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13 juin 2011

S’INFORMER POUR PRENDRE DES RISQUES CALCULES



«Bien gérer une entreprise, c'est gérer son avenir ; gérer son avenir, c'est gérer son information.»   
M. Harper




La prise de décision est la caractéristique principale du dirigeant d’entreprise. Elle est déterminante pour toute organisation, car elle fonde son fonctionnement, son action et ses résultats. La décision est un choix délibéré entre plusieurs possibilités en fonction des objectifs fixés. Un tel choix suppose et s’appuie sur des informations (idéalement précises) portant sur la problématique examinée. Lorsque les décisions à prendre engagent l’avenir, on ne saurait se fonder sur les humeurs des managers, s’adonner aux paris sur l’inconnu, continuer à reproduire les démarches du passé... Certes, l’intuition, le flair peuvent émaner d’une longue pratique sur le terrain (on pourrait les assimiler à une information informelle)... mais on gagne à les confronter avec des données recueillies de manière méthodique et rigoureuse.
Les managers savent désormais à quoi s’en tenir : leur réflexion et leur action doivent être centrées sans réserve sur le consommateur. Il leur appartient de découvrir ses attentes, de les analyser, de les anticiper pour concevoir le produit approprié. D’ordinaire, l'entreprise qui ne se rallie pas à ce credo s'expose à de mauvaises surprises. C’est d’autant plus vrai que celle-ci ne vit pas en vase clos : elle est soumise aux influences inhérentes au milieu dans lequel elle évolue – des influences qui ne cessent de s'accentuer, au point parfois de déborder sur ses possibilités de réaction. Outre la concurrence, elle est en relation avec un environnement multiforme et instable. Il s’agit d’être en permanence à l’affût des changements, de tirer parti des opportunités qui se présentent, de réagir rapidement aux menaces pouvant provenir de divers intervenants.
Diverses questions se dégagent : quel bien produire ; à quel besoin répondra-t-il ; comment sera-t-il vendu ; comment intéresser et fidéliser le client ; quels sont les concurrents directs et indirects ?... Cela implique une recherche d’informations sur bien des paramètres : l’évolution de la consommation et styles de vie, les avancées technologiques, la conjoncture générale et sectorielle, les contraintes juridiques et réglementaires, etc.
Il y eut une époque où les manuels réduisaient l’entreprise à un système physico-technique… Sa fonction principale est certes de produire des biens ou des services, mais les intrants conventionnels (travail, produits bruts, outillages, énergie) ne sont pas les seules forces en jeu. L’information commerciale s'est affirmée progressivement comme une ressource incontournable. L’entreprise apparaît bel et bien comme un système ouvert, un système qui introduit des données pour les transformer en décisions et en actions. 

Les informations, où les trouver ?
Elles circulent d’abord au sein de l’entreprise. Les documents internes, dont l’importance est parfois sous-estimée, sont très utiles à la gestion commerciale. Ainsi les états comptables et financiers, les rapports et les études antérieures fournissent des données pertinentes sur les résultats obtenus, les flux de liquidité, le potentiel de l’entreprise et sa position par rapport au marché... Chacun sait que le commercial est un «capteur» d’informations essentiel : son évolution sur le terrain, le contact direct avec les prospects, les clients et/ou les distributeurs lui permet d’être en prise avec le marché et l'environnement (1). Le recours à de telles données évite parfois de payer pour obtenir des résultats équivalents.
Les sources externes sont multiples et de plus en plus variées. Il suffit d’évoquer les organismes publics (statistiques, documentation), les banques (bulletins, banques de données, séminaires), les CCIS (renseignements sur les secteurs d’activité, mise en relation d’affaires), les représentations commerciales auprès des ambassades, Internet en tant qu’outil de veille concurrentielle et technologique, etc. Il ne faut pas enfin perdre de vue l’intérêt des salons nationaux et internationaux : ils offrent la possibilité de contacter directement et en peu de temps un grand nombre de clients potentiels et de partenaires commerciaux, de se situer par rapport à la concurrence.
L’investigation documentaire, indubitablement utile, a cependant un caractère général et doit être d’ordinaire complétée par des données plus spécifiques, plus détaillées. Du reste, en l’absence de données disponibles sur des points ponctuels, l’entreprise est obligée de procéder à une collecte en propre. Il faut alors poser les bonnes questions, savoir à qui les poser, s’efforcer d’obtenir des réponses rapides et fiables. Divers intervenants, en plus de la force de vente, sont désormais impliqués dans l’écoute de la clientèle. Les points d’entrée de l’information se sont multipliés avec les services clients, les centres d’appels et les sites Internet.

