Série : Marketing
stratégique
« Dans un
univers concurrentiel, il faut gagner sa place
au moyen d’une stratégie » Anonyme
Considérons le jeu d'échec : deux
joueurs se partagent les pièces blanches et noires. Quel est le but du jeu ? Gagner.
Le problème est donc clair. Y a-t-il une solution en soi, dans l’absolu ? Non,
il n'y en a pas : cela dépend du déroulement du jeu. Certes, le joueur met
en œuvre une stratégie dès le premier mouvement, mais il n’est pas seul à occuper
le terrain. Le résultat final dépend autant de ses décisions que de celles de
l'adversaire…
C'est le type de problème que doit
résoudre le responsable marketing.
L'entreprise évolue
dans un univers concurrentiel
Si l'on compare la lutte contre les concurrents
à un jeu, la stratégie nous dit comment nous allons gagner. Or, dans un univers
de rivalités, toute entreprise est directement affectée par l’action commerciale
d'autres entreprises, progresse forcément à leur détriment. Chacune est tenue d'adapter
sa stratégie en fonction des choix des concurrents les plus offensifs.
Une grande organisation en effet est
regardée par une PME comme un concurrent dangereux ; à l'inverse, la
première pourrait négliger la seconde. Il ne convient pas toutefois de
sous-estimer un concurrent, encore moins de l’ignorer. Les grands revers commerciaux
sont dus à une mauvaise appréciation de l'adversaire. Celui-ci, de toutes les
façons, essayera inlassablement d'endiguer notre propre action, voire de nous distancer…
De fait, il ne serait pas juste de dire que telle stratégie marketing est la
solution de tel problème. Il faut constamment tenir compte de la concurrence (directe
ou/et indirecte) ; il y aura toujours une meilleure offre en termes de
produit, de qualité, de prix, de service.
En 2006, lorsque Attijariwafa Bank et BMCE Bank se sont engagées sur le marché des MRE (Marocains résidant à l’étranger), la Banque Populaire s’est trouvée attaquée sur son terrain traditionnel. Le tournant qui a été opéré par la suite dans son organisation a induit une orientation nouvelle et décisive. Pourtant, un dirigeant de cette banque, à qui on a demandé si une telle orientation était due à l’offensive des concurrents, a fourni cette réponse surprenante : « la politique du groupe n’est pas déployée par réaction aux choix de nos confrères ». (1) C’est une contre-vérité : une stratégie commerciale, à n’en pas douter, est toujours définie dans un univers concurrentiel ; elle est par essence dirigée contre des adversaires.
On se rappelle qu’en 1998, la chaîne
Pizza Hut cherchait à acquérir une nouvelle place sur le marché et
prendre des clients aux concurrents. Sa signalétique, entre autres, a été pour
cela modifiée : utilisation de nouvelles couleurs (bleu et or à côté du rouge
traditionnel) aussi bien au niveau de l'enseigne que du mobilier et de la
décoration.
