Les organisations, nous l’avons vu, évoluent dans un macro-environnement ou environnement global.
(1) Elles interviennent dans un cadre très vaste, multiforme
et instable, composé de
forces sociétales qui affectent de façon continue leur activité et leur
existence. Il s'agit des grands courants d'évolution de la société. Un dirigeant
de Domino's Pizza disait, au moment de l’implantation de la franchise à
Casablanca : « L'idée de s'implanter au Maroc n'est pas fortuite. Les
conditions sont favorables, à savoir la stabilité politique, l'amélioration du
pouvoir d'achat et la croissance de la classe moyenne ». (2)
Loin d’être isolées du monde
extérieur, les entreprises sont en relation avec un environnement économique, socioculturel,
technologique, institutionnel, démographique et naturel. Toutes ces variables sont difficilement
dissociables dans la réalité vécue. Au Maroc, les activités liées au
tourisme ne sont pas à l'abri d’une crise : qu’un sentiment d'insécurité naisse
d’un attentat et le secteur d’accuser des dizaines de milliers d’annulations de
voyages de touristes étrangers. On peut dire autant du transport aérien.
Les contraintes externes, sur
lesquelles le dirigeant a priori n'exerce pas de contrôle, influent sur
la demande et l'offre. Elles affectent la vie des organisations comme elles
pèsent sur tout le micro-environnement. Elles modifient les règles du jeu et
sont à la fois porteuses d'opportunités et de menaces. Une menace peut
se manifester à tout moment, surgir de tout secteur, de n'importe quelle partie
du globe. De nouveaux marchés apparaissent, tandis que d'autres dépérissent. La
maîtrise de l'interaction de l'entreprise avec son environnement est l'un des
problèmes les plus récurrents, les plus déterminants. Le responsable marketing doit
être capable de détecter tous les faits susceptibles de justifier une
modification des décisions qu’il prend.
Compter avec le pouvoir d'achat
L'environnement économique est à
l'entrepreneur ce que la météorologie est à l'agriculteur : décisif et
incontrôlable. Les producteurs marocains de bananes et de thé, par exemple,
habitués jadis à un contexte de protection totale, pouvaient-ils prévoir les
mesures de libéralisation des importations adoptées ? La levée progressive
de la protection douanière n’a-t-elle pas eu pour effet une perte conséquente
de la compétitivité, n’a-t-elle pas conduit les entreprises à redéfinir leurs
orientations et priorités ?
La variable économique, vu son
impact certain sur l’activité de production et de consommation, influe
durablement sur la stratégie marketing. On ne peut se contenter d'additionner
des individus sans tenir compte de leurs potentialités de consommation, de leur
importance dans le circuit économique. Ainsi, un marché se définit en premier
lieu par le pouvoir d'achat des
consommateurs ; l’activité commerciale connait à coup sûr une contraction lorsque
celui-ci diminue. Or le pouvoir d'achat est fonction du niveau des revenus, de la
capacité d'épargne, de l’accès au crédit, du taux d’intérêt… Ce qui oblige à
s’intéresser constamment à ces paramètres.
Les dirigeants se préoccupent du niveau
des revenus des ménages lorsqu'ils tentent d'évaluer le potentiel du
marché. Une telle appréciation ne prend toute sa signification que lorsqu'elle
est considérée en termes de pouvoir d'achat, c’est-à-dire en tenant compte de l'évolution des prix. Il
est clair que la régression des revenus réels, sur fond d’inégalités très
accentuées, a un impact direct sur la demande globale et donc sur le volume de
production.
Au Maroc, on le sait, la
distribution des revenus est très inégalitaire : 80% des ménages ont un
revenu mensuel inférieur à 6.650 dh, dont moins de 5.160 dh en milieu rural et
moins de 7.700 dh en milieu urbain. Plus pertinemment, compte tenu des disparités
importantes, le revenu médian n’est que de 3.500 dh environ et les 20% des ménages les plus
démunis se partagent 5,4% de la masse totale des revenus. (3) On
comprend bien pourquoi la consommation de
médicaments est limitée (4 % des dépenses des ménages), que l'eau
minérale en bouteille reste un produit de luxe (en moyenne 4,5 litres sont
consommés par an, contre 11,5 litres en Tunisie).
