Toute activité humaine organisée tend
à répondre à deux exigences essentielles et d'apparence contradictoires : la division
du travail prévu en diverses tâches et la coordination
de ces tâches en vue de l'accomplissement de ce travail. Or la nécessité de coordination
suppose et s'appuie sur un effort de communication.
L'entreprise est un réseau de
compétences et les salariés sont des acteurs. Pour atteindre les objectifs
fixés, l’entreprise doit naturellement mobiliser l'ensemble de son personnel. Cela
n’est possible que si on le tient informé des changements, que ce soit dans la
politique adoptée ou les projets de développement. « Pour devenir constant et fructueux, votre objectif stratégique doit
obséder toute l'entreprise. Pour instaurer délibérément cette obsession du haut
en bas de l'organisation, balisez clairement le cheminement vers les
différentes étapes pour l'atteindre. Ensuite, communiquez, communiquez et
communiquez encore ». (1)
L'entreprise parle ; elle parle à
l'extérieur et aussi à l'intérieur. Elle
adresse la parole à la fois aux consommateurs et à ses propres collaborateurs. Outre
qu'un sentiment de confiance doit être développé dans l'une et l'autre
direction, les discours ne doivent diverger en aucune manière. Imaginons une
entreprise faisant un éloge triomphal pour ses produits et son image de marque,
tandis que ses employés racontent des choses épouvantables sur les conditions
de travail à leur entourage. On ne peut d'ailleurs bien communiquer en externe
si on ne communique pas bien en interne.
Communication
interne, un outil capital
La communication interne est une des déclinaisons de la
communication d’entreprise, une composante d’un système global d’organisation
des flux d’information. C'est
désormais un outil de base sur lequel s'appuie le management, un outil capital
pour mobiliser les ressources humaines autour d'un projet fédérateur. De là, le
but ultime de la communication interne consiste à recueillir des informations,
puis à les diffuser pour permettre à l'organisation – en tant que construit humain
– d'exister et de progresser. Nous ne pouvons pas nous approprier ce que nous
ne comprenons pas. Le flux de messages n'a de sens que s'il donne lieu à des actions visibles, des résultats tangibles. En plus d'être régulier, il doit
être adapté et accessible en permanence. Une bonne diffusion d’informations à l’intérieur
est un moyen d’améliorer la cohésion du personnel et sa motivation. Elle
permet de développer le sens du collectif.
Il s'ensuit qu'au sein de la structure la démarche ne saurait être unilatérale. Les organisations tayloriennes, comme les organisations pyramidales, ne s'engagent pas à proprement parler dans un processus de communication. Il y a un émetteur qui transmet un message et un récepteur qui reçoit (ou pas) ce message. La hiérarchie se préoccupe peu des réactions, du problème de l'adhésion.
En revanche, les organisations en
réseau mettent l'accent sur le dialogue et l'écoute. Dans des dynamiques
de changement, « l’information, qui
est la matière première de la décision, n’est pas donnée mais elle est
construite ». (2) Il s'agit non seulement d'émettre un message, mais aussi
d'établir une relation collective entre les différents acteurs.
La relation traditionnelle de soumission au Makhzen est obsolète (c'est le
style imposé par l'ex-directeur de l'OCP). Il importe que les salariés aient
des points de référence en termes d'image, se rapportent à une culture partagée
plutôt qu'à un chef/staff péremptoire et absolu. La
diffusion d'informations concourt justement au renforcement de la culture
d’entreprise et du sentiment d’appartenance. Elle permet, si elle est bien
conçue, de décloisonner les services, de défaire les « territoires ».
Tout bien considéré, « la communication interne n'a
pas pour mission d'infantiliser, d'aliéner, de manipuler, de nourrir la
propagande, de servir la langue de bois. Elle met en place un langage commun en
organisant les relations entre l'individu et l'entreprise… Elle n'écarte pas de
son champ d'action les désaccords, les ruptures, les conflits et les crises,
sachant qu'il n'y a pas pire crise que la non-crise. Elle n'a pas pour
prétention de régler les conflits mais elle contribue à créer un climat où il
fait bon travailler ». (3)
Favoriser le feed-back
Au Maroc, pendant longtemps, la
règle d'or était de communiquer le moins possible, le plus tard possible et
seulement du haut vers le bas. Aujourd'hui, la fonction communication interne
commence à évoluer dans le schéma organisationnel. Dans la plupart des cas, il
est vrai, les dirigeants se contentent de placarder un avis ou une notification. Mais les plus
exigeants s'obligent à publier périodiquement un journal interne...
