Le concept de marketing, à y
regarder de près, ne se comprend pas sans difficulté. En évoluant, en s'élargissant
singulièrement, il est devenu quelque peu malaisé. La définition lapidaire proposée
dans un article précédent (1), avait pour but simplement d’avancer
une première approximation. Le moment est venu maintenant de donner un sens
élargi au concept, de le cerner de façon formelle.
Une définition destinée aux initiés,
à ceux qui savent à l'avance ce qu'est le marketing n'aurait pas d'intérêt
réel. Il n'est pas nécessaire non plus de chercher à être
« exhaustif », à condenser dans quelques lignes toutes les facettes
de la discipline. A ce titre, il est possible de distinguer deux catégories de
définitions. Les définitions en compréhension visent à saisir l'essence
du concept en retenant un ou plusieurs attributs fondamentaux. L'inconvénient
est qu'elles sont souvent abstraites. Les définitions en extension,
elles, s'efforcent d'être « précises » en énumérant la plupart des éléments
qui composent l'objet étudié – mais il y aura toujours quelqu'un pour leur
reprocher d'être « incomplètes ».
Les définitions du marketing
abondent et varient largement selon les auteurs. Certaines sont justes et rigoureuses,
d'autres sont réductrices, énigmatiques ou s'écartent même du principe
fondamental de la discipline. Les philosophes affirment à bon droit que
l’extension d’un concept est toujours inversement proportionnelle à sa compréhension.
En 1960, l 'American
Marketing Association adoptait une définition qui prêtait réellement à
équivoque : « Le Marketing est la mise en œuvre des actions destinées à
diriger le flux des marchandises ou des services du producteur vers le
consommateur ou utilisateur ». (2) Ici, visiblement, le
concept de marketing est confondu avec celui de commercialisation, lequel exprime l'idée d'un écoulement passif des produits.
Le concept de marketing, en fait, déborde
largement l'action commerciale stricto sensu ; il va de pair et
s'accorde intrinsèquement avec le principe de souveraineté du client. L'échange
sur le marché se réalise par des mécanismes fondés sur ce principe. Plus
exactement, le marketing est « l'ensemble des techniques ayant pour
objet d'évaluer les besoins et les intentions du consommateur et, en fonction
de ces données, d'élaborer des stratégies afin de peser sur les décisions
d'achat ». (3)
Pour J.-J. Lambin, qui abonde dans
ce sens, le marketing est « le processus social, orienté vers la
satisfaction des besoins et désirs d'individus et d'organisations, par la
création et l'échange volontaire et concurrentiel de produits et services
générateurs d'utilité ». (4)
Certains auteurs, comme Lendrevie et
Lindon, ont tenu à étendre leur définition aux secteurs non marchands et, partant,
ont utilisé des termes plus généraux : « Le marketing est l'ensemble
des méthodes et des moyens dont dispose une organisation pour promouvoir dans
les publics auxquels elle s'intéresse, des comportements favorables à la
réalisation de ses propres objectifs ». (5) Certes, cette
discipline ne s'applique pas seulement aux activités commerciales... l'anomalie
toutefois saute aux yeux : le propos donne à penser que l'essentiel pour une
organisation est d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés (sans bien sûr
aucune précision), quitte à peser sur le public cible, peut-être même à le
manœuvrer. Cette méprise est d'autant plus frappante qu'elle est corroborée
dans le cas spécifique de l'activité marchande : « l'ensemble des
moyens dont dispose une entreprise pour vendre ses produits à ses
clients d'une manière rentable ». (6)
La définition que je voudrais
adopter, pour ma part, s'efforce d'éviter les excès à la fois de la
généralisation et de l'exhaustivité, lesquels obscurcissent la compréhension du
concept.
Le marketing est l'ensemble des actions mises
en œuvre de façon coordonnée par
une entreprise, pour découvrir,
analyser et anticiper les
besoins solvables des consommateurs, en vue de concevoir au mieux et de façon rentable le produit approprié.
Cette définition se limite à la
sphère marchande de l'économie et n'est donc pas généralisable à l'ensemble
des organisations. Si j'ai employé intentionnellement des termes restrictifs,
c'est pour mettre l'accent sur l'essentiel :
- La compréhension préalable des besoins
- La relation d'échange
- La nécessité d'une gestion coordonnée et orientée vers le profit
- L'obligation de faire
mieux que le concurrent.
