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20 novembre 2020

ETATS-UNIS : UNE ABSENCE INFINIE DE RETENUE

 

Série : Politique internationale

 




La vie des gens dans nombre de pays est largement régie et affectée par des acteurs internationaux suffisants, cyniques et malveillants, qui détiennent un pouvoir colossal visant à perpétuer le monde injuste qu’ils ont œuvré à créer. Les peuples occidentaux sont séparés hermétiquement du reste du monde. Ils sont soumis à un matraquage médiatique et ignorent tout des forfaits et malheurs qui ont lieu hors de leur sphère. 

Les Etats-Unis (les plus gros consommateurs de drogues) incarnent en premier lieu et dans une large mesure cette profonde ignominie. Au sein même du pays, les citoyens afro-américains et amérindiens vivent une situation sociale alarmante, sont victimes toujours et au quotidien de discriminations effarantes. A ce titre, Noam Chomsky écrit : « Les Etats-Unis ont été un pays très raciste pendant toute leur histoire et pas seulement à l’encontre des Noirs. C’est une société de colons. Le colonialisme de peuplement c’est ce qu’il y a de pire comme impérialisme, le genre le plus sauvage parce qu’il requiert l’élimination de la population indigène. Ce n’est pas sans relation, je crois, avec le soutien automatique des Etats-Unis à Israël, qui est aussi une société coloniale ». (1)

Immédiatement après la chute du mur de Berlin, les Etasuniens ont conçu une nouvelle stratégie. Le message principal fût le suivant : rien ne va changer… sauf les prétextes. Ils ont clamé leur besoin impérieux d’une force militaire gigantesque, bien que la menace russe ait cessé d’exister. Par la suite, le monde s’est accoutumé à les voir parader tous azimuts, emplis de morgue, la main sur la crosse du revolver. Ils se mêlent de tout, flagornant les uns, menaçant les autres. Ils ne sont pas estimés… et ils le savent. Regardez leurs ambassades et consulats : le summum de la paranoïa et des lubies tyranniques est allègrement atteint. Des barricades grotesques en ciment enjambent les trottoirs, débordent même sur la chaussée, exaspèrent les passants.

La doctrine qui sous-tend la politique étasunienne est une doctrine mafieuse selon laquelle toute opposition même timide aux desseins géopolitiques de l’Empire, où qu’elle soit, doit être réprimée par un usage extrême de la force. Washington a ainsi créé le plus puissant appareil militaire jamais vu dans l’histoire : l’Otan. Son but est tout simplement de se substituer à l’ONU. A n’en pas douter, la militarisation démesurée du monde rend l’avenir de l’humanité de plus en plus périlleux. Les Etats-Unis engagent 36% du total des dépenses militaires globales évaluées en 2018 à 1822 milliards de dollars. Ils détiendront pour longtemps encore le premier budget militaire du monde. (2)


Pour comprendre pourquoi certaines contrées sont continuellement en conflit, cherchons quelle partie a intérêt à ce que cette situation perdure. Qui dit conflit dit besoins d’armes. Et les armes, il faut bien qu’un intervenant quelque part les produise. Cet intervenant se trouve par-dessus tout aux Etats-Unis. Ce pays est le plus gros vendeur d’armes de par le monde. En 2019, sa part du commerce de la mort et de la destruction représentait près de 36 %... (3) Et que faire si la demande d’armes se mettait à diminuer ? C’est simple : Washington provoque ou envenime les antagonismes ici ou là afin de liquider ses invendus. « Il nous reste des missiles et des F-35 ? Ok, trouvez-moi un prétexte quelconque dans ces bleds là-bas, on fera de la place ! ». D’une pierre deux coups : on fera tourner les usines d’armes et on massacrera plein de gens qu’on abomine en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen, en Libye, etc. Pourquoi un "accord de normalisation" entre les Émirats et l’entité sioniste (août 2020) ? « Il s'agit de permettre aux fabricants d'armes d'élargir leur clientèle. En marge de l'accord tripartite entre Israël, les EAU et les États-Unis, ces deux derniers pays ont conclu un accord en vertu duquel les États-Unis vendront des avions de chasse F-35 américains de cinquième génération à l'État du Golfe à un prix minimum de 77,9 millions de dollars l’unité ». (4)

