Série : Marketing
stratégique
A vous de comprendre ce que vous faites mieux
que quiconque et d’y concentrer résolument vos efforts.
A. Grove, Intel
Un
produit, on le sait, est toujours destiné à une cible déterminée. Produits et
marchés existent les uns par rapport aux autres. Que voulons-nous vendre et à
qui ?… De fait, toute entreprise est amenée à proposer une offre adaptée à
la diversité de sa clientèle. Ses activités sont définies par un croisement
entre des familles de produits et des catégories de clients (ou
besoins). C’est ce qu’on appelle les domaines d’activité stratégiques (DAS) – que
l’on se doit de choisir, une fois la mission définie, dans le cadre de la
politique générale.
Que
signifie au juste un DAS, quel est l’enjeu de son identification ?
Les domaines
d’activité
Le
domaine d’activité stratégique ou strategic business units (SBU) est une partie de l’activité exercée par une organisation ; c’est un ensemble de produits ayant des caractéristiques
spécifiques, issus d'une base de compétence technologique
commune, répondant aux besoins d’une clientèle particulière. Il est défini en effet en fonction de 3
dimensions : la catégorie de clientèle, les besoins visés, la technologie
utilisée. Ainsi, les DAS d’un hôtel sont l’hébergement et éventuellement la
restauration. Une banque cible à la fois les particuliers, les PME et les
Grandes entreprises. Telle maison d’édition se compose de 3 unités :
le scolaire, la fiction et les encyclopédies.
Hormis
le cas des PME, les entreprises ne se limitent pas à une seule famille de
produits, une seule catégorie de marchés. Elles gèrent un portefeuille d’activités
regroupant plusieurs domaines, au sein de chacun desquels elle propose un ou plusieurs
couples produit-marché. C’est donc un ensemble comprenant les unités d’activités
stratégiques et tous les produits qui les composent. Chacune des unités a ses propres
concurrents et peut-être sa mission spécifique. Elle est gérée par un responsable
et dotée d’un plan stratégique distinct. Elle doit concourir à la réalisation
de l’objectif global et dispose pour cela (indépendamment des autres unités)
des ressources adéquates. Les
8 pôles du groupe 3M, présentés sur sa page web « Produits et services » sont :
Signalisation & Communication Graphique ;
Electronique, Electrique & Communications ; Santé ; Maison &
Loisirs ; Production & Industrie ; Bureau ; Sécurité &
Protection ; Industrie du transport. (1)
On
notera ici que le découpage du champ d’activités global en DAS correspond à la segmentation
stratégique ou macro-segmentation. Un domaine
équivaut à un segment stratégique et peut comprendre plusieurs
micro-segments ou segments de marché… Considérons le cas de l’automobile. A
l’intérieur du macro-segment des voitures pour
particuliers, il y a plusieurs micro-segments, selon les catégories de
clientèle. Tous les modèles ou versions (selon
la taille, la motorisation, etc.) sont
fabriqués dans les mêmes usines et vendus dans le même réseau de distribution. S’agissant
des boissons non alcoolisées, on peut distinguer deux DAS :
sodas et eaux de table. A partir de là, plusieurs micro-segments sont
visés selon les arômes des sodas, la propriété de l’eau (pétillante,
plate, minérale), le packaging (verre, PET, carton, métallique) et les
clients (GMS, traditionnels, CHR, export).
La
segmentation stratégique ne doit donc pas être confondue
avec la segmentation marketing
(de marché) bien connue – laquelle a pour but de réaliser un ciblage, en répondant aux
besoins par un couple produit-marché et un mix appropriés. La première notion inclut la seconde… Une
telle distinction est délicate en pratique, car elle dépend de la
définition du produit (large, étroite, au sens technique…) et de celle du
marché. Illustrons cela par un exemple révélateur.
Le groupe Vivendi Universal opère dans 5
grandes divisions : Musique, Edition, Cinéma & télévision, Téléphonie,
Internet. A première vue, on pourrait considérer que chacune de ces activités
constitue un DAS spécifique. Or, dans la division Edition on distingue les
magazines, les livres et les jeux vidéo, qui pourraient constituer des DAS distincts.