Au demeurant, n'oublions pas que le
champ d'application par excellence du marketing est constitué par les
organisations ayant une vocation commerciale ou lucrative. Ainsi, à la
différence de la commercialisation, le marketing doit être compris comme un
concept multidimensionnel.
Il implique quatre éléments majeurs
:
1- L'instauration d'un nouvel état
d'esprit : la priorité est accordée à la détection, l'analyse et la
satisfaction des besoins (conformément à l'orientation client). Les décisions
et les moyens d'action ne sont utiles et efficients que par cette démarche. La
nouvelle culture, axée sur le marché, est définie et prend son élan au plus
haut niveau de l'entreprise. Attention, il ne s'agit pas seulement de répondre
à la demande ; l'esprit marketing suppose de percevoir les attentes avant les autres. L'entreprise est proactive, prend le risque d'anticiper, de créer le futur.
2 - La satisfaction de la demande va
de pair avec la satisfaction du producteur – i. e. la recherche du profit. L'activité marketing n'est pas
une fin en soi ; elle est au service des objectifs de l'entreprise. Rappelons
: un produit réussi est un produit qui, tout en répondant strictement aux attentes
du public cible, est vendu avec profit. Seuls les besoins solvables et rentables sont considérés. (7) Le nouveau paradigme est donc sous-tendu
foncièrement par l'impératif de rentabilité.
Il ne s'agit pas d'une simple contrainte mais d'une nécessité vitale, d'une
finalité primordiale. Sans le profit, l'entreprise est-elle viable ?
3 - Le marketing recourt à un
ensemble de techniques de plus en plus rationnelles et élaborées. Comme la plupart des disciplines de
gestion, il emprunte largement aux enseignements des sciences et à leurs
méthodes. La connaissance des besoins fait appel aux études de marché dont
l'élaboration et le traitement amènent à utiliser des procédures rigoureuses.
De même les décisions stratégiques peuvent s'appuyer sur des méthodes de
formalisation des problèmes et de modélisation plus ou moins sophistiquées. Le
caractère pluridisciplinaire de la démarche et des outils utilisés constitue un
des traits majeurs du marketing. L'investigation et l'analyse en effet font
appel, sans aucun ostracisme, à un corps de disciplines très diverses telles la
psychologie, la sociologie, l'économie, la science de l'organisation, la
statistique et l'informatique. Cette dernière permet de saisir, de traiter et
de stocker une masse considérable de données.
4 - L'activité commerciale émane et
s'insère dans une organisation programmée. Au sein de
l'entreprise, tous les services impliqués travaillent sous l'autorité du
directeur du marketing, lequel est responsable de la coordination structurée
de l'ensemble. C’est parce que le marché est au centre des préoccupations, que
le marketing occupe une place
privilégiée. C'est la fonction primordiale autour de laquelle
gravitent toutes les autres. Le marketing, conçu et appréhendé dans une approche
systémique, implique une collaboration active et cohérente avec les
autres fonctions.
Mais là ne se limitent
pas les repères essentiels : il est possible d'appréhender le concept de marketing
de façon plus analytique à partir de son contenu. L'approche rigoureuse de ce
concept – l'expérience le montre – est entravée surtout par une compréhension
approximative des notions de base.
Ce sera l’objet du prochain article.
Thami
BOUHMOUCH
Avril
2012
________________________________________________
(1)
Cf.
article « La préhistoire du marketing », in http://bouhmouch.blogspot.com/2012/01/13-la-prehistoire-du-marketing-il.html
(2) Définition citée par M. Benoun, Marketing, savoirs et savoir-faire, Economica.
(3) Une définition remarquable
proposée par l'Encyclopédie Microsoft
Encarta 2002.
(4) J.-J. Lambin, Le marketing
stratégique, Mc Graw Hill.
(5) J. Lendrevie et D. Lindon, Mercator,
Dalloz.
(6) Ibid. Je souligne.
(7) Cf. article
« Le marketing obéit-il à une morale égoïste ? », in http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/le-marketing-obeit-il-une-morale.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire