« Tous ensemble pour la qualité »
Anonyme
Dans le
papier précédent, nous avons vu que la qualité est celle, par dessus tout, qui
est demandée par le public cible, qui matérialise ses besoins et correspond à
ses exigences.
La gestion de la qualité est donc
bel et bien animée par une philosophie marketing. Pour les Anglo-saxons, il est
question de « market driven quality »
ou qualité orientée vers le marché. L'idée de base étant qu'une prestation de
qualité ne peut être qualifiée comme telle que par le client qui est juge
final. Le moyen de mesure des résultats d'une démarche qualité demeure la
fidélisation du client. Pour ce faire, une solution de premier plan s'offre à
l'entreprise : l'écoute méthodique, attentive et constante du public cible.
Il y a dix ans, Akzo Nobel
coatings, fabricant de
peintures et vernis (marques Astral et Sikkens), a mis en place
la démarche qualité. Pour cela, il
a fallu traiter les réclamations des clients et remédier aux causes des
problèmes d'une manière radicale. Les effets aujourd'hui sont assez visibles :
réduction des délais de livraison et de production, amélioration de l'accueil
et de l'ambiance interne...
La qualité suppose un consentement
Il ne s'agit pas de répondre aux
besoins, mais de bien répondre aux besoins. Un produit doit être fiable,
remplir sa mission, tenir ses promesses pleinement. La qualité est une œuvre
humaine. Elle suppose la participation volontaire et active du personnel.
En créant des conditions de travail de qualité, les dirigeants sont à même de
créer une mentalité de qualité et d'obtenir des produits de qualité. C'est là
le véritable champ de bataille entre les entreprises.
La qualité totale est un style de
management suivant lequel une entreprise s'efforce d'adopter une démarche
participative dans le but d'atteindre la satisfaction du client. Chez
Toyota, le fabricant des voitures parmi les plus fiables du monde, « on
donnait des gants blancs aux visiteurs des usines et on affichait ceux-ci à la
sortie sur un tableau avec pour commentaire : voici ce que nos visiteurs
pensent de notre usine ». (1)
La qualité ne se décrète pas ; elle
s'organise au sein de l'entreprise. Elle suppose l'implication de tout le
personnel. C'est un consensus. C'est, selon une formule
suggestive, « tous ensemble pour la qualité ». D'où
l'importance de la formation et de l'information des salariés, dont
l'instrument privilégié est le fameux « cercle de qualité ».
(2)
« La
qualité, c'est l'affaire de tous », tel est le slogan de la campagne multimédia de
sensibilisation et de mobilisation menée dès 1997 par l'association Afak. Le message s'adressait aux
salariés et chefs d'entreprises, ainsi qu'à tous les acteurs de l'environnement
économique, administratif et culturel. L'objectif était de contribuer au
développement d'une culture qualité. Le texte diffusé dans la presse mettait
l'accent bel et bien sur la satisfaction
du client : « La satisfaction du
client dépend de la qualité du produit ou service que vous lui proposez. S'il
en est satisfait, il vous maintiendra sa confiance et pourra vous apporter huit
nouveaux clients. S'il est mécontent, non seulement il s'adressera ailleurs,
mais il fera part de son indignation à vingt-quatre personnes en moyenne ».
(3)
La qualité ne coûte rien
Mettre en œuvre la qualité – à
première vue – peut coûter cher à l'entreprise (équipements et procédés ad hoc,
programmes de formation, contrôles ininterrompus...), mais la non-qualité coûte
certainement beaucoup plus cher. Le message émis par Afak se
terminait ainsi : « Savez-vous
que pour une entreprise, acquérir un nouveau client coûte cinq fois plus cher
que d'en conserver un ancien ? ». (4)
Interrogés, il y a longtemps, sur le
coût de la qualité, les dirigeants d'Icomail (confection de costumes de
marque Van Gils, Casablanca) avaient répondu ceci : « Rien. La
qualité ne coûte pas d'argent. C'est la non-qualité qui coûte avec les rejets,
les retours, les pièces qu'il faut reprendre ». (5) Le coût
de la non-qualité, en effet, correspond à la non-conformité et aux rejets
répétitifs, aux gaspillages et retards chroniques, à la lourdeur du prix de
revient. C'est le corollaire surtout de la désaffection des clients,
du déclin de l'image de marque...
La qualité dans les services
La démarche qualité est une notion
plus ou moins bien implantée dans les secteurs industriels. Dans les services
en revanche, elle est assez récente. En Europe, ce n'est qu'en 1990 qu'elle a
été introduite dans la banque et l'assurance.
