« L’Etat étasunien est un État manqué, qui agit sans tenir compte
du droit international, qui ne respecte absolument rien et qui, par-dessus le
marché, se sent parfaitement en droit de le faire... » Hugo Chavez
Les officiels étasuniens se pavanent
à la face du monde, remplis d’autosatisfaction, la main sur la crosse du
revolver. Ils s’introduisent en tous lieux, se mêlent de tout, flagornant les
uns, menaçant les autres. Ils ne sont pas très appréciés en fait… et ils le
savent. Allez voir le consulat américain à Casablanca : le summum de la
paranoïa et du caprice est désormais atteint. Des barricades grotesques en
ciment armé enjambent les trottoirs, débordent allégrement sur la chaussée du
boulevard, ne laissant à la circulation des voitures qu’un corridor exigu. Les
automobilistes de passage se disaient au début qu’une telle insolence n’allait
pas durer. Mais elle dure depuis des années. On ne peut rien refuser à l’Oncle
Sam. En fait, n’est-ce pas lui qui décide ?... Au diable donc les
jérémiades des automobilistes et des passants.
L’arrogance
impérialiste
Les
Etasuniens tiennent pour établi qu’ils personnifient le Bien. Dans leurs manuels scolaires, ils se font un devoir de le souligner : « Les Etats-Unis ont été une sorte d’Armée du
Salut pour le reste du monde : tout au long de l’histoire, ce pays n’a
fait qu’aider les pays pauvres, ignorants et malades... Les Etats-Unis ont
toujours agi avec désintéressement, toujours au nom de grands principes ;
ils ont toujours donné et jamais pris ». (1)
La secrétaire d’Etat Madeleine Allbright, qui a été en 1999 à l’origine du
bombardement criminel (pendant 78 jours) de l’ex-Yougoslavie, n’a pas hésité à affirmer
: « Les Etats-Unis sont bons. Nous
essayons de faire de notre mieux partout »… (1)
A cette
idée de la bonté sui generis, Barak
Obama est bien sûr tenu de se rallier. Tout récemment, il a concocté à qui veut
l’écouter un récit amusant : « Un de
nos avions a eu des ratés en survolant la Libye. Or, quand un de nos aviateurs
a sauté en parachute, dans un pays dont le dirigeant a si souvent satanisé les
Etats-Unis, dans une région qui a eu des relations si difficiles avec notre
pays, cet Etasunien n’a pas rencontré d’ennemis, au contraire, il a été accueilli
par les gens à bras ouverts. Un jeune Libyen venu le secourir lui a dit :
"Nous sommes vos amis. Nous sommes si reconnaissants envers ces hommes qui
protègent notre ciel". […] Partout
où les gens rêvent d’être libres, ils trouveront un ami dans les
Etats-Unis ». Fidel Castro qui rapporte ces propos en dit ceci :
« Une histoire à dormir
debout ! Obama est un excellent enfileur de grands mots et de belles
phrases. Il pourrait gagner sa vie à écrire des contes pour enfants ».
(2) Les dirigeants à Washington
croient-ils parfois ce qu’ils racontent ? Disons plutôt qu’ils ont
une croyance illimitée en la jobardise de leurs concitoyens.
Ces balivernes sont assez révélatrices d’un état
d’esprit.
En mars 1953, le Président Eisenhower s’interrogeait innocemment : « Pourquoi
ne réussissons-nous pas à nous faire aimer dans ces bleds perdus au lieu de
nous faire haïr ? ». (3) Soixante ans
après, cette question énigmatique est plus que jamais d’actualité… Au moins,
pourrait-on dire, un dictateur maintenu en selle par les Etats-Unis et dès lors
qu’il se soumet corps et âme à leurs intérêts, sera traité comme un ami… Saddam,
Ben Ali et Moubarak le pensaient sincèrement. Une méprise fatale :
l’Empire n’a pas d’amis, il n’a que des vassaux ou des laquais. Hilary Clinton,
à la veille de la fuite de Ben Ali, s’est crue obligée de prévenir (je
cite de mémoire) : « aucun dirigeant [arabe] ne doit se sentir
couvert par le gouvernement américain ». Autrement dit : ne
comptez pas sur nous – maintenant que le vent a tourné – pour nous porter
garant et assumer la responsabilité de vos agissements.
