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6 juin 2011

QUALITE ET SATISFACTION [1/2] : DES NOTIONS CORRELATIVES ?


 « Si vous pensez que quelqu'un est plus important que le client, pensez encore » SGS-Thomson Maroc


Les modes de gestion, depuis plus de trois décennies, en sont venus à intégrer la recherche de la qualité au sein du cycle de production. Cette orientation s'est imposée pleinement au sein de l'entreprise, partant du principe que le consommateur constitue « l'élément clé de la chaîne de production ». Les industriels nippons sont les premiers à avoir mis en œuvre les méthodes de gestion de la qualité.


La qualité, atout concurrentiel
Au Maroc, nombre d'entreprises ont érigé la qualité aux premiers rangs de leurs priorités. Considérons deux exemples en peu de mots.

Spring Maroc (à Kénitra) est une entreprise spécialisée dans la fabrication de ressorts hélicoïdaux. Dès sa création en 1981, elle a exprimé la volonté d'œuvrer pour la qualité et la fiabilité des produits proposés. Etre à l'écoute de la clientèle (des professionnels), pouvoir lui présenter un produit adapté à ses besoins sont parties intégrantes de la politique adoptée. Le contrôle des ressorts est effectué tout au long de la chaîne de production et les délais de livraison sont relativement courts. A ce titre, il importe de préciser que le fabricant travaille en étroite collaboration avec le Laboratoire Public d'Essais et d'Etudes (LPEE) de Casablanca, lequel est chargé des analyses chimiques est physiques du fil employé.
Le projet des « garages conventionnés », mis en œuvre en 2001 par la société d'assurance Al Watania (aujourd'hui : RMA Al Watanya)mérite aussi mention. Destiné à la branche automobile, ce nouveau service s'inscrit dans la démarche qualité-proximité de la compagnie. Dans les garages sélectionnés (neuf à Casablanca), l'assuré bénéficie de deux avantages décisifs : une dépense amoindrie, puisqu'il ne paie que la part de facture restant à sa charge et un délai de réparation relativement court.
Cela étant, le contexte socioculturel marocain ne s'est pas véritablement imprégné de la notion de qualité. Au début, seules les filiales de multinationales se sont lancées rapidement et résolument dans des démarches pour aboutir à la certification. Les entreprises marocaines certifiées ISO 9000 ne sont pas légion. Le chemin est encore long pour les autres entreprises, où n'existe aucun processus de contrôle de la qualité. Le plus souvent les normes ISO ne constituent pas le but principal, ne sont pas regardées comme un élément de valorisation de l'image et de là un argument publicitaire.
Face à l'accroissement du pouvoir de choix du consommateur, la démarche qualité est devenue un enjeu stratégique majeur. Ce n'est ni un effet de mode, ni une décoration de façade. C'est un élément essentiel de positionnement, un atout concurrentiel face à la libéralisation de l'économie. La pression de la concurrence, en effet, est un aiguillon majeur. […]


Aujourd'hui, le Maroc joue la carte de l'ouverture et ne saurait tourner le dos aux normes de qualité imposées au niveau mondial. Les entreprises exportatrices sont tenues de se mettre à ces normes pour garantir une meilleure pénétration des marchés cibles. Ce sont bel et bien des barrières non tarifaires qu'il s'agit de sauter. Etre certifié est le meilleur moyen d'entrer sur un marché. L'impact sur le plan commercial est certain. En Europe, la libre circulation d'un produit est tributaire d'une conformité totale aux normes européennes, en termes de délai de livraison, de durée de vie, de description du produit, etc.
Il n'y a pas de demi-mesure : un produit est soit tout à fait conforme, soit pas du tout conforme. Le consommateur européen ou américain n'accepte plus d'acheter le moindre produit agroalimentaire, s'il n'a pas des garanties fermes sur sa qualité et les manipulations dont il a fait l'objet. « Il ne faut pas en vouloir à un acheteur d'exiger de savoir si les carottes qu'il achète ont été arrosées avec de l'eau pure et saine, si les traitements n'ont pas fait appel à des substances dangereuses, etc. ». (1) De là, l'obligation de « traçabilité », répondant à un souci de gestion rigoureuse de la santé publique, s'applique uniformément à tous les produits destinés à l'alimentation humaine. Les producteurs marocains sont ainsi obligés de fournir aux importateurs étrangers des informations complètes et précises sur l'ensemble du processus.