Les Etats-Unis mènent une politique impérialiste au profit de l’industrie de l’armement, des compagnies pétrolières et grandes banques… Considérés partout dans le monde comme un grand pays terroriste, ils ont perpétré plus d’offensives militaires que n’importe quel autre Etat de la planète. Les présidents successifs ont tous été ouvertement pour une suprématie étasunienne inexorable sur le monde. Ils ont tous été en faveur du droit d'intervention avec pertes et fracas, de l’établissement de centaines de bases militaires dans tous les coins. Statistiquement, il y a assurément plus de risques d’être attaqué un jour par ce pays que par la Russie, la Chine ou l’Iran. Les Etasuniens sont fiers de leur NASA et ses missions spectaculaires, mais cela ne peut occulter les atrocités commises. La véritable prouesse pour l’humanité serait de cesser les complots criminels et les bombardements sauvages, d’insuffler un peu d’humilité à ces fanfarons militaires qui croient qu’ils ont le droit de faire partout ce qu’ils veulent, à qui ils veulent, aussi longtemps qu’ils le veulent…

L. Vanoost est fondé à écrire que les Etats-Unis sont « un pays réactionnaire saturé de fanatiques ignares ». C’est le pays par excellence où les élections sont privatisées de facto, où les candidats se retrouvent littéralement soumis aux électeurs sionistes (juifs et évangélistes). Un candidat pourvu d’une expérience d’à peine deux ans au niveau national peut malgré cela devenir président. Ce qui rappelle la réflexion de C. Sheehan : « Il était une fois, dans l’Empire du Mal, un homme extrêmement stupide et méchant appelé G.W. Bush qui fût élevé au rang de dirigeant suprême du pays. Il avait été un étudiant plus que médiocre et avait échoué dans toutes ses tentatives de gestion d’entreprises et se révéla un désastre sans nom au poste de gouverneur d’une des provinces lointaines de l’Empire appelée le Texas… ». (5) En 2008, après ce règne funeste, l’Empire a trouvé son sauveur : Barack Obama… et subitement le souvenir des extravagances et malheurs des dernières huit années s’est effacé des mémoires, bien que les séquelles aient été toujours visibles.


L’arme de la dette
permet de conquérir et d’asservir nombre de nations. Le FMI, dominé par le département du Trésor des États-Unis, s’adonne au racket des pays pauvres, fabrique la misère. Il nuit manifestement à l’Afrique. Là, quand ce n’est pas l’ambassade américaine, c’est cette institution malveillante qui décide… John Perkins, un économiste repenti, explique comment, pour le compte des Etats-Unis, il était amené à escroquer des pays en leur prêtant plus d'argent qu'ils ne pouvaient rembourser. Étouffés par un système trafiqué, ces pays ne pouvaient plus offrir de résistance au pillage des multinationales US. (6) On comprend qu’il soit vital d’empêcher l’Afrique de s’unir, de s’émanciper, de se défaire des rapports de subordination.

