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2 mars 2013

LE MARKETING PAR OBLIGATION : LA NOUVELLE DONNE



« Il y a trois sortes d'entreprises : celles qui contemplent les évènements, celles qui cherchent à les comprendre et celles qui les provoquent » Anonyme

    
Aujourd'hui, l’intensification de la compétition internationale et l’évolution incertaine de la demande imposent une nouvelle donne. Le Maroc, membre de l'OMC, s'est engagé à ouvrir son marché national. L'avenir dépendra décidément de l'intervention et des possibilités du marketing…
Si demain l'industrie du textile-habillement traverse une crise grave, si des fermetures d'usines et des licenciements collectifs ont lieu, si des dizaines de milliers d’emplois sont perdus, les pouvoirs publics vont-ils encore jouer le rôle de pompier ? Va-t-on reprendre le débat sur l'Etat régulateur, centralisateur ou protecteur ?
Disons-le clairement : l'entreprise marocaine est engagée à la fois à moderniser son management et à améliorer son savoir-faire marketing. C’est dans ce but que le CMPE (Centre Marocain de Promotion des Exportations) avait, en 2003, mis en place un programme d'assistance spécifique. La performance de l'entreprise dépend par-dessus tout de son attitude vis-à-vis du marché. Le marketing s'avère un facteur de compétitivité autant qu'une arme décisive contre la concurrence. (1) Car, à coup sûr, c'est au marketing qu'il incombe d'analyser l'action des concurrents, d'identifier ou devancer les attentes du public cible et de les traduire en produits appropriés. Dans la pratique de chaque jour, il s'agit de concevoir des articles de bonne qualité – du point de vue de la demande (2) – de réduire les coûts, de respecter les délais de livraison, de traiter résolument les réclamations reçues. L'objectif est plus que jamais de créer des avantages compétitifs par une orientation opiniâtre vers le client.
Mais il y a plus : les unités de textile marocaines liées à un commanditaire étranger, exécutent d’ordinaire un travail où intervient pour l'essentiel l'élément coût. Liées au cahier des charges du donneur d'ordre, elles sont tenues de respecter des spécifications déterminées. Mais le monde évolue : il appartient aux producteurs d'exporter, non plus des « heures machine » mais des marques de prêt-à-porter ; ils se doivent de favoriser l'innovation et la créativité, de s'engager hardiment dans une politique de concepts propres au détriment de la sous-traitance (à l'instar des exportateurs asiatiques).

Renoncer aux paradigmes du passé
Les producteurs qui vivaient en situation de rente sont irrésistiblement portés à différencier leur offre, à bâtir des relations fortes avec les distributeurs, à affronter la concurrence internationale avec de meilleures chances de succès. Il faut pour cela avoir la volonté d'atteindre une taille critique (par le recours aux regroupements). Le marché à l'exportation n'est aucunement rivé aux produits à faible valeur ajoutée, tels les clémentines, les navels, les tomates et les vêtements commandés. Bien des créneaux prometteurs sont possibles : le matériel informatique, l'édition de logiciels, les composants électroniques, les fils électriques, les pièces détachées d'automobiles. Il faudrait alors, là aussi, « se mettre » au marketing, développer la notion de marque...
Il y a trente ans, le marketing apparaissait comme une lubie de quelques farfelus. Aujourd'hui, il semble entrer dans les mœurs, acquérir « ses lettres de noblesse ». Nombre d'entreprises en effet disposent de structures et de professionnels de grande valeur (bien que la dénomination marketing ne soit pas toujours indiquée de façon formelle). C'est le cas, outre les filiales de multinationales, des entreprises nationales structurées, opérant dans les secteurs de consommation de masse. Sous l'effet de l'intensification de la concurrence, beaucoup d'efforts sont fournis pour comprendre, conquérir et conserver le consommateur. Les interventions des cabinets de conseil sont de plus en plus fréquentes et nombre de dirigeants sont conscients de l'intérêt de bénéficier d'une expérience qu'ils n'ont pas. (3)
Toutefois, chacun sait que le tissu économique est extrêmement atomisé (une infinité d'opérateurs de petite taille) et la structure patrimoniale est prédominante. (4) Dans la plupart des cas observables, l'anachronisme des comportements managériaux freine l'introduction de méthodes susceptibles réellement de changer la vision des choses. Les automatismes et procédés dépassés sont rarement remis en cause. La culture commerciale (au sens restrictif de gestion des ventes) a le dessus et le comptable occupe une place privilégiée. Les décisions (pas toujours écrites, mal communiquées) sont prises unilatéralement par le dirigeant seul.
Le marketing constitue un réel défi quant à son intégration au sein des structures existantes. Les principes qui le fondent sont ouvertement bafoués. Il est confondu avec communication, se cantonne indûment au court terme, devient une « aide » à la vente. Bien des affaires sont créées sans études de marché sérieuses. Quantité de produits sont proposés pratiquement sans égards pour les exigences du consommateur.

