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24 février 2014

LE MARKETING, POUSSÉ PAR LA TECHNOLOGIE



L'entreprise – lieu de créativité par excellence – ne saurait attendre que le consommateur potentiel s’exprime, pour ensuite répondre à ses désirs. Centrer l’attention sur les produits demandés par le marché au détriment de produits suscités par la technologie comporte un risque mortel, celui de bloquer l’élan d’innovation. Certes, les managers sont constamment à l’écoute du marché et y puisent leurs idées, mais tout le mérite du travail accompli revient aux efforts d’imagination et de créativité. (1)
De nos jours, le progrès technique a une influence grandissante et sa courbe s'élève presque verticalement. A l’échelle du monde, l’intensification des échanges, la circulation instantanée de l’information et la rapidité de diffusion de la culture technologique font que les entreprises vivent sous une pression concurrentielle sans précédent. L’innovation – tangible et intangible – n’est plus l’exception mais la norme. Elle est devenue la forme moderne de la compétition, prend une allure industrielle, devient l'élément clé de la puissance économique. Au Maroc, 9,3 millions de cartes bancaires ont été mises en circulation en 2012, soit 16 % de plus qu’en 2011. C’est presque 20 fois plus qu’en 2000, année où leur nombre n’excédait pas 500.000. (2)  Une entreprise comme 3M réalise quelque 30 % de son chiffre d'affaires avec des produits lancés au cours des deux ou trois années précédentes.
La création scientifique et technique génère en permanence des opportunités commerciales, crée de nouveaux marchés, remet en question les positions acquises. Les nouvelles idées peuvent améliorer la position d'une organisation face à ses concurrents, sonner le glas d'une industrie tout entière au profit d'une autre. Les retournements du marché provoqués par les avancées techniques sont imprévisibles et parfois brutaux. Toute entreprise qui se laisse dépasser aujourd'hui risque de le payer lourdement demain en termes de compétitivité. Il est vrai que les industries ne sont pas touchées de la même façon et au même degré par le développement technologique. Dans certains secteurs, comme la micro-informatique et l’audiovisuel, les innovations envahissent constamment le marché. Les biotechnologies, l'électronique, la monétique, la robotique et les matériaux nouveaux ouvrent des perspectives de plus en plus grandes.

Le temps de la Net économie
De la naissance des microprocesseurs en 1971 au lancement des smartphones il y a sept ans, en passant par l’accès public à Internet en 1991, le progrès technologique s’accélère à un rythme vertigineux. Il a fallu attendre trente ans pour que la radio atteigne 50 millions d'utilisateurs dans le monde, treize ans pour la télévision, mais seulement quatre ans pour le web.
Autant il faut se garder d’attendre des miracles d’Internet, autant il serait dangereux de s'en priver. Il permet à l’organisation d’être repérée par ses futurs clients et partenaires, de donner une image d'elle-même par une extension prodigieuse de son champ de communication. Au Maroc, il y eut une époque où les sites web étaient considérés comme des « gadgets marketing » (le site de l'ONA n'a été créé qu'en 2000). De nos jours, la plupart des entreprises se sont adaptées par force à la nouvelle réalité : 48 % d’entre elles disposaient d'un site Internet en 2010, contre 40 % en 2009. Le développement du e-commerce est en train de s’affermir, sachant que la proportion des entreprises achetant sur internet est passée de 5 à 17 %, que la part de celles vendant en ligne est passée de 6 à 11 %. (3) Internet, en plus de l’achat et la vente, est utilisé pour la veille technologique et le benchmarking. Il permet de recueillir l’information dont on a besoin, au moment où on en a besoin.
La pratique de l'achat en ligne se démocratise progressivement. Les autorités publiques ont entrepris de « renforcer la confiance des citoyens dans le commerce électronique par la mise en place d’un label des sites marchands en partenariat avec les fédérations et la CGEM ». (4) Depuis 2002, le Comptoir de l'Electroménager, propose à ses clients de passer leurs commandes par e-mail. Bien avant cette date, la RAM a commencé à commercialiser ses billets sur son site web. L'assurance s’est aussi mise à l'heure du Net : le site de RMA par exemple vise à faire connaître la compagnie et vulgariser ses produits auprès du grand public ; il propose des conseils pratiques et des simulations personnalisées.
Ce sont les banques qui ont en particulier découvert les vertus du Web en tant qu'instrument de travail. Crédit du Maroc, BMCI, BCM (avant sa fusion avec Wafabank) et CIH ont, dès l’an 2000, lancé leur banque on-line ou « home banking » en proposant les services les plus courants (informations, ouverture de compte, ordres de virement, simulation de prêt, conclusion de contrat de crédit, souscription aux SICAV, ordres de bourse). Une telle évolution, notons-le, n'empêche pas de maintenir les services « traditionnels », car nombre de clients préfèreront toujours s'adresser au guichet plutôt qu'à une machine. (5)
Attention : le fait d’avoir accès à Internet, de disposer d'un site web ne signifie pas obligatoirement qu'on ait intégré cette technologie dans sa gestion. Quel est l’intérêt véritable du Net s’il est réservé à la direction générale et à une poignée de cadres ? De plus, ses atouts ne sauraient se limiter à la messagerie et à la collecte d’information ; pour qu’Internet devienne un vecteur porteur de richesse, les nouveaux métiers, tels le e-commerce et la e-publicité, doivent se développer davantage en s’appuyant sur un plus grand nombre d'internautes.

