Série : Marketing
stratégique
L’évaluation des acteurs et des
macro-tendances de l'environnement (cf. papier précédent) permet de détecter
les éléments susceptibles d'affecter l'évolution du
secteur.
Ces éléments peuvent être
positifs ou négatifs ; ils constituent des ouvertures/opportunités ou des contraintes/menaces.
C’est ce qu’il convient d’examiner maintenant.
L'ouverture/opportunité
L’opportunité est un facteur qui
pourrait faciliter la réalisation des buts de l'entreprise, un phénomène
favorable à son développement. C'est une ouverture de marché, une
occasion susceptible d'être exploitée : elle donne lieu à un potentiel de
croissance et de bénéfices. Par exemple : un domaine d'action non encore ou
peu exploité, un segment porteur ou une croissance marquée
de la demande, la chute d’un concurrent, une loi/réglementation ou décision
gouvernementale favorable…
La valeur
d'une opportunité est liée à son attrait et à sa probabilité de succès ;
celle-ci dépend à son tour des ressources disponibles et des compétences
distinctives de l'entreprise. Il importe de l’identifier correctement, de l’évaluer
en termes mesurables, d'examiner son impact sur l’activité : demande
potentielle, changements organisationnels éventuels, risque financier… Ensuite,
il importe de la saisir rapidement et d’une façon appropriée. « Une
opportunité, à l’image d’une fenêtre, ne s’ouvre qu’occasionnellement. Si l’on
laisse passer sa chance, la fenêtre stratégique se referme et il est alors trop
tard pour maintenir ses positions. Saisir une opportunité doit se faire au bon
moment ». (1)
Eclairons cela par quelques
exemples :
S’agissant des domaines d'action
peu ou non exploités, on sait que la tendance écologique a été perçue comme une
opportunité par les constructeurs d'automobiles. Mitsubishi était le premier
à investir dans le moteur à injection directe, moins consommateur de carburant
que le moteur ordinaire. De même, Toyota commercialise depuis 1997 le
modèle Prius, doté d'un système combinant le moteur à essence et
l'énergie électrique.
L’état du marché à un moment donné
peut engendrer des opportunités. Il y a
vingt ans au Maroc, le sous-équipement des ménages en produits électroménagers,
l’essor du crédit à la consommation ainsi que le programme d’électrification
rurale constituaient des opportunités que s’étaient empressées de saisir les
grandes marques étrangères — telles Whirlpool, Panasonic, Samsung, Daewoo,
Hyundaï et Sony. Vers l’an
2000, le marché local de l'automobile présentait diverses opportunités :
taux d'équipement faible (1 voiture/30 habitants), vieillissement du parc (âge
moyen : 12 ans), transport en commun défectueux, tendance à la baisse des
taux d'intérêt conjuguée à la généralisation du crédit à la consommation.
C’est parce que la promotion immobilière
offre de grandes perspectives que le groupe Koutoubia a décidé en 2009 de créer Koutoubia
Littaamir et de se lancer dans le secteur (appartements,
villas, balnéaire). C’est
par ailleurs pour approvisionner la région de Casablanca que Ciments de l’Atlas a
en
2010 construit une
usine à Ben Ahmed. L’investissement
de 2,5 milliards dh se justifiait par les grands chantiers de la
zone Casa-Anfa, de la gare Casaport, du tramway et de la marina, en plus de la
relance du logement social. L’usine de Béni
Mellal a été bâtie un an après afin de pourvoir
aux besoins des travaux de construction
prévus de barrages, de routes et de l’autoroute Berrechid-Béni Mellal.
La réglementation est une source
possible d’opportunités. Ainsi, l’intérêt des multinationales DHL, UPS, FedEx,
Chronopost et TNT pour le marché marocain de la messagerie express
et du courrier international s'explique par la libéralisation du secteur (loi
adoptée en mars 1998) — auparavant, l’activité était monopolisée par Barid
Al Maghrib… D’un autre côté, l’implantation au Maroc en 2004 d’Universal
Music, leader mondial de la musique (cassettes, CD,
vidéos-clips musicaux sur mobiles) est due à la volonté de tirer
parti de l’évolution positive du marché : la nouvelle loi protégeant la
propriété intellectuelle et les droits d'auteur s’est conjuguée aux efforts
multiples de sensibilisation contre le piratage.
La contrainte/menace
A l'inverse de l'opportunité, la menace est un événement
défavorable dû à une perturbation de l'environnement. C’est une situation ou un problème qui pourrait
conduire à une détérioration de la position de l'entreprise. Il peut s'agir par
exemple d’une réglementation ou une décision gouvernementale contraignante, d'une
pratique commerciale déloyale, d’un état de récession économique, de l’arrivée d’un
concurrent inattendu, etc. On sait que l’ouverture
de l’économie marocaine et la baisse progressive des tarifs douaniers (accords
de libre-échange) ont longtemps été perçues par la plupart des entreprises, en particulier
les PME-PMI, comme une menace majeure. (2)
Une
menace est d'autant plus grave qu'elle affectera en profondeur la rentabilité
de l'entreprise ou mettra en péril son activité et qu'elle a de
grandes chances de se réaliser. Comme l’opportunité, elle est évaluée en termes mesurables :
on estime son impact sur la demande, les marges et la situation financière. Comme
l’opportunité, elle exige une réaction marketing
rapide
et appropriée : il faut s’en garder,
y faire face, pouvoir la contourner.
Examinons les exemples révélateurs
suivants :
L’arrivée sur le marché en 1997 de l'opérateur
Régional Air Lines a amené Royal Air Maroc à élaborer une
stratégie défensive de grande envergure. La compagnie devait déjà faire face à
une menace moins visible : les transports ferroviaires et routiers (concurrence
indirecte)… A la même époque, la contrebande touchait fortement le secteur du
pneumatique. Le phénomène s'était amplifié en particulier entre 1997 et 1999
avec un triplement des importations illégales ; la contrebande
représentait l'équivalent du marché du neuf. Enfin, Universal Music Maroc,
attirée à ses débuts par un contexte prometteur, devait néanmoins faire face à des
handicaps non négligeables : le faible pouvoir d'achat, le poids de l'informel
et des réseaux de piratage.
Thami BOUHMOUCH
Juillet
2015
______________________________________________
(1) Ph. Kotler et B. Dubois, Marketing-Management, éd. Publi-Union.
(2)
N’oublions
pas : « la globalisation représente une épouvante mais en même temps
une chance » (dixit un professionnel).
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