Absence d'une culture client
Les patrons marocains, qui en règle générale pratiquent une très forte polyvalence, restent suspicieux à l'égard du marketing. Les uns, persuadés de « bien connaître » leurs clients, ont tendance à considérer cette fonction comme un luxe ou « un centre de coût ». Les autres soutiennent que le contexte général n'est pas « approprié » (arguments invoqués : marché exigu, expression faible des besoins, consommateurs immatures ou analphabètes...). Que dire de ceux qui croient « faire du marketing » en créant un service du même nom ? La structure suffit-elle à créer la fonction ? L'insertion d'un « service marketing » semble surtout répondre à un souci de mode ou traduit seulement des intentions (rappelons-nous le cas de l'Office National Marocain du Tourisme en 1998). Le tout n'est pas de recourir à des agences de publicité, d'agrémenter le logotype, de multiplier les activités promotionnelles…
Le patronat marocain est constitué pour une part notable par des hommes d'un certain âge, préoccupés avant tout par l’immédiat. Le dirigeant-propriétaire est habitué à gérer son affaire en s'appuyant sur son flair et son intuition. Il fait appel aux leçons de l'expérience personnelle, à l'observation sporadique de la concurrence, à l'opinion des vendeurs. Un décalage culturel manifeste subsiste entre une gestion familiale et un système économique voué à s'adapter aux contraintes d'une rivalité internationale incontournable. Ne dit-on pas qu'il est parfois plus facile de déplacer des montagnes que de changer les mentalités ?
Produits défectueux ou inadéquats, service médiocre, vendeurs hautains ou même antipathiques, renseignements incomplets ou erronés, tarifs non affichés, lenteurs abusives, réclamations dédaignées : autant de sujets de mécontentement qui montrent que la quasi-totalité des entreprises ont beaucoup de progrès à faire pour accorder à la démarche marketing la place qui lui revient.
Du côté des banques – en dépit des apparences – l'approche produit reste dominante. C'est visiblement l'un des secteurs les mieux protégés, où le marketing est le moins évolué. Les phénomènes de compétition étant limités, les banques sont en position de force vis-à-vis de leurs clients (surtout les petits). (5) Des campagnes institutionnelles, coûtant des millions de dirhams, sont menées tambour battant (6) ; les promesses d'une vie plus facile se multiplient... mais le grand public prête peu d'attention, faute de se sentir réellement concerné. L'absence d'une culture client est manifeste. Le directeur d’agence, ne bénéficiant pas d'une véritable délégation, se borne à transmettre les dossiers de crédit aux responsables du siège. L'obsession du risque freine les enthousiasmes.

Les défis de la mondialisation se multiplient. Pour survivre et prospérer dans un environnement de plus en plus incertain, l'entreprise marocaine est portée irrésistiblement à surmonter l'inertie des habitudes, à s'attribuer les outils du marketing moderne, à faire évoluer son offre en permanence. Le marketing est désormais de stricte obligation. On l'adoptera, parce que la nouvelle donne l’impose.

Thami BOUHMOUCH
Mars 2013
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(1) Cf. sur ce point la thèse de A. Kouchih, Marketing et compétitivité. Essai d'analyse des comportements marketing des entreprises exportatrices de la conserve végétale, mai 2003, Faculté de Droit de Casablanca.
(2) Voir un article précédent : « Qualité satisfaction : des notions corrélatives ? », http://bouhmouch.blogspot.com/2011/06/qualite-et-satisfaction-12-des-notions_6.html
(3) Selon une estimation très approximative, 95 % de l'activité des bureaux d'études proviendrait de 5 % des entreprises.
(4) Le tissu industriel est constitué essentiellement de PME, puisque seules 1,5 % des entreprises emploient plus de 500 salariés et quelque 7 % emploient plus de 200 personnes.
(5) Cf. mon article « Secteur bancaire : le client n'est pas roi », http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/secteur-bancaire-le-client-nest-pas-roi.html 
(6) En 2010, rien que dans l’affichage publicitaire, Attijariwafa bank a déboursé environ 8 millions de dirhams, le groupe Banque populaire près de 6 millions et BMCE Bank quelque 4,8 millions. Cf.  http://www.telquel-online.com/archives/448/actu_economie1_448.shtml

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