La problématique qualité/satisfaction
D'ordinaire, on considère que satisfaire un client et le fidéliser, c'est lui offrir un produit « de qualité ». Vouloir « faire mieux avec moins », c'est chercher à répondre aux attentes avec un rapport qualité/prix convenable. Cette manière de poser le problème appelle une question primordiale : qualité et satisfaction, les deux notions sont-elles corrélatives ?
La relation de parenté semble aller de soi. Lorsqu'on produit pour répondre aux besoins du marché, on comprend que la « qualité » fasse partie de ces besoins. Il est clair, par exemple, que les restaurants à Casablanca (y compris ceux des hôtels) ne peuvent s'attendre à satisfaire pleinement leurs clients, alors que l'hygiène du personnel, des locaux et des équipements montrent des signes de négligence très inquiétants (selon le constat des services de contrôle de la Wilaya).
En dépit de cette proximité perceptuelle, la corrélation est loin d'être évidente. La qualité implique-t-elle systématiquement la satisfaction du consommateur ? Est-ce nécessairement être au diapason des besoins de celui-ci ? Est-ce plutôt se conformer à des règles techniques, à des normes précises ?
Ici ou là, on le sait, des normes sont élaborées et des procédures de certification sont établies. ISO 9001, 9002 ou 9003 sont les appellations adoptées pour désigner les niveaux d'intégration du management par la qualité dans les rouages de l'entreprise. Toutefois, lorsqu'on apprend que les marques AiguebelleKoutoubia et Siera ont obtenu (en 2003) la certification ISO 9001, cela ne signifie pas obligatoirement qu'elles produisent respectivement le meilleur chocolat, le meilleur saucisson et la meilleure machine à laver de la place... du point de vue du consommateur. La certification prouve que le système est conforme à un référentiel, qu'un produit répond correctement à des spécifications techniques. (2) La qualité, c'est un degré donné d'uniformité et de fiabilité ; c'est l'absence de défauts. Il n'est pas sûr, tant s'en faut, que les caractéristiques spécifiées satisfassent le client, que la fiabilité annoncée corresponde à ses exigences.
La qualité, peut-on dire, est une condition nécessaire mais pas suffisante pour séduire le public cible. Ainsi, malgré la vague de certifications ISO, les produits français ne sont pas les plus demandés sur le marché mondial. En Angleterre, plus de 40.000 entreprises sont certifiées ; les normes y sont plus sévères que les ISO. Malgré tout, le produit anglais ne se vend pas mieux que le « made in Japan ». C'est qu'à l'évidence, le client opte pour le produit qui lui procure la meilleure satisfaction en termes de prix, d'efficacité, de commodité et peut-être de durée de vie. C'est cela qui compte par-dessus tout.
Eclairons cela par un exemple. Somana (Société Maghrébine d'Equipements Nationaux) est une entreprise de construction et de promotion immobilière, située à Casablanca. Son expérience  est un cas d'école dans le secteur. Il s'avère qu'elle a introduit une démarche qualité dans le processus d'élaboration des bâtiments. Ses dirigeants s'efforcent de changer l'image de marque de la profession, de montrer que l'on peut parvenir à un processus de certification qualité totale. Le fait demeure qu'une telle démarche ne serait déterminante que si elle est centrée résolument sur la satisfaction durable du client, en termes de localisation de l'édifice, d'exposition au soleil, d'affectation de la surface globale (salon, chambres, placards), de facilité d'accès au garage, etc. La qualité, au-delà de la conformité aux spécifications, doit obligatoirement matérialiser les besoins du marché.
A ce titre, considérons le cas d'Indumed. Créée en 1994 à Casablanca, cette société est spécialisée dans l'étude, la mise au point et le développement d'équipements médicaux et hospitaliers (lits d'hôpitaux, tables de chevet, guéridons de soin...). Le catalogue des produits fabriqués est établi à partir des besoins courants et conformément aux demandes ponctuelles exprimées sur la base de modèles précis. Les matières premières utilisées sont principalement l'acier inoxydable et l'aluminium, métaux non ferreux, donc non corrodables. Ce choix présente un grand intérêt vu la destination médicale de l'équipement, en plus du taux élevé d'humidité et de salinité dans les villes côtières. Si le mobilier vendu était à base d'acier peint ou chromé, donc voué à se dégrader rapidement, parler de besoins satisfaits aurait-il un sens ?
