Série : Marketing
stratégique
Les forces et faiblesses de
l'entreprise, nous l’avons vu, sont toujours identifiées et analysées par
référence aux concurrents les plus significatifs. (1) De là ces
questions : comment être performant, mettre en œuvre un plan en impliquant
tous les collaborateurs ? Comment attirer de nouveaux clients tout en gardant les anciens ? Comment repérer et caractériser l'insatisfaction ? Comment mieux
gérer les stocks, mieux livrer les marchandises ?...
Les réponses judicieuses ne sont pas
faciles, mais elles existent bien quelque part. Le benchmarking est né
de ce raisonnement. (2) Il y a avantage à trouver des modèles dans
les entreprises connues pour leurs compétences dans le domaine visé. On ne
réinvente pas la roue ! C’est ce que l’ex-PDG de RAM disait naguère
à juste titre : « A la RAM, nous n'avons pas réinventé le monde. Nous
avons juste procédé au lifting des expériences de ce qui se pratique chez les
majors du transport aérien mondial ». (3)
Le benchmarking, c’est quoi, comment ?
Le
benchmarking (étalonnage)
est un processus continu de recherche,
d’observation et d’évaluation des pratiques de gestion d’une organisation tierce.
Il est
considéré comme « une pêche aux bonnes idées ». Il permet aux
entreprises de ratisser large, d’identifier des sources possibles
d’amélioration, de se donner des objectifs ambitieux. Il concerne tout autant
les grands groupes que les PME.
Le terme benchmark, emprunté
aux géomètres, désigne un repère servant de point de référence pour des
comparaisons de direction et d'élévation. Appliquée au management, la démarche
permet à l'entreprise de trouver des modèles en dehors de son contexte propre afin
de tendre vers l'excellence.
Dans cette optique, le benchmarking « est
l’une des expressions du dispositif d’intelligence économique » et
celle-ci « se situe dans une logique d’apprentissage permanent […],
favorise l’inspiration par l’imitation légale et l’adaptation culturelle ».
(4) L’adaptabilité, en effet, est la pierre angulaire des
stratégies. La capacité d’apprentissage, l’innovation managériale sont le
secret de la compétitivité. Benchmarker n'est pas copier, mais s'approprier
intelligemment les pratiques réussies. L’idée
est de saisir les clés des performances pour s'en inspirer et en retirer le meilleur. Une entreprise qui
apprend se sert des procédés d’autrui comme d'un étalon ;
elle tend à s’adapter, à se remettre en question en fonction des défis.
Le processus suit un ordre
logique. Il consiste d'abord en l'évaluation des ressources, compétences et potentiel de l'entreprise apprenante. Il
commence donc par un diagnostic interne qui détermine les domaines dans
lesquels celle-ci veut s'améliorer. Une entreprise-modèle est alors identifiée,
puis des informations à cet égard sont collectées et évaluées (sources :
médias, organisations professionnelles, récompenses internationales…). Une comparaison
est ensuite méthodiquement effectuée et les écarts constatés sont analysés — donnant
lieu en conséquence à des dispositions d’adaptation.
La démarche, en d’autres mots, « consiste
à sélectionner un thème stratégique (par exemple, le développement des
produits) ou un processus clé (le traitement des commandes, la facturation…) ou
encore une fonction opérationnelle (les achats, l'accueil téléphonique…), puis
à analyser les pratiques d'une ou de plusieurs entreprises tierces, considérées
comme les meilleures dans le domaine choisi, pour en tirer des enseignements
applicables dans sa propre société ». (5) Le
benchmarking porte sur les méthodes et systèmes d’organisation, les politiques marketing, comme sur les tâches opérationnelles (équipe commerciale, service achats…).
D’où, entre autres, le démontage
et l’analyse du produit concurrent, l’étude de la fonction marketing, l’évaluation
de divers procédés, tels le traitement
des commandes, la livraison de marchandises, la gestion des stocks,
le service clients, l’accueil
téléphonique, le suivi des
réclamations…
Le benchmark est un indicateur chiffré — dans
un domaine donné (qualité, délais…) — des
performances réalisées par l’entreprise de référence. Il porte par exemple sur la marge sur chiffre
d'affaires, les ventes par employé, le taux de fidélisation, les réponses aux réclamations… Mais
l’évaluation peut s’étendre à des données qualitatives, c’est-à-dire à l’organisation
en tant que construit humain, à sa culture, à ses croyances et à l'impact de
celles-ci sur la mobilisation de son capital humain.
Quelles entreprises-modèles ?
Peut-on s’inspirer des autres,
reproduire leurs pratiques ? Jusqu’à quel point ?... En toute logique, le
benchmarking implique la réciprocité :
il s’agit d’une analyse comparative qui suppose une attitude coopérative. On cherche en principe
à connaître les points forts de l’autre, tout en acceptant de transmettre des
informations sur ses propres procédés (servant de monnaie d'échange)… On sait
cependant que les entreprises sont rarement disposées à laisser filtrer des
informations précises. Au Maroc, le marché de la margarine est un marché jeune,
constitué de quelques unités de production (dont Margafrique, Indusalim
et Unilever) ; la concurrence étant vive, chacun des intervenants reste
discret sur sa politique et aucun dialogue ne semble possible. Aussi, en pratique,
le recueil de l'information se fait-il par observation, par déduction et par
tâtonnement…
Ici, il faut s’empresser de
souligner un point majeur : l'art de s'emparer des performances d’autrui est
une pratique vieille comme le monde, mais elle a longtemps été cantonnée au
strict champ concurrentiel. Le benchmarking ne se limite pas aux concurrents
; il se combine souvent avec la veille concurrentielle, sans se
confondre avec elle. C’est, peut-on dire, « une des modalités de veille
concurrentielle » (6) La comparaison peut se faire avec des
entreprises de tout secteur. Le benchmarking « ouvre la comparaison à
d'autres secteurs d'activités, parfois radicalement éloignés de celui de
l'entreprise et, au-delà des comparaisons de performance, tente de cerner les
méthodes et les processus opérationnels mis en œuvre par d'autres entreprises ».
(7)
L'entreprise observée, perçue comme plus innovante, ne
fait pas partie nécessairement du même secteur d'activité. Telle banque qui
cherche par exemple à améliorer son taux de fidélisation pourrait s'inspirer de
Club Med (procédés de prise en charge des clients) et du groupe hôtelier
Hilton (culture tournée vers l'accueil)... L’industrie pharmaceutique et
celle du bâtiment ont un point
commun : dans les deux situations, le client final est dépendant du
prescripteur et celui-ci n'est pas le payeur. Ces deux secteurs d'activité très
différents ont à apprendre des méthodes et processus commerciaux l'un de
l'autre.
Thami BOUHMOUCH
Septembre
2015
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(1) Cf. article
précédent : Analyser la capacité stratégique : pourquoi, comment ?
(07/2015) http://bouhmouch.blogspot.com/2015/07/analyser-la-capacite-strategique.html
(2) Cf. article
précédent : Veille itérative et benchmarking (09/2013) http://bouhmouch.blogspot.com/2013/09/veille-iterative-et-benchmarking.html
(3) Cité in L'Economiste
du 29/01/98.
(5) Voir article :
Améliorer ses résultats avec le benchmarking, L'Essentiel du Management,
09/1997.
(7) Article de L'Essentiel
du Management, op. cit.
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