Le principal concurrent sur le
marché, pour reprendre l’expression imagée d’un professionnel, reste le pouvoir
d'achat. Mais ce n'est pas parce que le consommateur ne peut pas tout à fait
s'offrir un produit qu'il faut l'ignorer. Au contraire, les producteurs sont
amenés à concevoir leur action marketing en tenant compte de la faiblesse des
revenus. A Casablanca, telle salle de sport fixe ses prix à 5.500 dh par an
mais aussi à 500 dh par mois. Lorsque la marque Triumph International (lingerie
féminine) s’est installée au Maroc, elle devait adapter ses prix à une
population au pouvoir d'achat relativement faible (sans pour autant négliger le
haut de gamme). De même, les multinationales Unilever et Procter
& Gamble ont adapté très tôt leurs produits aux catégories à revenu limité.
C'est ainsi qu’ont été introduits les petits paquets de lessive et le
shampooing à dose unique.
Les dépenses de consommation dépendent
également de l’accès au crédit. Le crédit à la consommation, distribué dans de bonnes conditions,
aide à soutenir la demande et donc la croissance des entreprises. De nos jours,
le recours au crédit par les ménages marocains s’accroît à un rythme soutenu. Banques
et sociétés ne cessent d'innover et de multiplier les formules. Acheter une
voiture, équiper une cuisine, s'offrir des vacances... tout est accessible à la
faveur des diverses offres proposées. Le secteur de l'électroménager, grâce à cela, est en pleine effervescence. Lors
de la rentrée scolaire les sociétés de crédit
offrent des produits « spécial rentrée scolaire » ou se
limitent à améliorer les modalités du crédit personnel. Même le voyage à crédit
est possible : plusieurs packages sont offerts pour des destinations très
variées (depuis 1998, par S'Tours, Travel/Eqdom, RAM, Carlson Wagon-lit…).
Les aléas économiques
Outre le pouvoir d’achat, plusieurs
variables économiques ont un impact certain sur le marché, comme la conjoncture
générale et sectorielle, le niveau de l'emploi, les taux d'intérêt, les
fluctuations des monnaies, l’évolution des dépenses publiques, le poids de la
fiscalité, la politique douanière… Au Maroc, chaque Loi de finances apporte son
lot de taxes et d'impôts, ce qui ne manque pas bien sûr d’influer sur la
compétitivité des entreprises. Sony, il y a quinze ans, a pris directement en
main la distribution de ses produits en créant une filiale sur place – une décision
due essentiellement à l'ouverture du marché et au taux faible d'équipement des
ménages. Le commerce électronique ne pouvait trouver de terrain favorable à son
développement, tant que le pays était confronté au problème de convertibilité du dirham (en plus du faible
pouvoir d'achat).
L'économie marocaine est une
économie d'endettement (financement presque exclusif auprès des banques). Les
entreprises, en particulier les PME/PMI, sont très sensibles aux coûts des
ressources financières. Leur compétitivité
est incontestablement grevée par le niveau des taux débiteurs. Il suffit qu'une
baisse d'un point de base du TEG soit décrétée par Bank Al Maghrib pour
que la rentabilité de la plupart d’entre elles soit compromise.
Mais les taux d'intérêt ne sont pas
les seuls freins à l'investissement. Celui-ci est davantage tributaire des
procédures administratives, d'un environnement de confiance, de transparence et
de visibilité économique. A cela il faut ajouter la lourdeur de la facture d’énergie
(jusqu'à 30% des coûts de fabrication) : elle réduit la compétitivité et apparaît
comme un facteur fortement pénalisant.
Les composantes de l'environnement
économique, notons-le enfin, prennent de plus en plus une dimension internationale. Compte tenu de la
structure des échanges commerciaux du Maroc avec l'ensemble européen, l'introduction
de l'euro (en 2002) a offert aux
entreprises des opportunités réelles, sans être exempte de risques. Dans un
contexte de globalisation, les positions de monopole sont attaquées et les
marges s'érodent. Ce mouvement a malgré tout un coté positif : l'obligation
pour les entreprises de se mettre à niveau. Les exportateurs marocains, particulièrement
dans les secteurs du textile, des hautes technologies, de la pêche et du
tourisme, comptent néanmoins sur le soutien de l’Etat, en donnant comme
argument les liens entre la croissance économique et la demande externe.
Ainsi le monde des affaires tient
compte des aléas économiques, subit le contrecoup des décisions de politique
économique… Est-il possible alors de décider, de planifier sans information ? Toute
décision, surtout stratégique, doit être précédée d'une collecte de données
fiables et pertinentes. Décider c'est transformer l'information en actions.
Thami
BOUHMOUCH
Février
2014
___________________________________
(1)
Cf. article précédent : « Le marketing dans son environnement :
contraintes et incidences »
http://bouhmouch.blogspot.com/2013/07/le-marketing-dans-son-environnement.html
(2) Cf. revue Economie &
Entreprises, janvier 2001.
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