Le drame palestinien qui
se déroule et s'amplifie sous nos yeux a débuté en 1917 lors de la fondation du
"foyer national juif" (déclaration Balfour). La constitution d'un
État sioniste en Palestine sous protectorat britannique devait permettre au
Royaume-Uni d'avoir la maîtrise de cette importante région.
Depuis cette date,
l'entité sioniste a occasionné les injustices et les souffrances alarmantes que
l'on sait. Des groupes venus de Lituanie, de Biélorussie et de Pologne se
posent en maîtres des lieux, planifient les refoulements, la mort et la
dévastation.
Un certain Friedman écrivait il y a un mois dans le New York
Times, “vous [les Palestiniens] ne pouvez pas construire une
nation sur les épaules d'assaillants suicidaires”. Des journalistes, ici et
là, se font un devoir de manier les contrevérités et la mystification. Israël
n'a-t-il pas fondé son existence, depuis plus de quatre-vingt ans, sur les
actions terroristes les plus odieuses ? Il suffit d'évoquer les vagues
d'attentats contre des personnalités britanniques et les assassinats
d'activistes arabes entrepris par la milice Haganah (constituée en 1920) et
l'organisation militaire Irgoun (fondée en 1931). De même, nul n'ignore les
massacres effroyables en 1982 dans les camps de Sabra et Chatila et ceux
perpétrés récemment à Jénine et Ramallah, etc.
Les
choses sont claires : le peuple palestinien fait face à un adversaire "sûr
de lui et dominateur" (de Gaulle), un adversaire fourbe et insidieux, fort
du soutien machinal des grandes nations. Les dirigeants israéliens qui se succèdent
sont habiles et rusés ; ils savent depuis longtemps absoudre leurs tueries,
diaboliser les victimes. Ils ne sont pas loyaux et ne sont pas censés l'être :
lorsqu'ils s'engagent le matin, c'est pour se rétracter le soir ; pendant que
la bouche distille les messages de "paix", les mains construisent
furtivement des colonies. Les accords signés, qui font le bonheur des
partenaires crédules, sont systématiquement foulés aux pieds. Le phénomène se
répète et prend une ampleur effrayante.
Le rêve de Sharon, nous
dit-on, est de refouler (peu importe où) plus de 60 % des Palestiniens de
Cisjordanie pour y implanter un million de Juifs (peu importe d'où). Bannir une
population, transplanter une autre : rien ne semble mettre fin à la tragédie.
Terrorisme
ou actes de résistance ?
Le sang coule depuis trop
longtemps. Certes, il n'y a pas lieu de se réjouir des opérations
"kamikazes" (le qualificatif suicidaire n'est pas approprié). On
aurait tort toutefois de se détourner des vérités d'évidence : les Palestiniens
ont perdu leur terre, leurs logements et leurs infrastructures ; ils sont agressés,
terrorisés et ne comptent plus les morts et les blessés ; ils affrontent à la
fois une puissance mondiale et une puissance régionale ; ils ne possèdent ni
blindés, ni missiles, ni hélicoptères, ne bénéficient pas du soutien des médias
internationaux, ne peuvent aucunement compter sur les Etats voisins...
Dans le
tumulte, on finit par oublier que l'occupation est le noyau du problème, la
source des exactions et des cruautés. C'est l'occupation qui pousse les Palestiniens
à se défendre par tous les moyens. Il faut imaginer l'état d'âme d'un
combattant se préparant pour un attentat, la sensation sur le ventre d'un bloc
d'explosifs prêts à exploser, l'idée que son corps partira en mille morceaux,
qu'il n'y aura pas de sépulture... Les attentats ne sont pas une fin. Se défendre,
résister à la tyrannie est légitime autant qu'honorable. La flamme de la
résistance ne s'éteindra pas. Les résistants français contre l'occupation allemande
ne limitaient par leur action à la propagande. Ils combattaient réellement par
le sabotage (réseau ferroviaire), les assassinats, les attentats mûrement
médités ou la guérilla des maquis. Jean Moulin, qui fonda en 1943 le Conseil
national de la Résistance ,
était-il un terroriste ? Devait-on incriminer le groupe arménien Manouchian
pour sa lutte contre les nazis ? Nelson Mandela, n'a-t-il pas été glorifié
parce qu'il combattait le régime d'apartheid ?...
Le
sionisme a réussi le tour de force de faire admettre que la "lutte contre
le terrorisme" passe par la démolition des habitations et des édifices
publics, la destruction des ambulances, le pillage des banques, le piétinement
des droits humains... C'est à un Arafat
harcelé et amoindri qu'on demande cyniquement d'arrêter "la
violence". Pourquoi le terrorisme
d'Etat est-il invariablement disculpé et ne soulève aucune condamnation
plausible ? Pourquoi s'obstine-t-on à nier que les attentats sont le fait
d'individus, des individus qui luttent contre l'oppression ?
Le
terrorisme d'Etat innocenté
Au lendemain du 11
septembre 2001, des dirigeants américains ont traité de lâches les auteurs des
attentats. J'aurais aimé les voir auparavant tenir le même propos au sujet des
soldats israéliens qui se réjouissent de viser la poitrine d'un enfant
terrorisé dans les bras de son père, de briser méthodiquement les bras des
adolescents avec une roche, d'empêcher les ambulances de secourir des corps
ensanglantés, d'obliger une voiture de s'arrêter en plein soleil, les vitres
fermées alors qu'elle transporte une femme sur le point d'accoucher, etc.
Dans la
presse marocaine, ceux qui parlent machinalement de "Tsahal" avec une
certaine considération semblent perdre de vue que les soldats israéliens démolissent
des maisons et ensevelissent ses habitants vivants sous les gravats, arrachent
des oliviers, volent des bijoux, font main basse sur des dizaines de
land-rovers (comme en témoigne le journal Ha'aretz). Ces soldats, armés
jusqu'aux oreilles, se jouent de terroriser des enfants, de torturer les
prisonniers (loin des regards), d'utiliser des femmes et des enfants comme des
boucliers humains. Ils ne s'en veulent pas de gifler des femmes âgées, de
molester des journalistes, d'entendre une petite fille pleurer toute la nuit à
coté des cadavres de ses parents (comme à Jénine)...
Lorsqu'on a la caution des
Américains on ne s'encombre pas de scrupules. Du reste, la télévision et la
presse ne peuvent être que là où on leur permet d'aller. La guerre la plus sordide
est celle qui se déroule à l'écart et à l'insu des médias.
Thami Bouhmouch
Article publié dans le périodique
le Journal (Casablanca) du 20
septembre 2002.
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