Série : L’essentiel
didactique
« Etre tout seul sur le
marché n'est pas stimulant, le soleil brille pour tout le monde »
Un dirigeant d’entreprise
Dans un univers où les concurrents
sont de plus en plus présents et actifs, il faut constamment chercher à faire
les choses mieux et plus rapidement. L'instabilité s'accentue et la capacité de
réaction aux changements est devenue un facteur décisif. Celui qui n'avance pas
recule ; il y a fatalement des perdants et des gagnants. Les entreprises efficaces
et innovatrices se développent aux dépens des entreprises inefficaces et
sclérosées ; elles parviennent même à les évincer du marché.
Le marketing, dans sa définition même,
intègre nécessairement cette réalité (1) : cela consiste à
satisfaire le consommateur mieux que ne pourrait le faire le concurrent.
La société 3M utilise sa formidable assise technique pour créer des marchés
complètement nouveaux ou pour modifier les données concurrentielles des marchés
existants.
La concurrence est perçue comme un
ensemble d'adversaires. Mais qui sont-ils ?
Identification des concurrents
Nombre de dirigeants ont une
connaissance superficielle de leurs concurrents. Il arrive qu’ils se trompent d’adversaire,
en se focalisant sur celui dont ils entendent beaucoup parler et qui n’est pas
toujours le plus dangereux.
Non seulement il ne faut pas se
méprendre, mais l'analyse doit se faire de façon prospective.
Au-delà des concurrents actuels, il faut voir par avance, pouvoir débusquer les
concurrents futurs. « Les monopoles
ne sont pas éternels. A moins que le gouvernement ne les renforce, ils restent
sous la menace d'éventuels concurrents ou substituts, sur le marché intérieur
ou à l'étranger. A la question du nombre d'entreprises nécessaires à la
concurrence, Arthur Laffer répond : une seule. Elle sera toujours sous la
menace de futurs rivaux ». (2)
Il n’y a pas lieu de se situer par
rapport à la concurrence indépendamment du client. A quoi cela
servirait-il de surpasser une marque rivale dans un domaine sans importance
pour le client ? Il ne convient pas non plus d’appréhender les menaces dans
l’absolu. La concurrence est toute relative.
Pour une PME, telle grande entreprise est un concurrent redoutable, mais
l'inverse n'est pas vrai. Tout est affaire de dimensions et de parts de marché.
Ce qui nous rappelle la notion de part de marché relative (PMR), abordée dans
un autre papier. (3)
Le concurrent, qui plus est,
n’intervient pas nécessairement sur tous les fronts, ne menace pas en totalité
nos activités. « A proprement parler, il n'y a que des moments de
concurrence entre entreprises ; la concurrence est limitée dans le
temps. Elle l'est aussi dans l'espace des marchés et des produits.
Rares sont les entreprises qui s'affrontent sur toute la ligne, c'est-à-dire
dans les mêmes marchés avec exactement les mêmes produits ». (4)
Rivalités et émulation
Le contexte actuel est caractérisé
par une offre pléthorique et la variété des produits offerts. Dans un
hypermarché comme Marjane, on trouve une profusion de marques de shampooing, de
thé vert, de confiture, etc. Le consommateur, plus que jamais, tend à
s’informer, à comparer les articles proposés, à fixer librement ses choix.
Sur un territoire encombré, les entreprises
se battent pour garder leurs parts de marché, fidéliser leurs clientèles. Les
rivalités sont intenses et les barrières à l'entrée deviennent très élevées. Ces
barrières sont en fait des atouts et des aptitudes distinctives dont jouissent
les marques établies : qualité supérieure, disposition exclusive d'un produit
nouveau, domination du circuit de distribution, importantes économies d'échelle…
La concurrence est une variable
semi-contrôlable. Il faut être en mesure d'évaluer sa position par rapport
aux adversaires les plus proches, de suivre attentivement leurs actions et
performances : chiffre d'affaires, parts de marché, prix pratiqués, présence
aux points de vente, lancement de produits, messages publicitaires
(informations obtenues à partir de panels, par une étude documentaire, par
observation).
On peut réagir à l’action d'un
concurrent par divers moyens : baisse des prix, campagne promotionnelle
vigoureuse, différenciation ou innovation… « Si un concurrent lance un
modèle nouveau, on lui en lance dix dans les jambes », disait un industriel
combatif. Dans le secteur de téléphonie mobile, lorsque Maroc Telecom
avait naguère déclenché une baisse des prix, les autres opérateurs étaient bien
obligés de suivre. De même, lorsque la facturation à la seconde a été lancée,
la concurrence a aussitôt riposté. Le marché du crédit à la consommation est
aujourd'hui en ébullition : on assiste au lancement de produits de financement
de plus en plus complexes et ciblés. Des modes divers sont proposés : crédit
bancaire, crédit-bail (professionnels), crédit à la consommation, leasing (particuliers).
Les banques ont choisi d'investir davantage ce marché et la bataille avec les
sociétés de crédit est de plus en plus rude.