Dans le monde arabe, le phénomène de phagocytage et l’influence destructrice des Etats-Unis sont sans précédent. Pour Washington, l’Arabie Saoudite est une véritable mine d’or et en même temps un excellent instrument au service de leurs plans guerriers. Les Saoudiens sont heureux d’apprendre qu’ils battent tous les records d’achats d’armes américaines. Les contrats de vente très juteux renforcent leurs capacités militaires, leur permettant d’intervenir au Yémen et de contrecarrer l’action de l’Iran dans la région… Mais, si le vent tourne, les satrapes mis en place peuvent-ils compter sur leurs maitres étasuniens ? Au besoin, ils sont destitués sans état d’âme. Lorsqu’ils sont politiquement discrédités et/ou ne servent pas assez les intérêts de leurs protecteurs, ils sont remplacés par des marionnettes enrôlées dans les rangs même de l'opposition. Saddam Hussein, Ben Ali et Moubarak, jadis maintenus en selle par les Yankees et soumis à leurs intérêts, croyaient sincèrement être traités en amis. Une méprise fatale : l’Empire n’a pas d’amis, il n’a que des laquais. Hilary Clinton, à la veille de la fuite de Ben Ali, avait prévenu sur un ton plein de morgue (je cite de mémoire) : « aucun dirigeant [arabe] ne doit se sentir couvert par le gouvernement américain ». C’est sans doute ce que n’a pas compris aujourd’hui l’apprenti sorcier Guaido au Venezuella.

Qui pourra, de bonne foi, ignorer la nature prédatrice et criminelle des dirigeants de Washington-Paris-Londres ? Karl Marx disait : « Le Capital a horreur de l’absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le Capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50%, il est téméraire ; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines et à 300%, il ne recule devant aucun crime ». (7) Les Etats-Unis ont fait le choix répété de trahir les principes humains les plus élémentaires en privilégiant leurs intérêts économiques et stratégiques. Lorsqu’ils ont envahi l’Irak ou l’Afghanistan c’était pour y apporter "la stabilité" – un terme de leur jargon qui signifie soumission impérieuse à leur volonté. A l’opposé, si l’Iran essaye d’accroître son influence dans son voisinage, son action est "déstabilisante". « Cette doctrine, comme tant d’autres, est élaborée dans les universités. Un commentateur libéral, James Chase, a même pu dire sans crainte du ridicule que les Etats-Unis devaient déstabiliser le Chili d’Allende pour apporter la stabilité – c’est-à-dire la soumission aux Etats-Unis ». (8) Nous avons d’innombrables exemples obscènes de la perte de contrôle moral de ce pays. S. McChrystal, ex Commandant des forces armées étasuniennes en Afghanistan a un jour fait cet aveu (étant certain de l’impunité absolue) : « Nous avons tiré sur un nombre considérable de personnes et en avons tué beaucoup, et pour autant que je sache, aucune de ces victimes ne représentait une menace établie pour nos forces ». (9)


La cheville ouvrière des conspirations, coups d’État et tentatives de putsch en Amérique latine est toujours l’ambassadeur étasunien. Plusieurs pays ont dû subir des tentatives de coups d’État : la Bolivie en 2008, le Honduras en 2009, l’Équateur en 2010, le Venezuela en 2002, 2019 et 2020. En Bolivie, victime de tant de putschs militaires, Evo Morales a un jour été prévenu par un compatriote : « Président Evo, vous devez vous méfier de l’ambassade des Etats-Unis. Il y a toujours eu des coups d’État en Amérique latine. Le seul endroit où il n’y a pas eu de coups d’État, c’est aux Etats-Unis, parce qu’il n’y a pas d’ambassade étasunienne ». (10)

Malgré tous leurs méfaits, les Etasuniens veulent croire qu’ils personnifient le Bien. Dans leurs manuels scolaires, ils ne se gênent pas le moins du monde de le souligner : « Les Etats-Unis ont été une sorte d’Armée du Salut pour le reste du monde : tout au long de l’histoire, ce pays n’a fait qu’aider les pays pauvres, ignorants et malades... Les Etats-Unis ont toujours agi avec désintéressement, toujours au nom de grands principes ; ils ont toujours donné et jamais pris ». (11) A cette idée de la bienfaisance sui generis, Barak Obama avait, en 2011, concocté un récit amusant : « Un de nos avions a eu des ratés en survolant la Libye. Or, quand un de nos aviateurs a sauté en parachute, dans un pays dont le dirigeant a si souvent satanisé les Etats-Unis, dans une région qui a eu des relations si difficiles avec notre pays, cet Etasunien n’a pas rencontré d’ennemis, au contraire, il a été accueilli par les gens à bras ouverts ». (12)

