Série : Compréhension du consommateur
Les humains sont
des êtres sociaux et en tant que tels aspirent à faire partie de groupes, à les
imiter, à obtenir leur approbation. Leurs comportements sont plus ou moins déterminés
– même en l'absence de contacts directs les uns avec les autres. L'acte d'achat
est indubitablement influencé par les relations interpersonnelles.
La fonction normative
du groupe
Le groupe de
référence est un ensemble de personnes exerçant – à un moment donné – une
influence positive ou négative, directe ou indirecte sur les valeurs, les
attitudes et le comportement d'un individu. Il influe sur son mode de vie et
l'image qu'il se fait de lui-même. Ce sont les personnes auxquelles le
consommateur se réfère pour former ses opinions/jugements ou guider son action.
Les consommateurs
se déterminent dans leurs achats en fonction de leur entourage. Ils désirent
acheter certains produits simplement parce que d'autres les achètent. Un
étudiant, baignant dans un milieu estudiantin, porte souvent un veston et un
blue-jeans. Plus tard, dans sa vie professionnelle, il portera un costume et
une cravate conformément au code qui prédomine dans l'univers des cadres
d'entreprise. Il sera amené à acquérir le standing social de sa nouvelle position.
Même les enfants de dix ans sont influencés par les camarades de l'école.
Le groupe de référence
influe sur l’acte d’achat à la fois en tant que source de connaissances
(influence informative) et en tant que modèle (influence
comparative). Pour être accepté dans le groupe ou pouvoir s'y identifier,
l'individu doit se conformer à des règles de conduite déterminées. L’influence
peut porter sur l’utilisation d'un produit, le choix d'une marque ou d’un
modèle, la fréquentation d'un point de vente, etc. Ainsi, l'achat d'un bien
revêt, en plus de l'intention de satisfaire un besoin auquel il est
« objectivement » destiné, la volonté d'affirmer une identité
similaire à une référence donnée. C’est ce qui explique l’uniformisation
vestimentaire grimpante que nous observons aujourd’hui auprès des jeunes
de 15 à 24 ans.
Typologie des
groupes
On distingue 2
catégories de groupes :
1 - Les groupes
de pairs, dont l'individu fait partie consciemment ou
inconsciemment, volontairement ou involontairement.
On peut les diviser
en deux types : d’une part, les groupes primaires, tels les amis, les camarades d'école, les collègues de
travail, les voisins ; d’autre part, les groupes secondaires, tels les membres d'associations, de partis politiques, de clubs.
« L’intensité
des interactions au sein des groupes primaires et secondaires leur donne
incontestablement un rôle privilégié. Ces groupes sont en effet à la base de la
vie sociale de l’individu ». (1) Tel individu voudra un
jour s’acheter un micro-ordinateur pour un usage domestique ; ses
collègues de bureau vont sans soute le conseiller et l'orienter dans son choix.
Dans un quartier de Philadelphie aux Etats-Unis, une étude sur la diffusion des
climatiseurs a montré que les achats étaient concentrés dans certains blocs
d'habitation. Cela est dû au fait que « le groupe des voisins de celui
qui faisait le premier l'acquisition se trouvait amené à l'imiter ». (2)
2 - Les groupes auxquels
l'individu n'appartient pas, mais auxquels il souhaiterait ou détesterait
appartenir, pour lesquels il éprouve de l'attirance/admiration ou de la
répulsion. Ces groupes peuvent déterminer positivement ou négativement son
comportement.
De là, on distingue
:
-- Les groupes
d'aspiration, dont les attitudes et normes
de conduite sont approuvées et imitées. Il en est ainsi des champions sportifs,
des vedettes de cinéma, parfois curieusement d’une communauté étrangère particulière
(observée ou idéalisée). On sait qu’au Maroc, de nombreuses familles se mettent
par simple mimétisme à acheter pour leurs enfants des figurines de « père
Noël » en plastique. Dans bien des cas, la publicité (spots, affiches ou
prospectus)
montre un Européen (ou un blond), c’est-à-dire un personnage typique appartenant
au
groupe sur lequel la cible calque machinalement ses jugements.
Des blondes aux
yeux bleus ont été ainsi mises en avant dans le spot de l’huile Huilor, dans le
message du shampooing Nivéa, sur l'affiche de la cité balnéaire Bouznika Bay,
celle de Palmeraie Golf Palace de Marrakech et celle des centres de
thalassothérapie à Casablanca. Il en est également de la grand-mère typiquement
européenne des climatiseurs Singer, des étudiants européens sur les
affiches des écoles privées de gestion, de la petite fille blonde dans
l'annonce d’Arthur Martin Electrolux, etc.
