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17 mai 2014

ETUDIER LE CONSOMMATEUR, C'EST ETUDIER L’HOMME


Série : Compréhension du consommateur

Pour être efficaces, on l’a vu, les politiques marketing doivent être définies à travers une compréhension attentive et constante des tendances comportementales. « Rechercher, comparer, évaluer, décider, acheter, utiliser ou rejeter des produits, cela occupe une large part de nos activités quotidiennes de consommateurs ». (1) La consommation occupe en effet une place considérable dans notre vie de tous les jours, de par le temps qui lui est consacré et en raison de sa signification symbolique. Dans ce papier, il s’agit de prendre conscience de la complexité des phénomènes entourant et déterminant le comportement d'achat, de bien comprendre que celui-ci, par essence, n’est qu’une facette du comportement humain.

De la difficulté d’appréhender l'humain
« Lorsqu'il [l'être humain] a assouvi un désir, il lui en vient un autre. Quand il est comblé, un autre surgit à sa place, puis un autre encore. L'état de désir permanent est caractéristique du genre humain ». (2) Les gens désirent toujours quelque chose... mais toute la question est de savoir quoi. Dès lors qu’il s’agit d’appréhender l'humain, les difficultés tendent normalement à apparaitre. A cet égard, si les divers auteurs fournissent parfois des appréciations discutables, ce n'est pas à proprement parler parce qu'ils manquent de rigueur, mais parce qu'ils traitent d'une réalité complexe et équivoque.
La réalité vécue est complexe parce que l’objet étudié évolue en fonction de nombreux facteurs formant un ensemble difficile à cerner. « Dans une société d'hyperconsommation, l'individu va selon l'heure, le jour, la météo, l'humeur, l'endroit, l'accompagnant, le média, exprimer des besoins et des envies qui varient du tout au tout. Ce qui entraînera des choix et donc des achats différents ». (3) La réalité vécue est équivoque du fait que le comportement humain peut se prêter à plusieurs explications. « Le consommateur évoluerait tel un caméléon qui, ajustant son comportement en fonction des circonstances du moment, est souvent décrit comme volatil et imprévisible. La liberté que donne l'accès à l'information et à l'offre par Internet a d'ailleurs accentué cette évolution ». (4) Les chaussures tout-terrain Timberland, conçues pour la boue et la campagne, ne sont-elles pas portées sur le bitume par les citadins ? Comme je le disais précédemment, « le monde réel incite à voir les choses avec humilité : comprendre l'être humain n'est aucunement une sinécure. Les praticiens s'efforcent de s'adapter à un consommateur versatile, ambigu, parfois irrationnel. Il y aura toujours des hiatus entre le produit proposé, la cible choisie et les moyens adoptés ». (5)    
Les raisonnements et modèles d’antan avaient pour fondement un sujet économique doué de rationalité. Un processus logique de décision était censé lui permettre d'obtenir le maximum de satisfaction (« de maximiser son utilité ») à partir de ressources limitées. C'est cette vision qui a donné lieu aux rabâchages théoriques sur l’homo œconomicus… Cet atome abstrait, sans contredit, n'existe pas ; il n'est qu'une hypothèse de travail. Ni la sociologie, ni la psychologie, ni l’histoire ne prétendent le connaitre. En pratique, comme le comportement d'achat est loin d’être toujours rationnel, l'efficacité marketing de ce type de modèle s’avère singulièrement limitée.

Le comportement d'achat ne se réduit pas à une équation
L'analyse de la consommation en tant qu'ensemble d'opérations rationnelles et réfléchies semble ainsi bien révolue. « Il est beaucoup plus difficile d’arriver à des conclusions pratiques dans les sciences qui traitent du comportement humain que dans les sciences qui traitent de la matière. Une expérience réalisée sur un échantillon de corps inorganique permet d’appliquer les résultats obtenus à l’ensemble des corps de même nature, tandis qu’il n’en est pas de même pour un échantillon humain. Les hommes d’une société donnée peuvent réagir très différemment aux mêmes incitations – et à plus forte raison quand ils appartiennent à des sociétés et à des époques très différentes ». (6)
En micro-économie, conformément à la courbe de demande individuelle (décroissante), on apprend que le consommateur achète une plus grande quantité d'un bien si le prix est à un bas niveau. Mais dans la réalité observée, les gens n’achètent-ils pas un produit justement parce qu'il est cher ? « De nombreux actes d'achat ont lieu dans des conditions incompatibles avec la rationalité supposée par la théorie économique classique. Un exemple évident de tels paradoxes est le shopping où l'achat est motivé par le plaisir de dépenser son temps, son argent et ses efforts ». (7)
L'erreur fréquente consistait naguère à se focaliser sur un homo œconomicus allégorique, à penser que le comportement humain était réductible à une matrice, à une équation. Il importe aujourd’hui de réexaminer les concepts et méthodes conventionnels. Ce sont les outils d’analyse qu’il s’agit de mettre à plat et de perfectionner. La démarche adoptée ne saurait relever d’une science infaillible. Il n’y a pas lieu de concevoir des schémas logiques à partir d’une observation sommaire de l’homme. Les théories psychosociales mettent plutôt l'accent sur les tendances émotionnelles et sentimentales du consommateur. Le marketing découvre ainsi toute sa complexité. 
  

Le manager, malgré tout, est tenu de connaître le consommateur cible, de l’atteindre, de le contrôler à un degré ou à un autre. Il est alors conduit à pénétrer le domaine des sciences humaines, à recourir entre autres à la sociologie, à la psychologie, à l'anthropologie et même à la psychanalyse (certaines annonces publicitaires font appel à des pulsions sexuelles inconscientes). Dans ce domaine, il faut bien l'avouer, la subjectivité est toujours souveraine.
On dira à cet égard que sur le marché des biens industriels, en comparaison avec celui des biens de consommation, le comportement d'achat est plus rationnel, vu la contrainte inéluctable du profit. Mais même en milieu industriel, les aspects subjectifs de l'achat sont importants – sans doute autant que les caractéristiques objectives.

En définitive, du fait que le consommateur est volage, subjectif, parfois déraisonnable, les données de l’équation ne sauraient être simples. De là l’idée d'appréhender son comportement sous forme de modèles… C’est le sujet du prochain papier.

Thami BOUHMOUCH
Mai 2014
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(1) Kotler, Di Maulo, McDougall, Armstrong, « Le Marketing de la théorie à la pratique », éd. Gaëtan Morin, p. 62.
(2) A. W. Maslow, cité par Alexander Hiam et Charles Schewe, « MBA Marketing - Les concepts », éd. Maxima, p. 245.
(3) Nick Alonfsky, « Le consommateur est avant tout une personne », http://www.e-marketing.fr/Marketing-Direct/Article/-Le-consommateur-est-avant-tout-une-personne--36402-1.htm
(4) Bernard Dubois, Marc Vanhuele, « Comportement du consommateur », http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/
(5) Mon article : « Le marketing entre conceptualisation et épreuve du terrain », http://bouhmouch.blogspot.com/2012/01/le-marketing-entre-conceptualisation-et.html  
(6) George Soule, « Qu’est-ce que l’économie politique ? », éd. Nouveaux Horizons, pp. 196-197.
(7) Jacques Lendrevie et Denis Lindon, « Mercator », éd. Dalloz, p 143.

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