Série : L’acte d’achat
L'acte d’achat,
rappelons-le, ne se réduit pas à sa portion congrue, c'est-à-dire l’acquisition
du produit : il couvre les étapes avant, pendant et après l’achat. (1)
Le praticien du marketing est tenu de savoir comment le consommateur reçoit
l'information, comment se forment ses préférences et comment il se décide. Il
doit aussi s’interroger, au stade où
l’achat est effectué, sur l’état psychologique du sujet (satisfaction,
mécontentement) et sur son comportement ultérieur. (2)
Eviter le
mécontentement du client
La dissonance cognitive résulte
avant tout des promesses annoncées et non tenues. De fait, l'entreprise
se doit de transmettre une image fidèle de son produit, mettre en avant ses
avantages réels. L'écart entre la performance attendue et la situation vécue sera
d’autant plus important que les attributs indiqués ont été amplifiés. Il en
sera de même de la déception ressentie… La dissonance peut être due également à
une utilisation inadéquate du produit par le client. Il importe alors
de prendre soin de l'étiquetage et des brochures en indiquant clairement le
mode d'emploi, le dosage, les précautions à prendre et les conditions de
conservation. Il en est ainsi de la notice d’utilisation d’une imprimante ou d’un
lave-linge, de l’usage d'un insecticide, du procédé de conservation du café, du
lavage et repassage d'une chemise, etc.
Si le produit acheté
n'a pas permis d'atteindre l’état souhaité (promis par la marque), le problème
initial demeure non résolu et le processus décisionnel est censé se déclencher
de nouveau. C’est une expérience fâcheuse à laquelle il convient de prendre
garde : le client risque fort d’être perdu. Le concept de
satisfaction post-achat est très important pour au moins cette raison. C’est
une phase cruciale dans le cas des achats répétés. L'essentiel est non pas de
vendre un produit mais de satisfaire réellement l’acheteur. L'entreprise vise la
fidélité à la marque ; elle achète des clients.
Le concept de
satisfaction est d'une extrême importance pour une seconde raison : l’individu
déçu aura tendance à en parler autour de lui. Les déceptions après
l’achat doivent être atténuées rapidement afin de garantir la logique client satisfait = futur prescripteur.
Aucune entreprise ne souhaite un bouche-à-oreille négatif. Il n'y a pas pire
publicité que le jugement d'un consommateur mécontent.
Le praticien est
tenu de s’assurer que le produit offert correspond ou surpasse les attentes. Il
doit alors vérifier régulièrement le niveau de satisfaction des clients par le
recours aux enquêtes, à la force de vente et au service de l’assistance
téléphonique. La satisfaction, il est vrai, est un phénomène difficile à mesurer
avec précision, mais c’est bien son appréciation qui permettra d’atténuer la
dissonance et d’apporter des rectifications s’il y a lieu.
Les moyens
possibles
Observons le consommateur après l’achat : il s'efforcera de valoriser tout ce qui peut
justifier le choix qu’il a effectué et tiendra pour négligeable les
alternatives écartées. Il va chercher à éviter ou réduire la dissonance en étant
réceptif aux informations qui le confortent dans ses croyances initiales ;
il va au contraire éviter de voir/entendre les informations qui les contredisent.
Le responsable marketing gagne à tirer parti de ce phénomène sensible. La communication publicitaire
lui permet tendanciellement de réduire ou prévenir toute dissonance possible, de
montrer que les exigences du client sont une priorité pour l'entreprise. Les
messages pourraient présenter des consommateurs satisfaits (sous forme de
témoignages), rappeler le poids du fabricant ou éventuellement sa position de
leader, etc. C’est d’autant plus important que l’acheteur tend à s’intéresser
plus qu’avant aux annonces portant sur le produit acheté. Outre son objectif
d'information, la publicité ne cherche pas seulement à faire acheter, elle a
aussi pour rôle de rassurer le client après l'achat, de
réduire ou prévenir toute dissonance possible. C’est son rôle de conforter le
consommateur dans son choix en lui démontrant – ex-post – le bien-fondé de son
action par des arguments rationnels rassurants.