L’information n’est pas une sinécure. Une fois collectée, elle doit être saisie, ordonnée et facilement accessible. Elle nécessite une gestion de bases de données, c'est-à-dire, au sens informatique du terme, un ensemble de données mémorisées par l'ordinateur. La base de données commerciale a pour but premier d’enregistrer les éléments les plus significatifs de la relation entre l'entreprise et le consommateur (prospect ou client).
La tâche toutefois n’est pas exempte de problèmes, en raison des difficultés d’accès, de traitement et de circulation des données. De nature composite, celles-ci peuvent manquer d’unité, être lacunaires ou même contradictoires. Les éléments susceptibles de justifier un changement majeur sont souvent perdus parmi d'autres. Toutes les données n'étant pas pertinentes, il est nécessaire de faire le tri. Une donnée n’est retenue que si elle a une probabilité suffisante de servir dans l'action commerciale. De plus, l'information étant une denrée périssable, les fichiers doivent être régulièrement mis à jour (grâce notamment aux remontées d’information des commerciaux et du service client) et purgés des données obsolètes. Il semble que 5 % des informations – sur la base d’un critère donné (par exemple l’adresse ou le  numéro de téléphone) – soient obsolètes en moyenne au bout d’un an (2).


On s’aperçoit vite que l’information comporte un coût – un coût qu’il importe d’assumer de façon responsable. Il s’agit de savoir comparer, proportionner coût et utilité de l’information en termes d’amélioration des décisions. Seule une telle confrontation – si on arrive à l’effectuer – permet l’appréciation rationnelle des dépenses consenties.
En Marketing, la réflexion a beaucoup progressé au cours de ces vingt dernières années. En matière de collecte et de traitement des informations, on dispose désormais de méthodes et d’outils relativement sophistiqués... Pour autant, l’investigation, l’analyse et le diagnostic ne sauraient prétendre à la précision des sciences exactes. Ils requièrent une certaine humilité et beaucoup de prudence : les données obtenues, redisons-le,  ne sont pas nécessairement fiables et peuvent même être contradictoires.

C'est ici le point majeur : dans les stratégies conflictuelles des firmes, la maîtrise de l’information constitue très souvent l’atout décisif. Il ne suffit pas de fabriquer de « bons » produits. Il faut être en mesure de parer les coups des adversaires en s’informant sur leurs pratiques, leurs forces et leurs faiblesses. Savoir obtenir l’information au bon endroit et au moment voulu, la transmettre à la bonne personne pour lui permettre de prendre la bonne décision, agir en conséquence et idéalement faire évoluer le champ d’action dans le bon sens : tel est le message fondamental du concept marketing.
Ce message conduit inévitablement à la notion d’intelligence marketing… C'est un mode de recherche tous azimuts de l'information, un processus permanent par lequel l'organisation vise à réduire son incertitude, en anticipant les ruptures. Après avoir géré les capitaux, les produits et les hommes, on se doit d'apprendre à gérer l'information. Aujourd’hui, on le sait, les défis sont nombreux : la compétition commerciale s’amplifie, la demande est de plus en plus difficile à anticiper et le savoir technologique suit sa courbe implacable. Dans ces conditions, il faut des acteurs responsables qui sachent accéder à l’information. Des acteurs qui se sentiront valorisés parce qu’on aura reconnu la valeur des connaissances qu’ils apportent.
Notons que l’information n’a aucun sens en elle-même. C’est le décideur, selon sa conception et les contraintes du moment, qui lui donne un sens. En somme, la valeur et la pertinence des données obtenues ne résident pas dans leur obtention mais dans leur interprétation.
Voilà pourquoi – au-delà de l’exigence de collecte et de sélection – l’organisation devra amener les divers collaborateurs à interagir librement sur les connaissances obtenues. De plus, s‘il est vrai que l’information recueillie donne assise, justifie et facilite la prise de décision, la complexité du champ d’action et les aléas du comportement humain montrent que l’édification d’un système d’information n’est pas en elle-même la solution suprême. Les décisions, tout en dérivant de l’effort d’investigation, sont bel et bien une affaire d’ambition et surtout de vision.

T. BOUHMOUCH 
Rédigé le 23/09/2007, retouché le 24/02/2011
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(1) Encore faut-il que le représentant soit suffisamment motivé pour rechercher l’information et la communiquer à ses supérieurs et aux collègues concernés.

(2) Voir sur ce point, La gestion de l’information commerciale in www.marocwebo.ma/economie/ 


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