Les officiels étasuniens peuvent-ils raisonnablement croire ce qu’ils racontent ? Ils semblent plutôt avoir une croyance illimitée en la jobardise de leurs concitoyens. En mars 1953 déjà, le Président Eisenhower s’interrogeait innocemment : « Pourquoi ne réussissons-nous pas à nous faire aimer dans ces bleds perdus au lieu de nous faire haïr ? ». (13) Près de soixante-dix ans après, cette question énigmatique est plus que jamais d’actualité… Les atrocités et injustices infligées aux nations du monde, dans le passé et le présent, sont incommensurables. Un problème que W. Blum a formulé avec force : « Si j’étais président, je présenterais mes excuses à toutes les veuves, aux orphelins, aux personnes torturées, à celles tombées dans la misère, aux millions d’autres victimes de l’impérialisme américain. Ensuite, j’annoncerais aux quatre coins du monde que les interventions américaines dans le monde sont définitivement terminées, et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51e État des États-Unis mais dorénavant – chose curieuse à dire – un pays étranger. Et puis, je réduirais le budget militaire d’au moins 90 %, utilisant le surplus à payer des réparations aux victimes… Voilà ce que je ferais les trois premiers jours. Le quatrième jour, je serais assassiné ». (14)

Thami BOUHMOUCH

Novembre 2020

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(1) Noam Chomsky, La sauvagerie de l’impérialisme états-unien, Le grand soir, décembre 2010. https://www.legrandsoir.info/Chomsky-la-sauvagerie-de-l-imperialisme-etats-unien.html

(2) Cf. Le Monde du 29 avril 2019, https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/29/les-depenses-mondiales-d-armement-approchent-des-2-000-milliards-de-dollars_5456047_3210.html 

(3) Cf. Les Echos du 9 mars 2020, https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/les-ventes-darmes-augmentent-encore-dans-le-monde-1183166

(4) Sahar Vardi, Les vrais gagnants de l'accord israélo-américain ? Les marchands d'armes. ISM France, octobre 2020. http://www.ism-france.org/analyses/Les-vrais-gagnants-de-l-accord-israelo-americain-Les-marchands-d-armes-article-21256

(5) Cindy Sheehan, Il était une fois dans l’Empire du Mal, février 2011. http://www.legrandsoir.info/Il-etait-une-fois-dans-l-Empire-du-Mal.html 

(6) Cf. J.Perkins, Confessions d'un assassin financier. http://www.dailymotion.com/video/xe9n2b_confessions-d-un-assassin-financier_news

(7) Voir Le Prisme, Représenter le Capital. https://www.le-prisme.fr/2017/10/l-31-representer-le-capital.html  

(8) Noam Chomsky, La sauvagerie de l’impérialisme états-unien, op. cit.

(9) Cité in : Il est temps de voir les États-Unis tels qu’ils sont, Le grand soir, 3 décembre 2016https://www.legrandsoir.info/il-est-temps-de-voir-les-etats-unis-tels-qu-ils-sont-daily-beast.html

(10) Fidel Castro, Le discours d’Evo, 24 novembre 2010  http://www.fidelcastro.cu/fr/articulos/le-discours-devo

(11) Cité par William Blum, Mediapart, 3 juillet 2018. https://blogs.mediapart.fr/pizzicalaluna/blog/030718/amerique-latine-pizzi-pourquoi-fuient-ils-par-william-blum

(12) Cité par Fidel Castro, Réflexions, 31 mars 2011. http://www.cuba.cu/gobierno/reflexiones/2011/fra/f310311f.html

(13) Cité in : Imperial hubris, 21 août 2011. http://bouhmouch.blogspot.com/2011/08/imperial-hubris-12-une-derive-morale.html

(14) William Blum, L’Etat voyou, 3 juillet 2011.  http://www.legrandsoir.info/l-etat-voyou.html

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