Il est difficile en fait de mesurer
la qualité dans le secteur des services. Pour ce qui est notamment de
l'assurance, la transaction porte sur une entité immatérielle, dont la qualité
ne se révèlera qu'après un certain temps. Le client paye un service qui
ne lui sera fourni qu'en cas de sinistre ou de décès. Si bien que la qualité se
confond avec la rapidité des formalités accomplies : chacun aimerait que son
dossier soit indemnisé dans un délai de quelques jours. La démarche qualité est
alors axée principalement sur les procédures et les ressources humaines. Elle
passe par la formation continue et des efforts soutenus de motivation. L'idéal
serait que le concept de qualité gagne l'ensemble du public interne, soit
introduit au niveau de tous les départements.
S'agissant du transport aérien, la
compagnie Royal Air Maroc n'a pas tardé à œuvrer dans ce sens. En 1996,
au moment où un changement radical dans sa stratégie était mis à exécution, les
dirigeants avaient senti qu'il fallait une politique claire et des objectifs de
qualité chiffrables. Seul, disait-on avec raison, ce qui est mesurable
progresse. A titre d'exemple, le taux de réclamation des clients et le taux de
perte des bagages doivent être, conformément aux standards internationaux,
inférieurs à 1 sur 1000.
Vu la difficulté d'application de la
démarche qualité dans le domaine des services, peu de banques ont adhéré à ce
concept. Pourtant, en raison du durcissement de la concurrence, il y va de leur
essor et même de leur survie… Tel groupe bancaire proclame sa volonté de
satisfaire et de fidéliser le client ; l'objectif est bien sûr louable,
mais la décision ne peut donner ses fruits que si toutes les équipes y adhèrent.
D'où la nécessité de mettre en œuvre des actions de sensibilisation du public
interne au sein de toutes les agences. Il s'agit d'améliorer l'accueil, d'en
finir avec les queues interminables, de prévenir les pannes de guichets
automatiques, de simplifier les procédures, de réduire le délai de
réception-retour du courrier...
Une enquête auprès des clients est
nécessaire pour connaître leurs opinions à ce propos. Le client ne saurait
supporter qu'on le laisse attendre trop longtemps, qu'on l'informe de travers,
qu'on se trompe à son détriment. Le traitement des réclamations doit être rapide.
Il y a lieu, non pas de chercher à se disculper, mais de réagir judicieusement
et sans tarder aux dysfonctionnements, de réduire les anomalies internes,
d'améliorer la satisfaction du client.
Les bonnes intentions, on s'en
doute, ne débouchent pas mécaniquement sur des actes concrets. L'inertie de
l'habitude, l'absence d'une motivation suffisante et le manque de persévérance
font que les raisons de mécontentement demeurent aujourd'hui assez nombreuses. (6)
Ainsi, des parties 1 et 2 de cet
article, se dégagent deux enseignements pratiques :
- La qualité ne se réduit pas à la conformité à un référentiel, à des
spécifications techniques. C'est celle, par dessus tout, qui est demandée par
le public cible, qui matérialise ses besoins et correspond à ses exigences. Il
faut la juger sur le service rendu au consommateur – l'arbitre final du jeu
concurrentiel.
- La qualité suppose un consentement, un changement radical des états
d'esprit (à commencer par celui du manager en personne). Le dynamisme d'une
organisation repose invariablement sur l'implication forte, loyale et constante
de l'ensemble des acteurs. Le marketing, ce n'est pas seulement des techniques
de conquête du marché. Il exerce une influence décisive sur la structure ; il
est devenu une philosophie managériale.
Thami BOUHMOUCH
Extraits
de l’article paru in Revue marocaine de commerce et de gestion, ENCG de Tanger,
juin 2006.
________________________________________________
(1) Cité
dans l'article Les entreprises marocaines en quête tardive de qualité,
in revue Conjoncture, avril 2001.
(2) Dans
le secteur du textile-habillement, notons-le au passage, les programmes
d'alphabétisation se heurtent à un taux d'absentéisme élevé et un manque de
locaux pour organiser la formation.
(3) Une
telle campagne est-elle en mesure de déclencher un élan général vers la
recherche de la perfection et l'excellence ?... Les faits vécus, hélas,
obligent à en douter sérieusement : les exhortations ne peuvent triompher
facilement de la désinvolture et de l'incivisme ambiants.
(4) Cette estimation bien connue a été fournie par
Jagdish Sheth, de l'université Emory d'Atlanta (Etats-Unis).
(5)
Propos
rapportés par L'Economiste du 5/12/91.
(6) Il n'est que de voir les
déboires subis aujourd'hui par les clients en particulier du CIH, de la Banque
Populaire, d'attijariwafabank et de la BMCI.
très intéressant, bon travail et merci de partager un si bon blog. inspection qualité
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