Série : L’essentiel
didactique
On ne le répétera jamais trop :
l'entreprise est tenue de surveiller en permanence son champ concurrentiel. Si
elle maîtrise les informations disponibles à l’extérieur, elle peut utilement
se remettre en cause. Le dirigeant qui s'enferme dans ses certitudes est
incapable de réagir de manière appropriée aux assauts de l’adversaire. Plus la
concurrence est dure, plus il est indispensable de s’informer, plus vite et
mieux que les autres. Un leader ne le reste que par le maintien de son avance. La
connaissance étant le nerf de la guerre commerciale, une veille pointue et
systématique est mise en œuvre.
Une veille systématique et proactive
La veille est un mode de recherche tous azimuts de l'information, une surveillance étroite de l'environnement à des fins décisionnelles. C’est un processus permanent et itératif par lequel l'organisation cherche à réduire son incertitude. Elle vise à alerter les principaux responsables par la diffusion de signaux sur les opportunités ou/et les dangers détectés sur le terrain. Elle a une finalité tant stratégique qu’opérationnelle. Portant à la fois sur le long terme et le court terme, elle permet aussi bien de s’engager dans un nouveau domaine d’activités que de modifier le prix ou l’emballage d'un produit.
La veille n'est pas pour autant une boule de
cristal ; elle ne peut nullement prédire l'avenir. Elle fournit, non pas
des données exhaustives et sûres, mais des approximations de ce qui se passe sur
le terrain.
La veille ne se limite pas
non plus à un système informatique et des logiciels spécialisés. Il est vrai qu’elle a été révolutionnée par l'arrivée des moteurs de
recherche sur le web, que l’outil informatique
facilite le traitement des données recueillies, mais l'interprétation et
l’appréciation de celles-ci sont le fait uniquement des hommes qui comptent
s’en servir. Seul
l’élément humain peut donner un sens à l’information et la transformer le cas
échéant en moyens d’action. La veille est avant tout une
intelligence dans l’analyse et la décision.
L'activité de veille enfin
n'est pas une trouvaille du temps présent : on y a recourt depuis que le
monde des affaires existe, bien qu’elle ait été désignée par des appellations diverses
(renseignement stratégique, documentation, observation des marchés…). Mais aujourd’hui l’information commerciale s'affirme comme une ressource déterminante au plus haut point. L’entreprise apparaît bel et
bien comme un système qui introduit des informations pour les transformer en
décisions et en actions. (1) Elle se dote d’une cellule de
veille, chargée de faire ressortir les compétences distinctives des
concurrents, leurs objectifs (affichés), leurs domaines d'excellence, leurs
points faibles (d’où l’appellation « observatoire de la concurrence »).
Si l’adversaire est sûrement conscient de ses forces, il l'est moins de ses points
faibles, qui peuvent être exploitées stratégiquement.
Autour de nous, les sources d’information
ne manquent pas : les sites web des concurrents, l’observation sur le terrain
de leurs produits et campagnes publicitaires, les salons professionnels, les
congrès et colloques, la presse professionnelle (papier, web)… (2) De
plus, nos fournisseurs (qui sont aussi ceux des concurrents) ainsi que nos propres
clients peuvent contribuer à une meilleure connaissance du marché.