La concurrence, on s’en doute, ne se
limite pas à l’espace national. Peu d'entreprises peuvent échapper à la tourmente
de l'ouverture des frontières, à la compétition à l'échelle mondiale. L’e-concurrence
est désormais une réalité : si la firme Boeing a besoin d'une référence précise
de ceinture de sécurité, elle émet son appel d'offres vers des fournisseurs à
travers le monde. Ceux-ci proposent leurs prix et leurs disponibilités en temps
réel. Internet permet à chacun d'acheter ce qu'il veut, partout et à n'importe
quel moment.
La concurrence, en permettant de
faire mieux, peut être un facteur d’amélioration et d'innovation. Au XVIIIème
siècle, Adam Smith écrivait que « le
monopole est l'ennemi de la bonne gestion des affaires ; la concurrence libre
et universelle, au contraire, oblige chacun à bien gérer ses affaires pour
pouvoir se défendre ». (5) La rivalité dans l'innovation
est sans doute la forme moderne de concurrence la plus importante. La
compétition s'exerce de façon intense dans les services de Recherche & Développement.
Elle force les organisations à relever le défi ou disparaître. C'est la concurrence qui explique le saut
qualitatif de Maroc Telecom. Ce phénomène a permis à l'opérateur
national de se tailler la part du lion sur le marché de téléphonie mobile (47,07 % du marché).
Concurrence
déloyale et plagiat
La concurrence doit assurément être
loyale et répondre aux règles de conduite commerciale. Actuellement, deux
marques de fromage fondu se côtoient sur le marché marocain : La vache
qui rit (société Sialim) et Or blanc (groupe Copralim). Entre
les deux, la ressemblance est frappante (traits bleus, vache souriante). Pour
le fabricant pénalisé, le lancement de ce nouveau produit atteste d'une volonté manifeste de créer une
confusion auprès des consommateurs. Le producteur plagiaire ne cherche-t-il
pas à capitaliser sur la notoriété de la marque originelle ? N’est-ce
pas un cas de concurrence déloyale ? Sur
le marché du détergent, Unilever lance une campagne
promotionnelle de grande envergure afin de fidéliser sa clientèle. Une semaine
après, son principal concurrent Procter & Gamble riposte avec le
même concept. Le but de ce plagiat est clair : s'arroger tous les effets de la
campagne initiée par son rival.
L’appropriation maquillée des noms et
signes d’identification
vise à créer la confusion de façon encore plus flagrante. En général, on copie l’élément
figuratif et on invente des dénominations dont l'intonation est presque
identique. Si la marque Duracell
(Gilette) a vu jadis son chiffre d’affaires baisser, c’est à cause de
Duramex et de Duralex, deux imitations parfaites. Entre les chewing-gums Clark’s et
Flash, le graphisme et le jeu
de couleurs sont quasi identiques. L’huile Lousra a copié l’emballage,
la couleur et le logotype de Lesieur. Mic ressemble à s’y
méprendre à Bic (symbole, typographie)… Comment distinguer le vrai du
faux ?
L'entreprise qui lance un nouveau
produit le fait pour disposer d’un avantage distinctif, d’une position unique. Lorsque
l'idée innovante est protégée par un brevet elle ne peut en principe se
diffuser auprès des concurrents. Or, en
pratique, le dépôt d’un brevet accorde rarement un véritable avantage à
l'inventeur. L'OMPI (Office Marocain de la Propriété Industrielle) est
chargé de recevoir l'enregistrement des nouvelles marques, brevets d'invention,
dessins et modèles, mais le législateur ne lui confère aucun droit de contrôle.
La responsabilité est assumée par l'entreprise dont le produit a été ou risque
d’être contrefait.
De fait,
peu d'innovations échappent à l’imitation. Le créatif doit s'attendre à ce que
son apport soit rapidement copié. Les imitateurs, qui n'ont pas assumé le coût des
recherches, profitent des nouvelles idées presque autant que les inventeurs. Il serait vain de les poursuivre par
des procès coûteux et aléatoires. Qui plus est, de nombreuses innovations ne
sont pas brevetables et les
sanctions prévues par le législateur n'ont qu'un effet palliatif.
L'ampleur de la contrefaçon donne lieu à des estimations
diverses. On
pense que son poids représente aujourd’hui 5 % du
commerce mondial.
Au Maroc, les produits contrefaits proviennent
principalement d’Asie du Sud-est, de la Chine en particulier. Le marché des lunettes, des montres,
des briquets, des stylos, des articles en cuir constituent le champ de
prédilection des contrefacteurs. Des marques mondialement connues telles Swatch,
Ray Ban, Chanel et Calvin Klein sont constamment contrefaites.
Le préjudice subi est considérable.
Thami
BOUHMOUCH
Septembre
2013
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(1) Voir à cet égard : « Saisir Le
Marketing en tant que concept multidimensionnel », http://bouhmouch.blogspot.com/2012/04/de-la-portee-multidimensionnelle-du.html
(2) George
Gilder, « Richesse
et pauvreté », Albin Michel
1981, p. 51. Je
souligne.
(3) Cf. « Mesurer
le marché : les principaux indicateurs », http://bouhmouch.blogspot.com/2013/07/mesurer-le-marche-les-principaux.html
(4) J.-P. Sallenave et A. d'Astous, « Le
marketing, de l'idée à l'action », éd. Simex, pp. 199-200. Je
souligne.
(5) George
Soule, « Qu'est-ce que l'économie politique ? », Nouveaux
Horizons 1980, p. 67.
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