L'important toutefois n'est pas
qu'une telle publication soit imprimée sur papier glacé et en quadrichromie,
qu'elle félicite tel salarié pour la naissance de son bébé ou tel autre pour
son départ à la retraite (« après avoir donné le meilleur de lui-même
»). Le journal d'entreprise, loin d'être un gadget ou un hobby, peut jouer un
rôle considérable. Il porte avant tout sur l'entreprise et son fonctionnement ;
il contribue à expliquer la démarche générale adoptée, à vulgariser les
nouvelles valeurs, à renforcer l'adhésion
du personnel aux décisions et
projets de l'entreprise ; il peut comprendre une revue de presse. Grâce à
l'outil informatique désormais, le journal est disponible quotidiennement sur de
multiples écrans.
Divers
outils de communication sont possibles : à part le journal (ou revue) interne, il
y a les panneaux d’affichage, les notes de service, le réseau Intranet, l'e-mail…
Dans les PME,
où le dirigeant centralise les processus, le message est transmis aux collaborateurs,
la plupart du temps sans le souci de sa réception, encore moins de son impact. Dans
les grandes structures, en revanche, la « com interne » est soit un service
autonome, soit un département au sein de la direction de Communication. On y perçoit
une volonté d'adapter l’information véhiculée aux exigences du destinataire.
Chez Lydec à Casablanca, « une
fois par an, une écoute interne est réalisée par le département Etudes de la
direction Marketing pour évaluer la politique de communication interne dans sa
globalité, les supports d’information mis en place et identifier les attentes
des collaborateurs. Les résultats de ces enquêtes sont exploités et font
l’objet d’un plan d’action ». (4) C'est de cette manière que la
direction a appris notamment que l'information par voie d’affichage est la mieux
prisée par le personnel. (5)
Vu que les salariés sont tenus
d'appréhender les problèmes posés et de s'approprier les solutions envisagées
par le groupe, la langue de bois est absolument contre-indiquée. Si le souci
principal d'un périodique est de faire plaisir à la direction générale, quel
est son intérêt ? S'il se complait à faire l'éloge des décisions adoptées, s'il
passe sous silence les vrais problèmes, s'il fait l'impasse sur un conflit, ne perd-il
pas toute crédibilité ? A cet égard, nombre de cadres rencontrés réagissent
plutôt mal : « Dès que le journal [interne] arrive sur mon bureau, je
le mets à la poubelle. Les gens de la com interne nous prennent pour qui ? ».
Quel que soit donc le moyen adopté,
il est impératif de favoriser le feed-back. Ainsi, au-delà de la
transmission de l'information, l'idéal serait que le journal d'entreprise soit un forum d'écoute des suggestions
des collaborateurs... Les données doivent circuler de bonne grâce et dans tous
les azimuts. Là où règnent la rétention de l'information et l'étanchéité des
services, les antagonismes et l'inefficacité s'installent. A coup sûr, le
cloisonnement égocentrique désarticule et affaiblit l'organisation...
Encore faut-il avoir les facultés
intellectuelles requises pour l'instauration d'une bonne communication. Car,
dans un pays comme le Maroc, les meilleures dispositions se heurtent toujours à
l'obstacle du degré de scolarité. Le recours aux nouveaux outils est en vérité freiné
à la fois par le sous-équipement en matériel informatique et par l’analphabétisme
qui touche une partie du personnel (fabrication, livraison,
service-après-vente). L'employé qui ne sait
pas lire et qui n'a pas accès à l'ordinateur est à coup sûr marginalisé.
Un tel
handicap est une entrave considérable, vu que la culture d'entreprise requiert un niveau
d'abstraction plus élevé que celui nécessaire à l'assimilation des procédés techniques. Il y a vingt ans, H. Esmili abondait
dans ce sens : « Il existe un décalage entre la réalité linguistique et
culturelle de la masse des salariés d'une entreprise et l'image que cherchent à
donner de cette réalité les congrès et séminaires, les journaux internes, les
bulletins de liaison, les feuilles d'information, etc. ». (6)
Par cela même, l'idée prévaut que les réunions de groupe permettent une
meilleure mobilisation et sont beaucoup plus efficaces que l'élaboration d'un
périodique...
La meilleure communication ne dépend-elle
pas tout simplement du canal qui fonctionne le mieux ?
Thami
BOUHMOUCH
Septembre
2012
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(1)
R. Whiteley et D. Hessan, Les
avantages compétitifs de l'entreprise orientée clients, éd.
Maxima 1997.
(2)
Cf. http://www.bordeaux-conseil.com Je souligne.
(3)
Cf. www.manager-go.com
(4)
Bouchra Ghiati, directrice Communication de Lydec, http://www.entreprendre.ma/Communication-interne-La-surprise-de-la-voie-orale_a306.html
(5) Et ce n'est pas pour autant que l'atmosphère soit
idyllique : il n'est pas rare que la direction générale refuse de dialoguer
avec les représentants des employés.
(6)
Hassan
Esmili, Les enjeux linguistiques et culturels de l'entreprise, Revue
Marocaine de droit et d'économie du développement, n° 28 – 1992.
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