C’est ici le point majeur : dans un contexte de rivalités et d’incertitudes
exacerbées, l’attitude à l’égard de
l’information et les modes d’investigation
se devaient d’évoluer. La veille n’est plus assimilée au renseignement, ne se réduit plus à une logique
réactive. Il faut, plus que jamais, être capable de vivre dans la turbulence, de
prévenir les risques et les contraintes, d’anticiper les
mutations du champ d’activités. C’est une telle exigence en fait qui a donné
lieu à la notion d'intelligence économique. (3)
Cette notion implique le dépassement des procédés plutôt partiels désignés par le vocable de veille… Toutefois, il ne convient pas d’opposer l’une à l’autre. « L'intelligence
économique [est] un concept globalisant, intégrant l'ensemble de ces
différentes approches à la fois. Autrement dit, faire par exemple de la veille
technologique contribue à faire de l'intelligence économique mais ne suffit pas
à faire de l'intelligence économique ». (4)
L'intelligence économique ou intelligence
marketing, non seulement elle inclue le processus de veille, mais elle contribue
à la dimension stratégique des décisions. C'est fournir la bonne
information, au bon moment, à la bonne personne pour lui permettre de
prendre la bonne décision. Au-delà de la nécessaire aptitude à réagir, c’est un
processus proactif : elle permet de répondre au changement autant que
d’anticiper les ruptures et les tendances
de demain. (5)
Le
benchmarking
Comment améliorer les processus, impliquer
pleinement le personnel, coller aux attentes du client, consolider l’image de
marque, réussir sur le marché ? A ces questions, le manager s’attend à trouver
ailleurs des réponses originales et opérantes. Il s’efforce de trouver des
modèles dans les organisations les plus innovantes, ayant des modes de fonctionnement
exemplaires. L’entreprise qui apprend, repense son action et tend à s’améliorer…
Telle est en un mot la problématique du benchmarking.
Apparu aux Etats-Unis au début des
années 80, le benchmarking est une
démarche continue d’observation et d’évaluation des meilleures pratiques de
gestion. Il peut porter sur les procédés d'organisation comme sur l’action
marketing. L’idée provient du benchmark, un mot emprunté aux géomètres
désignant un point de référence pour des comparaisons de direction et
d'élévation. Il s'agit de se servir des expériences exogènes les plus significatives
comme d'un étalon, de comprendre les clés des performances afin de s'en
inspirer. Bien conduite, la démarche peut faire réaliser des économies
substantielles.
Ici se pose une question inévitable
: est-il possible que les entreprises laissent filtrer des informations
précises sur leurs attributs et pratiques ? Dans un contexte de compétition, on
se doute bien que les possibilités de dialogue et de partage sont a priori
limitées. Chacun des intervenants est censé être discret sur sa politique et sa
façon d’agir… Pour autant, on sait que l'information est de moins en moins verrouillée ; les
managers qui cherchent à la recevoir, consentent
aussi à la fournir. Elle est recueillie ici et là par observation et par
déduction — les sources externes étant multiples et de plus en plus variées. Tel
dirigeant organise des réunions périodiques avec ses collaborateurs, au cours desquelles
les moyens mis en œuvre et résultats atteints sont comparés le mieux possible
avec ceux de la concurrence.
En fait, pour tendre vers
l'excellence, le benchmarking va beaucoup plus loin que la surveillance
traditionnelle des concurrents. Il permet à l'entreprise apprenante de trouver
des points de repère en dehors de son cadre habituel (son métier). Il n’est pas
nécessaire que l’entité de référence soit un concurrent. Nombre d’entreprises
marocaines dans des secteurs divers gagneraient sans doute à s’inspirer des
chaînes McDonald’s, de leurs modes de fonctionnement et
de leur adaptation constante au marché. En France, il est arrivé au
constructeur d’automobile Renault d’étudier les pratiques de Darty
(grande distribution) et celles du groupe Novotel (hôtellerie) concernant
l’écoute des clients, comme celles de Nestlé (agroalimentaire) et d’Air Liquide (gaz industriel) pour
ce qui est de la réduction du nombre de niveaux hiérarchiques…
Thami
BOUHMOUCH
Septembre
2013
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(1) Cf. article : « S’informer
pour prendre des risques calculés » http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/sinformer-pour-prendre-des-risques.html
(2) Notons à ce sujet qu’au Maroc, la
société Imperium média, un fournisseur d'informations économiques et
marketing, propose une profusion d’articles répertoriés, en plus d’une médiathèque
publicitaire.
(3)
Cf. deux articles : « L’information,
outil de décision et de gestion » http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/reduire-le-risque-par-linformation.html ; « L’information
commerciale : résistances et quiproquos » http://bouhmouch.blogspot.com/2011/11/linformation-commerciale-resistances-et.html
(5) Au Maroc, plusieurs organismes sont
impliqués : le Centre de Veille Stratégique, le Centre d'Analyses
Economique et des Etudes prospectives, l’Association Marocaine d'Intelligence
Economique…
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