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31 octobre 2015

LA STRATEGIE EST DE NATURE CONFLICTUELLE


Série : Marketing stratégique 

« Dans un univers concurrentiel, il faut gagner sa place  au moyen d’une stratégie » Anonyme


Considérons le jeu d'échec : deux joueurs se partagent les pièces blanches et noires. Quel est le but du jeu ? Gagner. Le problème est donc clair. Y a-t-il une solution en soi, dans l’absolu ? Non, il n'y en a pas : cela dépend du déroulement du jeu. Certes, le joueur met en œuvre une stratégie dès le premier mouvement, mais il n’est pas seul à occuper le terrain. Le résultat final dépend autant de ses décisions que de celles de l'adversaire…
C'est le type de problème que doit résoudre le responsable marketing.

L'entreprise évolue dans un univers concurrentiel
Si l'on compare la lutte contre les concurrents à un jeu, la stratégie nous dit comment nous allons gagner. Or, dans un univers de rivalités, toute entreprise est directement affectée par l’action commerciale d'autres entreprises, progresse forcément à leur détriment. Chacune est tenue d'adapter sa stratégie en fonction des choix des concurrents les plus offensifs.
Une grande organisation en effet est regardée par une PME comme un concurrent dangereux ; à l'inverse, la première pourrait négliger la seconde. Il ne convient pas toutefois de sous-estimer un concurrent, encore moins de l’ignorer. Les grands revers commerciaux sont dus à une mauvaise appréciation de l'adversaire. Celui-ci, de toutes les façons, essayera inlassablement d'endiguer notre propre action, voire de nous distancer… De fait, il ne serait pas juste de dire que telle stratégie marketing est la solution de tel problème. Il faut constamment tenir compte de la concurrence (directe ou/et indirecte) ; il y aura toujours une meilleure offre en termes de produit, de qualité, de prix, de service.


En 2006, lorsque Attijariwafa Bank et BMCE Bank se sont engagées sur le marché des MRE (Marocains résidant à l’étranger), la Banque Populaire s’est trouvée attaquée sur son terrain traditionnel. Le tournant qui a été opéré par la suite dans son organisation a induit une orientation nouvelle et décisive. Pourtant, un dirigeant de cette banque, à qui on a demandé si une telle orientation était due à l’offensive des concurrents, a fourni cette réponse surprenante : « la politique du groupe n’est pas déployée par réaction aux choix de nos confrères ». (1) C’est une contre-vérité : une stratégie commerciale, à n’en pas douter, est toujours définie dans un univers concurrentiel ; elle est par essence dirigée contre des adversaires.
On se rappelle qu’en 1998, la chaîne Pizza Hut cherchait à acquérir une nouvelle place sur le marché et prendre des clients aux concurrents. Sa signalétique, entre autres, a été pour cela modifiée : utilisation de nouvelles couleurs (bleu et or à côté du rouge traditionnel) aussi bien au niveau de l'enseigne que du mobilier et de la décoration.
Au sein de l’entreprise, on s’aperçoit que l'implication du marketing a un caractère spécifique. Sur ce point, Swiners a écrit ceci : « Dans le département marketing où la réussite de vos stratégies dépend aussi et surtout des stratégies élaborées par vos concurrents, dans ce département à part où tous les problèmes sont des problèmes concurrentiels… on ne peut utiliser les procédures de prise de décision telles qu'elles sont appliquées par les fonctions production, finances, ou personnel ». (2)
Comprendre la dynamique concurrentielle est une composante essentielle de l'analyse stratégique. L’orientation d’une stratégie commerciale dépend du poids et de l'action de la concurrence. Les entreprises efficaces et innovatrices progressent au détriment des entreprises inefficaces et sclérosées. Le marketing, dans sa définition même, intègre nécessairement cette réalité : cela consiste à satisfaire le consommateur mieux que ne pourrait le faire le concurrent. Ne dit-on pas que la concurrence crée l'émulation ? (3)

