« Il
y a trois sortes d'entreprises : celles qui contemplent les évènements, celles
qui cherchent à les comprendre et celles qui les provoquent » Anonyme
Aujourd'hui, l’intensification de la
compétition internationale et l’évolution incertaine de la demande imposent une
nouvelle donne. Le Maroc, membre de l'OMC, s'est engagé à ouvrir son
marché national. L'avenir dépendra décidément de l'intervention et des
possibilités du marketing…
Si demain l'industrie du
textile-habillement traverse une crise grave, si des fermetures d'usines et des
licenciements collectifs ont lieu, si des dizaines de milliers d’emplois sont
perdus, les pouvoirs publics vont-ils encore jouer le rôle de pompier ? Va-t-on
reprendre le débat sur l'Etat régulateur, centralisateur ou protecteur ?
Disons-le clairement : l'entreprise
marocaine est engagée à la fois à moderniser son management et à améliorer
son savoir-faire marketing. C’est dans ce but que le CMPE
(Centre Marocain de Promotion des Exportations) avait, en 2003, mis en place un
programme d'assistance spécifique. La performance de l'entreprise dépend
par-dessus tout de son attitude vis-à-vis du marché. Le marketing
s'avère un facteur de compétitivité autant qu'une arme décisive contre la
concurrence. (1) Car, à coup sûr, c'est au marketing qu'il incombe d'analyser l'action des concurrents,
d'identifier ou devancer les attentes du public cible et de les traduire en
produits appropriés. Dans la pratique de chaque jour, il s'agit de concevoir
des articles de bonne qualité – du point de vue de la demande (2) –
de réduire les coûts, de respecter les délais de livraison, de traiter résolument
les réclamations reçues. L'objectif est plus que jamais de créer des avantages
compétitifs par une orientation opiniâtre vers le client.
Mais il y a plus : les unités de
textile marocaines liées à un commanditaire étranger, exécutent d’ordinaire un
travail où intervient pour l'essentiel l'élément coût. Liées au cahier des
charges du donneur d'ordre, elles sont tenues de respecter des spécifications
déterminées. Mais le monde évolue : il appartient aux producteurs d'exporter,
non plus des « heures machine » mais des marques de
prêt-à-porter ; ils se doivent de favoriser l'innovation et la
créativité, de s'engager hardiment dans une politique de concepts propres au
détriment de la sous-traitance (à l'instar des exportateurs asiatiques).
Renoncer aux paradigmes du passé
Les producteurs qui vivaient en
situation de rente sont irrésistiblement portés à différencier leur offre, à
bâtir des relations fortes avec les distributeurs, à affronter la concurrence
internationale avec de meilleures chances de succès. Il faut pour cela avoir la
volonté d'atteindre une taille critique (par le recours aux regroupements). Le
marché à l'exportation n'est aucunement rivé aux produits à faible valeur
ajoutée, tels les clémentines, les navels, les tomates et les vêtements
commandés. Bien des créneaux prometteurs sont possibles : le matériel
informatique, l'édition de logiciels, les composants électroniques, les fils
électriques, les pièces détachées d'automobiles. Il faudrait alors, là aussi, « se
mettre » au marketing, développer la notion de marque...
Toutefois, chacun sait que le tissu
économique est extrêmement atomisé (une infinité d'opérateurs de petite taille)
et la structure patrimoniale est prédominante. (4) Dans la plupart
des cas observables, l'anachronisme des comportements managériaux freine
l'introduction de méthodes susceptibles réellement de changer la vision des
choses. Les automatismes et procédés dépassés sont rarement remis en cause. La
culture commerciale (au sens restrictif de gestion des ventes) a le
dessus et le comptable occupe une place privilégiée. Les décisions (pas toujours
écrites, mal communiquées) sont prises unilatéralement par le dirigeant seul.
Le marketing constitue un réel défi
quant à son intégration au sein des structures existantes. Les principes qui le
fondent sont ouvertement bafoués. Il est confondu avec communication, se
cantonne indûment au court terme, devient une « aide » à la vente.