L'obsolescence des produits s’accélère
L'évolution de la technologie entraîne une accélération de l'obsolescence des produits. Ceux-ci sont remis en cause de plus en plus rapidement ; ils deviennent périmés du fait des évolutions techniques et non par usure matérielle. Le producteur est condamné à faire évoluer son offre en permanence. Il doit sans arrêt trouver les fonds nécessaires au financement du remplacement ou de l'amélioration de ses produits. La technologie provoque une « destruction créatrice », en ce sens que le nouveau produit tend à chasser l'ancien. Le n°1 mondial du drapeau disait : « Quelque part dans le monde, quelqu’un travaille déjà à préparer le produit qui tuera le mien demain ». (6) L'innovation implique ainsi une perturbation du paysage commercial ; elle peut engendrer une activité nouvelle aux dépens d'une autre, créer un nouveau marché en supprimant (ou menaçant) un autre.  
Eclairons cela par quelques exemples. En plomberie, le PVC a depuis longtemps remplacé le plomb et l'acier galvanisé. Le détergent en poudre s'est substitué au savon. L'apparition des micro-ordinateurs et des logiciels de traitement de textes a révolutionné le travail de secrétariat en éliminant les machines à écrire. La photocopie a tué le papier carbone. Le courrier électronique, infiniment moins coûteux, est un redoutable concurrent pour le téléphone et le fax. Le GSM a en partie supplanté le téléphone fixe. La clé USB et le disque DVD ont chassé respectivement la disquette et la cassette vidéo. Les encyclopédies électroniques ont largement concurrencées les encyclopédies sur papier et sur CD-Rom. Le moteur électrique finira un jour par évincer le moteur thermique (dès qu'on saura stocker suffisamment d'électricité)...
De fait, l’innovation de rupture est inévitable. Il n’est pas question de se retrouver dans la situation de ces constructeurs de diligences qui continuaient jadis à peaufiner leur produit sans voir arriver l’automobile qui allait les tuer.


L'innovation attire
Dans une grande surface, un habitué d’une marque donnée découvre une autre sur le rayon : il l'achète… pour « voir ». La nouveauté attire : elle agit sur le consommateur, le détourne de ses préférences actuelles, introduit une rupture dans ses habitudes. Un produit nouveau est en lui-même un moyen de communication. La réceptivité du marché est particulièrement vive aux nouveaux concepts. « Nouvelle formule », « plus rapide », « plus résistant », « sans parabène »… tels sont entre autres les termes utilisés dans les annonces publicitaires ou sur les étiquettes pour provoquer le changement d'allégeance. S’agissant des produits cosmétiques, les femmes sont fascinées par la nouveauté, veulent toujours le dernier article à la mode.
Les changements techniques introduits par les uns sont à la fois une menace et une source de développement pour les autres : ils incitent à pratiquer une politique d'innovation intense, à avancer en continu. Les défis sont non seulement techniques mais aussi commerciaux : il faut être en état d’innover, tout en collant aux attentes. Il s’agit à chaque fois de créer les conditions d'un marché solvable. La survie d'une organisation dépend très souvent de la vitesse à laquelle elle réagit aux changements. Il importe alors de mettre en place une veille technologique permanente, de garder un œil sur les concurrents, de déceler et suivre les nouveautés. N’oublions pas que l'horizon technologique a un sens très large, car l'innovation peut provenir d'un secteur éloigné du notre. (7)
L’aptitude à innover suppose la mise en place d’une structure de recherche. On se doit de faire de la R/D un outil de gestion, d’y consacrer des budgets substantiels. Nokia, Bayer et 3M consacrent entre 6 et 8 % de leur chiffre d'affaires annuel aux activités de recherche. Non seulement le processus d’innovation doit être orientée vers le marché, mais il doit trouver un bon écho auprès de tous les employés, dans tous les services. Pour cela, les structures ne doivent pas être pesantes, bloquer les initiatives. Chacun doit pouvoir chercher et trouver. Qui plus est, l’innovation peut provoquer des remises en cause et même des conflits internes. Le personnel vit souvent un dilemme entre la sécurité et la création. Les méthodes d’hier façonnent les esprits, deviennent des habitudes confortables (routine). Elles peuvent s’opposer aux attentes de la clientèle, lesquelles évoluent.
Récapitulons : les organisations évoluent dans un macro-environnement, dont la technologie constitue une composante de poids. Celle-ci, influant sur la demande et l'offre, est à même de modifier les règles du jeu sur le marché. Elle doit donc être surveillée en permanence, au même titre que les autres composantes.

Thami BOUHMOUCH
Février 2014
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(1) Cf. l’article : « L'Innovation, une réponse aux besoins latents » http://bouhmouch.blogspot.com/2011/04/linnovation-12-une-reponse-aux-besoins.html
(4) Cf. Plan Maroc Numéric 2013 : http://www.egov.ma/Documents/Maroc%20Numeric%202013.pdf
(5) Ils se trompent ceux qui pensent hâtivement que la banque électronique sera la banque de demain. Le home banking reste un produit très élitiste et peu rentable, vu qu’à l’heure actuelle le marché marocain n’est pas assez bancarisé et le parc informatique encore insuffisant.
(6) L. Doublet, cité par B. Prouvost, « Innover dans l'entreprise, les clés pour agir », Dunod 1990.
(7) Cf. l’article : « Ces concurrents indirects qu’on gagne à connaître » http://bouhmouch.blogspot.com/2013/10/ces-concurrents-indirects-quon-gagne.html  

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