D’autres mesures après
l’achat sont possibles. On peut envoyer des lettres à tous les
nouveaux acheteurs pour les féliciter de leur choix (le cas des banques et des concessionnaires
de voitures). On peut contacter par téléphone dans la semaine les
consommateurs qui ont fait un achat supérieur à un montant donné, pour leur
demander s'ils sont satisfaits (distribution d’électroménager). Les visites
du représentant quant à elles conviennent aux produits industriels.
La garantie de
remboursement peut également conforter le client après l’achat. Il n’y a pas longtemps, le spécialiste de
l'électroménager Cramer faisait cette promesse : « Si vous trouvez moins cher, Cramer vous
rembourse la différence et vous offre un cadeau ». De même la garantie
d’un service après-vente performant sécurise l'acheteur. Promettre
un SAV complet et rapide permet de se distinguer des concurrents – surtout
lorsque ceux-ci présentent à peu près les mêmes avantages aux yeux du client. En
pratique, c’est ce service qui révèle les défauts ayant fait l'objet d'une
réclamation.
Les réclamations, justement, sont des comportements très utiles à analyser. Il importe à cet
effet de mettre en place un mécanisme permettant d'identifier rapidement les réactions
du client. A bien y réfléchir, les messages de protestation sont
constructifs : « ils précisent en effet les
conditions réelles d'utilisation des produits et, de ce fait, révèlent souvent
des opportunités d'amélioration, voire de nouvelles idées de lancement. Le
phénomène des blogs a considérablement amplifié ce type de réactions et
beaucoup d'entreprises souscrivent maintenant à des abonnements de veille
Internet qui les alertent dès que le nombre de mentions de l'entreprise ou de
ses produits prend des proportions inattendues ». (3)
Au Maroc, le call center s’est développé à partir de
1999. C'est un service dont la vocation est de gérer à distance la relation que
les entreprises souhaitent entretenir avec leurs clients ou prospects. Il vise
divers buts : assistance aux clients ou au réseau de distribution, gestion de
la relation, fidélisation... Le numéro
vert (gratuit), relié au service après-vente, vise aussi à susciter le
contact avec le client et à améliorer l’image de marque. L'important est la
capacité de l'entreprise à résoudre les problèmes soulevés, à s'occuper
rapidement des plaintes.
Dans les cas
extrêmes, les fabricants sont obligés de retirer leurs produits du marché.
Le constructeur Renault, par le passé, s’est vu contraint de rappeler des
dizaines de milliers de son modèle Kangoo, ici et là dans le monde,
après avoir détecté une possibilité de défaillance des mécanismes de la ceinture
et des airbags frontaux. IKEA, le distributeur de jouets, a un jour découvert lors
d’un contrôle de routine que les animaux en peluche perdaient leurs yeux trop
facilement (les enfants pouvaient les avaler). Les articles défectueux ont alors
été vite repérés, la vente interrompue et les clients remboursés. La démarche a
permis de prévenir les accidents, d'éviter les déceptions et la colère des
consommateurs. Le coût du rappel importe peu si l'opération permet de renforcer
la crédibilité de la marque.
Thami BOUHMOUCH
Mai 2015
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(1) Cf. article précédent : Le
modèle EKB du comportement d’achat et ses limites http://bouhmouch.blogspot.com/2015/01/le-modele-ekb-du-comportement-dachat-et.html
(2) Cf. article
précédent : Comprendre le comportement d’achat : une source de
valeur http://bouhmouch.blogspot.com/2014/05/comprendre-le-comportement-dachat-une.html
(3) B. Dubois,
M. Vanhuele, « Comportement du consommateur » http://www.universalis.fr/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/#
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