, où son adversaire n'avait pas encore de position dominante. Lorsqu’en 2007 la marque Wana s’est introduite sur le marché marocain de la téléphonie mobile, des clients ont été perdus pour les deux opérateurs présents. Les ripostes n’ont pas tardé : Maroc Telecom a lancé le produit « Mobisud » et a baissé ses tarifs de téléphonie publique. Meditel a lancé le produit « forsa » (gratuité entre mobiles clients) et a augmenté les marges des distributeurs (pour les retenir).
Chaque fois que des modifications apparaissent dans l’environnement, le comportement du consommateur se modifie et le marketing est tenu d’agir. En un mot : la fonction marketing exerce son influence, en plus des publics internes, sur les fournisseurs, les intermédiaires, les concurrents, les consommateurs et les publics externes.

Thami BOUHMOUCH
Janvier 2014
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(1) L. Von Bertalanffy, La Théorie générale des systèmes (1968), http://www.approche-systemique.com/definition-systeme/
(3) Cf. mon article Le marketing dans son environnement : contraintes et incidences,    http://bouhmouch.blogspot.com/2013/07/le-marketing-dans-son-environnement.html




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