Au sein de l’entreprise, on
s’aperçoit que l'implication du marketing a un caractère spécifique. Sur ce
point, Swiners a écrit ceci : « Dans le département
marketing où la réussite de vos stratégies dépend aussi et surtout des
stratégies élaborées par vos concurrents, dans ce département à part où tous
les problèmes sont des problèmes concurrentiels… on ne peut utiliser
les procédures de prise de décision telles qu'elles sont appliquées par les
fonctions production, finances, ou personnel ». (2)
Comprendre la dynamique
concurrentielle est une composante essentielle de l'analyse stratégique. L’orientation
d’une stratégie commerciale dépend du poids et de l'action de la concurrence. Les
entreprises efficaces et innovatrices progressent au détriment des entreprises
inefficaces et sclérosées. Le marketing, dans sa définition même, intègre
nécessairement cette réalité : cela consiste à satisfaire le consommateur mieux
que ne pourrait le faire le concurrent. Ne dit-on pas que la concurrence crée
l'émulation ? (3)
Les stratégies sont
par essence antagoniques
La compétition est l'état normal
vers lequel tend le monde des affaires. Les stratégies sont conçues de manière à se protéger du concurrent et à tirer
parti de sa faiblesse. Concevoir une stratégie marketing exige de bien connaitre les principaux concurrents, d’évaluer
leur pouvoir compétitif et d’anticiper leurs actions
(produits, prix, modes de distribution, communication). Le marché potentiel, ne
l’oublions pas, est évalué compte tenu des dispositions estimées des principaux
rivaux. (4)
Il apparaît que si les décisions
marketing (de grande envergure) sont qualifiées de stratégiques, c’est
parce qu’elles sont prises, non pas dans l'abstrait, mais
toujours par référence à l'action des principaux concurrents. Lorsqu’en février
2007 Wana s'est implantée sur le marché de la téléphonie, nombre
de clients ont été perdus pour les opérateurs Maroc Telecom et Meditel. Les
parts de marché de ces derniers ont baissé. D'où le changement rapide de
politique vis-à-vis des clients et du réseau de distributeurs.
Parce qu’un
producteur se trouve en compétition avec des concurrents et de ce fait s’emploie
à les surpasser, sa stratégie est intrinsèquement de nature
conflictuelle. (5) Ce point vaut d'être souligné : « Il
ne s'agit pas d'être en avance sur la demande. Il s'agit d'être en avance sur
les concurrents. Etre le meilleur dans l'absolu ne veut rien dire et ne
correspond à aucune réalité économique. Il faut être meilleur que les autres.
C'est la loi du système concurrentiel ». (6)
L'entreprise agit ainsi en réaction
aux changements de l’ordre établi et aux décisions des autres intervenants. La
variable prix par exemple est souvent employée comme une arme pour conquérir
des clients et des parts de marché. Lorsqu’un concurrent réduit ses tarifs, il
convient d’analyser les raisons qui l’ont poussé à agir ainsi. A priori, une
baisse de prix n’est pas un signe de bonne santé. Lorsque la baisse est persistante,
nombre de questions viennent à l’esprit : le concurrent a-t-il trouvé des
procédés de fabrication moins coûteux ou/et des fournisseurs moins chers ?
En somme, dispose-t-il d’un avantage concurrentiel lui permettant de baisser
durablement ses prix ?
Une stratégie de différenciation est
à envisager lorsqu’un marché arrive à maturité avec de nombreux producteurs
proposant quasiment les mêmes articles aux mêmes cibles et presque de la même
façon. L’entreprise décide de s’appuyer sur des aspects divers du produit
: caractéristiques propres, design, fiabilité, service après vente,
etc. Pour se distinguer de ses concurrents, elle peut s'adresser à des
catégories spécifiques de clients. Elle peut également développer des concepts
novateurs pouvant lui assurer un positionnement particulier et une meilleure
rentabilité. Le groupe 3M, entre autres, utilise sa formidable
assise technique pour créer des marchés complètement nouveaux et, par là même,
modifie les données concurrentielles des marchés existants.
Thami BOUHMOUCH
Octobre 2015
______________________________________________
(1)
I. Bennani Smirès, Revue Challenge Hebdo, 24/02 au
02/03/2007.
(2) J.-L. Swiners, Concurrence et
stratégie, Revue Française de Gestion, juin-août 1983, p. 95. Je souligne.
(3) Cf. papier
précédent : Le concurrent, un rival qu’il faut avoir à l’œil http://bouhmouch.blogspot.com/2013/09/le-concurrent-un-rival-quil-faut-avoir.html
(4) Cf.
article : Le marché, un champ de bataille http://bouhmouch.blogspot.com/2011/10/le-marche-un-champ-de-bataille.html
(5) J. Lendrevie et D.
Lindon, « Mercator », éd. Dalloz, p. 526.
(6) J.-P. Pécoul et M.
Santi, Fortune faite. L’expérience des grands créateurs d’entreprises français
du XXè siècle, éd. Dunod, p. 22.
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