Série : Marketing stratégique
« Être bon n’a pas de sens si les concurrents
sont meilleurs »
Maxime
L'entreprise, avant de décider sur
quel terrain elle envisage d’agir, se doit en toute transparence de regarder
au-dedans d'elle-même, de porter une appréciation globale sur son état de santé
et son potentiel. Elle dresse l'état des lieux, évalue ses ressources, son savoir-faire et ses moyens d'action. Afin de mesurer ses chances dans un domaine
d’activité donné (DAS),
elle doit être consciente de ses possibilités et particularités.
L’analyse interne est appelée diagnostic
d'entreprise ou étude du potentiel ou auto-analyse.
Etude du potentiel : l'état des
lieux
Le nouvel environnement, les
mutations rapides imposent des règles de gestion et de comportement
rigoureuses. L'entreprise est tenue d'évaluer ses forces et ses faiblesses
(effectives ou/et potentielles) pour tenter de tirer le plus d'avantages des premières
et de remédier sans complaisance aux secondes.
Pour qu’il soit réaliste, le
diagnostic d'entreprise n'est pas mené dans l'abstrait mais toujours
par référence aux concurrents les plus dangereux — ceux dont l'action sur
le marché est significative. Car c'est par rapport à eux que les atouts et
contraintes sont mesurés et appréciés. Un peu comme dans le domaine militaire :
avant de tracer un plan de bataille, il faut étudier soigneusement le terrain
sur lequel se déroulera le combat, faire l'inventaire de ses forces et
faiblesses par rapport à l'adversaire.
Ainsi, dans le secteur de téléphonie mobile, les offres et la couverture du réseau de l’opérateur Wana
sont toujours comparées à celles des adversaires Maroc Telecom et Meditel.
L’action commerciale d’Unilever est constamment comparée à celle de Procter
& Gamble. Les
performances et les moyens d’action de Pepsi sont confrontés à ceux de Coca-Cola,
etc.
L’étude est soit réalisée par l’organisation
elle-même (l'état-major,
directeurs des fonctions), soit confiée à un cabinet d’audit indépendant ou un
consultant. Elle est effectuée à partir des documents internes disponibles et de
l’écoute de divers responsables. Il convient de tenir compte à la fois des
ressources tangibles et des ressources intangibles : on
analyse les coûts et rentabilité, les capacités financières, le mix marketing
actuel et les performances quantitatives ; on apprécie aussi la notoriété
et l’image de marque, la qualité du personnel… De plus, comme les facteurs identifiés ne sont pas d'égale importance, ils sont
notés sur une échelle et pondérés. Toutes les faiblesses ne sont pas forcément
pénalisantes ; les plus inquiétantes sont celles qui handicapent l'activité
principale.
Le diagnostic porte pour l’essentiel
sur quatre facteurs clés : les moyens financiers, les capacités techniques, le savoir-faire
marketing et le potentiel humain. C'est grâce à ces facteurs que l'entreprise se
crée, vit et se développe. Leur identification est donc une phase majeure de la
réflexion stratégique.
La situation financière
Mettre en œuvre une stratégie
nécessite des dépenses qu’il faudra supporter pendant un certain délai (sans
rentrées immédiates). Il importe de s'assurer que les capacités financières seront
compatibles avec les choix stratégiques. Il n'y a pas lieu de programmer un
investissement marketing si l'on n'a pas pris connaissance des contraintes
financières. Il s’agit selon le mot plaisant de S. Leacock, de « mettre
l’intelligence du directeur financier en sommeil assez longtemps pour obtenir
de lui l’argent nécessaire ». (1)
L'analyse porte en particulier sur les
sources de financement et le degré d’indépendance financière (fonds propres, endettement
bancaire), l'apport des actionnaires, la trésorerie et le degré de rentabilité. Des documents sont examinés (bilan,
comptes de résultats) et des ratios financiers sont calculés… Telle entreprise
par exemple, où l’augmentation du résultat d'exploitation et le remboursement
des dettes ont affermi sa capacité de financement, est à même de mettre en œuvre
une politique de diversification d’envergure et de développer son circuit de
distribution.