Somaca a obtenu en 2001 la certification ISO 9002. Un an après, l'audit de son Système Qualité a validé sa conformité aux exigences de la Norme E.A.Q.F. (une référence européenne spécifique de l'automobile). Les modèles de voitures assemblés à l'usine sont-ils pour autant entièrement conformes aux attentes du public ? On ne pourrait l'assurer. La qualité formalisée, les labels, les divers systèmes de normalisation, de certification, d'assurance qualité ne peuvent garantir, à eux seuls, la qualité réelle, telle qu'elle est demandée par le marché. Un produit n'a d'utilité que rapporté au système de valeurs et aux exigences de la population cible. Il faut le juger moins sur sa technicité que sur le service rendu à l'utilisateur.
Que dire du café-restaurant Appolo ? Dès son ouverture à Casablanca, la « charte de qualité » adoptée prévoyait le respect de toutes les règles d'hygiène. Les dirigeants tenaient même à ce que le contrôle de la qualité micro-biologique des produits alimentaires soit assuré par un laboratoire d'analyses indépendant. Malgré tout, il est permis de s'interroger : la formule de restauration (proche du self-service), les menus proposés, le concept retenu (aménagement et décor en aluminium, ambiance des étoiles et des galaxies) étaient-ils appréciés par la clientèle visée, répondaient-ils à ses desiderata ? Les faits semblent prouver le contraire, car faute d'une demande suffisante, l'établissement a fini par fermer (en 2001).
Rappelons que l'ONCF, en mettant en œuvre son « Plan d'Action Qualité », s'emploie à offrir une prestation de transport de qualité en réponse aux attentes des clients en matière de propreté, de confort, de régularité et de sécurité. Le lien entre satisfaction et qualité est explicitement mis en avant.
Un tel lien s'impose à l'esprit. Selon un responsable du cabinet Carron Consultants, l'obsession du client est l'une des idées forces de la norme ISO. Car « tous ce qui n'a pas de sens pour le client n'a aucun sens pour l'ISO 9000 ». (3) La certification est un engagement de moyens et de ressources  (humaines, financières, matérielles, etc.), dont l'efficacité doit être vérifiée auprès des consommateurs. La qualité, à proprement parler, n'est pas un but mais un moyen.
C'est l'occasion ici d'évoquer le cas de SGS-Thomson Maroc, la filiale de la multinationale du semi-conducteur (entrant dans la fabrication des ordinateurs, des centraux téléphoniques, de la Hi Fi...). L'entreprise marocaine a affaire à des clients exigeants : les constructeurs européens ou américains de l'électronique. Elle est tenue de se maintenir aux niveaux de performance internationaux. Les deux unités de Casablanca (à Aïn Sbaâ et Bouskoura) doivent être efficientes en comparaison avec celles de Malaisie, de Singapour et des pays industrialisés. D'où l'engagement de la filiale, dès 1991, dans le Total Quality Management. Dans l'esprit des dirigeants, le TQM c'est la satisfaction totale du client. Un principe-clé, placardé dans les bureaux des principaux responsables révèle bien la volonté affichée : « Si vous pensez que quelqu'un est plus important que le client, pensez encore ».

Thami BOUHMOUCH
Extraits de l’article paru in Revue marocaine de commerce et de gestion, ENCG de Tanger, juin 2006.

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(1) J-J. Mennillo, PDG d'Agro Marchés Internationaux (implantée au Maroc), in Le Journal du 27/01-02/02/2001.
(2) Pour éviter la multiplication de référentiels, le comité technique de l'ISO (International Standardisation Organisation) a créé en 1987 les normes ISO 9000 relatives à l'assurance qualité.
(3) M. Carron, cité in Economie & Entreprises, mai 2000, p. 36.

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