Les stratégies sont par essence antagoniques
La compétition est l'état normal vers lequel tend le monde des affaires. Les stratégies sont conçues de manière à se protéger du concurrent et à tirer parti de sa faiblesse. Concevoir une stratégie marketing exige de bien connaitre les principaux concurrents, d’évaluer leur pouvoir compétitif et d’anticiper leurs actions (produits, prix, modes de distribution, communication). Le marché potentiel, ne l’oublions pas, est évalué compte tenu des dispositions estimées des principaux rivaux. (4)
Il apparaît que si les décisions marketing (de grande envergure) sont qualifiées de stratégiques, c’est parce qu’elles sont prises, non pas dans l'abstrait, mais toujours par référence à l'action des principaux concurrents. Lorsqu’en février 2007 Wana s'est implantée sur le marché de la téléphonie, nombre de clients ont été perdus pour les opérateurs Maroc Telecom et Meditel. Les parts de marché de ces derniers ont baissé. D'où le changement rapide de politique vis-à-vis des clients et du réseau de distributeurs.
Parce qu’un producteur se trouve en compétition avec des concurrents et de ce fait s’emploie à les surpasser, sa stratégie est intrinsèquement de nature conflictuelle. (5) Ce point vaut d'être souligné : « Il ne s'agit pas d'être en avance sur la demande. Il s'agit d'être en avance sur les concurrents. Etre le meilleur dans l'absolu ne veut rien dire et ne correspond à aucune réalité économique. Il faut être meilleur que les autres. C'est la loi du système concurrentiel ». (6)
L'entreprise agit ainsi en réaction aux changements de l’ordre établi et aux décisions des autres intervenants. La variable prix par exemple est souvent employée comme une arme pour conquérir des clients et des parts de marché. Lorsqu’un concurrent réduit ses tarifs, il convient d’analyser les raisons qui l’ont poussé à agir ainsi. A priori, une baisse de prix n’est pas un signe de bonne santé. Lorsque la baisse est persistante, nombre de questions viennent à l’esprit : le concurrent a-t-il trouvé des procédés de fabrication moins coûteux ou/et des fournisseurs moins chers ? En somme, dispose-t-il d’un avantage concurrentiel lui permettant de baisser durablement ses prix ?
Une stratégie de différenciation est à envisager lorsqu’un marché arrive à maturité avec de nombreux producteurs proposant quasiment les mêmes articles aux mêmes cibles et presque de la même façon. L’entreprise décide de s’appuyer sur des aspects divers du produit : caractéristiques propres, design, fiabilité, service après vente, etc. Pour se distinguer de ses concurrents, elle peut s'adresser à des catégories spécifiques de clients. Elle peut également développer des concepts novateurs pouvant lui assurer un positionnement particulier et une meilleure rentabilité. Le groupe 3M, entre autres, utilise sa formidable assise technique pour créer des marchés complètement nouveaux et, par là même, modifie les données concurrentielles des marchés existants. 

Thami BOUHMOUCH
Octobre 2015
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(1) I. Bennani Smirès, Revue Challenge Hebdo, 24/02 au 02/03/2007.
(2) J.-L. Swiners, Concurrence et stratégie, Revue Française de Gestion, juin-août 1983, p. 95. Je souligne.
(3) Cf. papier précédent : Le concurrent, un rival qu’il faut avoir à l’œil  http://bouhmouch.blogspot.com/2013/09/le-concurrent-un-rival-quil-faut-avoir.html
(4) Cf. article : Le marché, un champ de bataille  http://bouhmouch.blogspot.com/2011/10/le-marche-un-champ-de-bataille.html
(5) J. Lendrevie et D. Lindon, « Mercator », éd. Dalloz, p. 526.
(6) J.-P. Pécoul et M. Santi, Fortune faite. L’expérience des grands créateurs d’entreprises français du XXè siècle, éd. Dunod, p. 22.

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