Bien des affaires sont créées sans études de marché sérieuses. Quantité de
produits sont proposés pratiquement sans égards pour les exigences du
consommateur.
Absence d'une culture client
Les patrons marocains, qui en règle
générale pratiquent une très forte polyvalence, restent suspicieux à l'égard du
marketing. Les uns, persuadés de « bien connaître »
leurs clients, ont tendance à considérer cette fonction comme un luxe ou « un
centre de coût ». Les autres soutiennent que le contexte général n'est
pas « approprié » (arguments invoqués : marché exigu,
expression faible des besoins, consommateurs immatures ou analphabètes...). Que
dire de ceux qui croient « faire du marketing » en créant un
service du même nom ? La structure suffit-elle à créer la fonction ?
L'insertion d'un « service marketing » semble surtout répondre
à un souci de mode ou traduit seulement des intentions (rappelons-nous le cas
de l'Office National Marocain du Tourisme en 1998). Le tout n'est pas de
recourir à des agences de publicité, d'agrémenter le logotype, de multiplier
les activités promotionnelles…
Produits défectueux ou inadéquats,
service médiocre, vendeurs hautains ou même antipathiques, renseignements
incomplets ou erronés, tarifs non affichés, lenteurs abusives, réclamations
dédaignées : autant de sujets de mécontentement qui montrent que la
quasi-totalité des entreprises ont beaucoup de progrès à faire pour accorder à
la démarche marketing la place qui lui revient.
Du côté des banques – en dépit des
apparences – l'approche produit reste dominante. C'est visiblement l'un
des secteurs les mieux protégés, où le marketing est le moins évolué. Les
phénomènes de compétition étant limités, les banques sont en position de force
vis-à-vis de leurs clients (surtout les petits). (5) Des campagnes
institutionnelles, coûtant des millions de dirhams, sont menées tambour battant
(6) ; les promesses d'une vie plus facile se multiplient...
mais le grand public prête peu d'attention, faute de se sentir réellement
concerné. L'absence d'une culture client est manifeste. Le directeur d’agence,
ne bénéficiant pas d'une véritable délégation, se borne à transmettre les
dossiers de crédit aux responsables du siège. L'obsession du risque freine les
enthousiasmes.
Les défis de la mondialisation se
multiplient. Pour survivre et prospérer dans un environnement de plus en plus
incertain, l'entreprise marocaine est portée irrésistiblement à surmonter
l'inertie des habitudes, à s'attribuer les outils du marketing moderne, à faire évoluer son offre en permanence.
Le marketing est désormais de stricte obligation. On l'adoptera, parce que la
nouvelle donne l’impose.
Thami
BOUHMOUCH
Mars 2013
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(1)
Cf. sur ce point la thèse de A.
Kouchih, Marketing et compétitivité. Essai d'analyse des comportements
marketing des entreprises exportatrices de la conserve végétale, mai 2003,
Faculté de Droit de Casablanca.
(2)
Voir un
article précédent : « Qualité satisfaction : des notions corrélatives ? », http://bouhmouch.blogspot.com/2011/06/qualite-et-satisfaction-12-des-notions_6.html
(3)
Selon une
estimation très approximative, 95 % de l'activité des bureaux d'études proviendrait
de 5 % des entreprises.
(4)
Le tissu
industriel est constitué essentiellement de PME, puisque seules 1,5 % des
entreprises emploient plus de 500 salariés et quelque 7 % emploient plus de 200
personnes.
(5)
Cf. mon article « Secteur
bancaire : le client n'est pas roi », http://bouhmouch.blogspot.com/2011/09/secteur-bancaire-le-client-nest-pas-roi.html
(6)
En 2010, rien que dans l’affichage publicitaire, Attijariwafa bank
a déboursé environ 8 millions de dirhams, le groupe Banque populaire près de 6
millions et BMCE Bank quelque 4,8 millions. Cf. http://www.telquel-online.com/archives/448/actu_economie1_448.shtml
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