Il en va de même du téléphone fixe et de la téléphonie mobile composant la
division Téléphonie. Réciproquement, avec la convergence des nouvelles technologies,
la télévision interactive constituerait une activité commune aux divisions Cinéma
& télévision et Internet. On constate ainsi que la définition
des DAS, non seulement dépend de celle des produits, mais elle évolue au cours
du temps… (2)
Gestion
du portefeuille d’activités
Une
entreprise ne saurait définir une ligne stratégique globale sans tenir compte
de ses différents domaines d’activité (à moins de se limiter à un seul). Le
portefeuille de domaines est la pierre angulaire de l’activité ; son
choix constitue l’élément de base de la planification, une option stratégique
capitale qui contribue à la politique générale. Dès lors, il doit être analysé,
évalué et bien géré. Sa configuration souhaitable est arrêtée au plus haut
niveau. Le manager raisonne à partir de ce qui est disponible, de ce qui risque
d’arriver, de ce qui doit être fait. L’idée est de consacrer les efforts
financiers et commerciaux aux produits qui s’inscrivent le mieux dans la ligne
tracée. C’est un problème d’équilibre et de pondération. Il s’agit d’identifier les segments
porteurs de croissance, de décider de l’importance relative à accorder à chacun
d’eux (ressources), de formuler une stratégie spécifique, de définir un avantage distinctif
– effectif
ou potentiel – et s’employer à le développer.
Les
produits toutefois ne sont pas immuables : leurs caractéristiques, les
perceptions que le marché peut en avoir évoluent dans le temps. Une activité
peut voir sa position s’affaiblir progressivement. Pour échapper à un tel
déclin, l'organisation évalue les domaines actuels en fonction de sa situation
sur le marché. De là, elle décide d’augmenter ou de réduire le nombre
de DAS, retient les plus intéressants ou/et ceux présentant le moins de risques.
Lequel renforcer, lequel conserver, lequel abandonner ? Elle peut être amenée à redéfinir sa mission ou même à la refondre.
Dans
le cadre d’une stratégie de diversification, le manager peut décider
de conquérir tel marché, d’investir dans un nouveau domaine (pour remplacer
celui qui est abandonné). La nouvelle activité, plus ou moins liée à celle
d’origine, requiert forcément l’acquisition d’un nouveau savoir-faire, voire
d’un nouveau métier. (3) C’est ainsi que le fabricant d’aliments
pour bébés Gerber, dont le slogan était « Gerber prend soin des
bébés, rien que des bébés » s’est lancé dans l’imprimerie et
l’assurance. De son côté, l’opérateur de tabac Reynolds Tobacco (Marlboro) a
opté pour l’agroalimentaire (rachat de Nabisco)
et le vêtement…
Encore
faut-il prendre garde aux périls du métier mal connu. La société Sapak, spécialisée
en charcuterie et volaille (marque Koutoubia), s’est implantée contre
toute attente dans un domaine totalement nouveau : l’immobilier. Le groupe
a investi lourdement dans un domaine inaccoutumé. La décision comporte le risque de s’aventurer sur un terrain insuffisamment
maîtrisé. (4) On
ne choisit pas un domaine par hasard ou parce que le marché est prometteur. Afin
de
mesurer ses chances dans un DAS donné, l'entreprise doit être consciente de ses
possibilités
et particularités.
La
gestion du portefeuille d’activités est bien un problème de politique
générale qui dépasse la responsabilité de l’équipe marketing. Pour
autant, si les directions financière, industrielle et des ressources humaines
sont impliquées, la contribution du service marketing est primordiale. Ce service
a pour mission d’examiner la situation effective et le potentiel du marché. C’est lui qui évalue l’intérêt des activités
actuelles, l'attrait des produits de l’avenir, l’enjeu et la faisabilité des domaines
les plus prometteurs. Ses recommandations sont de fait décisives. N’oublions
pas que les objectifs commerciaux, en plus d’être assignés
globalement à la fonction marketing, sont établis au niveau spécifique du domaine
d’activité (par le service qui en est chargé). (5)
Sous
l’angle du marketing, plusieurs méthodes d’évaluation du portefeuille
d’activités ont été développées. C’est le thème du papier suivant.
Thami
BOUHMOUCH
Mars 2016
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(2) Voir : www.ac-nancy-metz.fr/enseign/eco-gestion
(3) Cf.
article : L'entreprise définit sa mission, choisit son domaine http://bouhmouch.blogspot.com/2015/05/lentreprise-definit-sa-mission-choisit.html
(4) Cf. article ibid.
(5) Voir
sur ce point, les deux papiers précédents : Il
n’y a pas de stratégie sans objectifs http://bouhmouch.blogspot.com/2015/09/il-ny-pas-de-strategie-sans-objectifs.html ; Un objectif commercial doit être
opérationnel http://bouhmouch.blogspot.com/2015/09/un-objectif-commercial-doit-etre.html
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