-- A l’opposé, il y
a les groupes de rejet,
dont l’individu souhaite s’écarter, avec lesquels il marque son désaccord ou ne
ressent aucune affinité : les « vieux », les « voyous »,
un groupe ethnique ou communauté étrangère auxquels on ne veut pas être
associé. Telle personne snob évitera les manières et le langage des gens
« populaires », se sentira mal à l'aise dans les cafés et les
magasins fréquentés par eux. Par le passé, la marque japonaise Honda voulait
pénétrer le marché américain de motocyclettes. Elle s'était heurtée à la
perception négative de la moto – associée aux loubards et délinquants. En
Europe, où le racisme s’est banalisé, il ne sera pas question de recourir à des
personnages typiquement maghrébins dans un spot publicitaire.
Degré
d'influence
Notons que l'influence du
groupe de référence est, avant tout, plus ou moins prononcée (diffusion rapide) selon la proximité avec l'individu, selon
qu'il existe ou non une interaction directe entre les membres. Nous sommes évidemment
beaucoup plus proches des groupes primaires que des groupes secondaires et nous
sommes d’ordinaire plus influencés par les groupes de pairs que par les groupes
d’aspiration.
Dans tous les cas, le
degré d'influence du groupe est déterminé fortement par le caractère public ou
privé de la consommation. L’influence s'exerce en particulier ou tend à être élevée
lorsque le produit est visible socialement. Elle sera
d'autant plus importante que le produit a une signification sociale, donne lieu
à une consommation ostentatoire ou de standing. Certains produits ou marques
ont une valeur de signe importante, c'est-à-dire dont la consommation
montre que l'on revendique l'appartenance à un groupe déterminé. Le degré
d'influence est très élevé dans le cas de produits tels les vêtements, les
montres, les meubles, les parfums, les voitures, les cafés et restaurants, les
cigarettes, les destinations de vacances, etc. A l’inverse, il est faible ou
quasi-nul dans le cas d'un produit consommé en privé (de consommation
courante), tels le sucre, l'huile, les détergents...
« Une marque de montres de luxe présente dans ses campagnes
publicitaires des sportifs de haut niveau comme exemples de personnes qui
savent résister au stress, signalant ainsi subtilement le groupe de clients
ciblé. En achetant la marque en question, le consommateur s'approprie, consciemment
ou non, cette caractéristique ». (3) De fait, l'individu
tend à accorder plus d'intérêt à la valeur symbolique du produit qu'à ses caractéristiques
physiques. Le vêtement, au-delà du besoin de se protéger du froid,
constitue un moyen de montrer son appartenance au groupe. C'est le symbole
visible de ce que nous sommes ou désirons être, une réponse à un besoin
d'identité et d'appartenance.
La mode est un outil de
valorisation de l’individu. Elle est en même temps un moyen de communication et
un moyen d'adhésion (ou de rébellion) à un groupe d'individus. « Même
quand ils sont dans la purée, ils rêvent de vivre dans le gratin » (4).
Un constat que ne dément pas l'évolution du marché des glaces, notamment à
Casablanca. Il n’est que de voir l'insolente réussite de Häagen-Dazs et
de ses glaces de luxe, riches en crème fraîche.
Pour séduire la
cible, le discours publicitaire est axé sur la « réalisation de l'être ».
On se rappelle du message publicitaire de Mitsubishi : « si vous
voulez faire partie de l'élite gagnante, prenez le volant d'une Lancer ».
De même, celui de Ford : « Le plaisir pour vous, le regard pour les autres ! ». On retrouve la même idée dans le
slogan des montres et lunettes de soleil Ego : « Des
montres qui se voient, des lunettes qui se montrent ». La cible des 15-24 ans est
particulièrement exposée aux achats d'impulsion. Par souci de plaisir
(motivation hédoniste) et de statut, elle privilégie les marques emblématiques
à fort capital d'image. Nike, Adidas, Coca-Cola, Eastpak, Benetton, Mc Donald's, Mercuriale, Diesel, ou Levi’s
sont des marques désormais riches de sens.
Ces brèves
considérations montrent que le consommateur, loin d’être un individu isolé, vit
en interaction quasi-continue
avec d'autres individus. Il affiche publiquement un mode de vie
conforme au groupe auquel il appartient ou souhaite appartenir, choisit les
produits ou marques jugés acceptables par ce groupe.
Thami BOUHMOUCH
Juillet 2014
________________________________________
(1) Richard Ladwein, Le
comportement du consommateur et de l’acheteur, éd. Economica, p. 110.
(2) W. H. White, cité par J. Lendrevie
et D. Lindon, Mercator, Dalloz.
(3) B. Dubois et M. Vanhuele, Comportement du consommateur, http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/
(4) Alain Schifres, Les Parisiens, éd. Lattes.
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