En 2008, en réponse à l’offensive du
concurrent Acima, le distributeur
Label vie a décidé de multiplier ses points
de vente. Il s’est alors introduit en bourse (augmentation de capital) en
cédant 458.150 actions au prix de 1.144 dh. D’où un apport de 524 Mdh destiné à
financer son projet.
Les capacités techniques
L'étude porte sur l'outil de
production et le savoir-faire technique, les procédures de qualité et le système
de contrôle, les moyens affectés à la recherche et les projets d’innovation
(département R&D), les sources d'approvisionnement et les coûts de
production, l’outil informatique…
Le chocolatier Aiguebelle Maroc dispose d’une
usine bien équipée et d’un système de contrôle de la matière première. Il se
soumet à des normes de qualité (ISO 9001 en 2003 et 2010) et procède à des
innovations constantes conformément au marché. (2) De tels atouts sont évalués par référence à son principal concurrent Pastor.
Le savoir-faire marketing
L'entreprise s’impose moins par ses
ressources matérielles que par sa connaissance profonde du marché, ses
capacités d'adaptation stratégique. On imagine les chances de survie que peut
avoir une organisation où l’information circule mal, où les moyens marketing mis
en œuvre manquent de cohérence, où le positionnement choisi est confus et les
actions de communication restreintes…
L’audit marketing consiste à effectuer une analyse complète des forces et
des faiblesses de l’action marketing, de vérifier la cohérence entre les
objectifs et les décisions prises. Il porte sur l’évolution des performances
quantitatives (part de marché, rentabilité, présence dans la distribution),
l’organisation du service marketing ainsi que ses relations avec la direction, la
force de vente et les autres services, les choix stratégiques, le système d’information…
(3)
Le potentiel humain
La décision stratégique et la mise
en œuvre du plan adopté dépendront de l’exécution ! Une entreprise,
en effet, doit sa force à l'implication et la mobilisation de son capital
humain. Elle ne peut fonctionner correctement sans que les divers collaborateurs
en soient motivés. Il importe de vérifier que ceux-ci seront en mesure
d'appliquer la politique choisie. Pourra-t-on lancer un produit de haute
technologie si le personnel disponible n’est pas apte à en assurer la
fabrication ? Peut-on pousser les employés à être plus efficients sans
enrayer les conflits avec la hiérarchie, sans reconnaître et saluer l'apport de
chacun ?
Plus le personnel est valorisé, se
sent appartenir à une organisation, plus il est enthousiaste et productif.
C'est de lui que dépend la satisfaction du client et donc la pérennité de
l'entreprise. « On recrute les gens,
pas pour les rendre heureux mais pour qu'ils travaillent. Si en plus on arrive
à les rendre heureux il y a vraisemblablement un gain de productivité ».
(4)
De là, l'étude porte sur les
qualifications et motivations du personnel, la qualité du travail effectué, le
climat social, les tensions et grèves éventuelles, le style de management, les
dispositions au teamwork, la communication interne…
A l’OCP (phosphates), il y a peu,
les restaurants étaient affectés aux salariés selon le grade ; la règle
d’or était en substance : « Exécuter sans discuter, ne pas contester les
idées du chef ». A l’inverse, Icomail (confection) mise sur
l'esprit d'équipe et les valeurs de solidarité ; divers avantages sociaux sont
prévus : primes de productivité, 13ème mois, cantine, cabinet médical… Chez Steelcase
Strafor (mobiliers de bureau), l'employé qui réalise entièrement ses
objectifs reçoit une prime consistante. La rémunération personnalisée motive le
personnel et contribue à la qualité. Le fabricant est devenu tellement sûr de
la qualité du travail effectué qu'il a depuis longtemps haussé la période de
garantie de ses produits à 5 ans.
Thami BOUHMOUCH
Juillet
2015
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(3) Certains sites
proposent un audit marketing gratuit. Celui-ci s’effectue
rapidement au moyen d’un questionnaire en ligne et permet d’obtenir une
première synthèse des besoins réels de l’entreprise en marketing (stratégie,
produit, développement commercial et communication). Des audits plus complets
et personnalisés sont réalisés par des sociétés spécialisées. Cf. www.businesspme.com/articles/marketing
(4) H. Hotier,
interview (1993) in L'Economiste http://www.leconomiste.com/article/hugues-hotier-directeur-de-linstitut-des-sciences-de-linformation-de-bordeaux-quotles-discou
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