S’il
le faut, les satrapes mis en place sont renvoyés sans état d’âme. Lorsqu’ils
sont politiquement discrédités et/ou ne servent pas assez les intérêts de leurs
protecteurs, ils sont remplacés par de nouvelles têtes, souvent enrôlées dans
les rangs même de l'opposition. Cet ordonnancement est concret et manifeste,
même s’il n’est pas vérifié en tout lieux, même s’il est appelé à s’infléchir à
la suite des révoltes arabes. « La
cooptation des leaders d'opposition majeure et des organisations de société
civile dans l'anticipation de l'effondrement d'un gouvernement marionnette
autoritaire fait partie intégrante du design de Washington […] Le processus est effectué et financé par
des fondations basées aux Etats-Unis, incluant la NED (National Endowment for
Democracy) et Freedom House (FH) (connues pour avoir des liens avec la CIA). La
NED prît en charge le financement des renversements de régimes étrangers, mais
de manière ouverte et sous le vocable de "promotion de la démocratie" »…
(4)
La stratégie du chaos
Pendant
longtemps, les Etats-Unis se sont regardés comme le centre de la terre. Le peuple étasunien, surtout après l’implosion
du bloc soviétique, se voulait « peuple élu », un peuple
exceptionnel (les manuels scolaires y sont pour quelque chose). C’est le
point sur lequel l’attention de tout un chacun doit se focaliser, autour duquel
les nations doivent graviter. L’expression « communauté internationale »,
utilisée à tout bout de champ, n’est qu’une imposture. Elle désigne de facto
la Maison-Blanche et tous les gouvernants (principalement en Europe) qui
œuvrent docilement dans son sillage.
A ce
propos, Noam Chomsky écrit sur un ton narquois : « Prenez l’idée selon laquelle la communauté
internationale demande à l’Iran de cesser d’enrichir de l’uranium. Vous lisez
ça partout. Qu’est-ce que c’est que cette communauté internationale au
juste ? Ce n’est pas les Pays non alignés, qui représentent la majorité du
monde. Ils soutiennent complètement le droit de l’Iran à enrichir de l’uranium.
Ils ne peuvent donc pas faire partie de la communauté internationale. Il y a
quelques années y compris les citoyens étasuniens étaient d’accord sur ce
point. Donc de la même façon la majorité des Étasuniens n’appartiennent pas à
la communauté internationale parce que la communauté internationale c’est
Washington et ses comparses ». (5)
Cette
vision, on ne peut plus insolite, a un corollaire : les Etatsuniens s’attribuent
de façon catégorique le rôle envahissant et belliqueux du gendarme. En 1904,
Theodore Roosevelt parlait déjà d’un « pouvoir de police internationale »
que la « société civilisée » devait exercer sur les peuples
coloniaux et qui, en Amérique latine, revenait aux Etats-Unis. Après tout,
pourquoi pas ? L’Empire en vient à se sentir prééminent et invincible ;
il peut « à sa guise et sous les
prétextes les plus absurdes, violer la Charte de l’ONU, appliquer de cruels
embargos, bombarder ou occuper des pays, assassiner des chefs d’État, provoquer
des guerres civiles, financer des terroristes, organiser des coups d’État,
armer Israël pour ses agressions… ». (6)
Aujourd’hui,
à n’en pas douter, les Etats-Unis sont la locomotive de la nouvelle course aux
armements. Le fameux « attentat du 11 septembre » – censé captiver l’ensemble de la planète – a singulièrement
bouleversé l’ordre géopolitique mondial et a légitimé toutes les exactions. Le
terrorisme étasunien s’est déchainé à l’extrême, plongeant le Moyen-Orient et
une partie de l’Afrique dans le chaos. Je
me permets de me citer : « Du temps
de Bush, grâce à la formule magique du "11 septembre", les Etats-Unis ont assumé plus que jamais le
rôle de Satan sur la scène internationale. Lui et son entourage avaient l'aplomb
de parler de combat du "Bien
contre le Mal". On
tenait un discours réducteur : le Bien devait triompher mordicus du Mal. Si
vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ».
(7)
Washington a réussi à convaincre, à intimider ou
corrompre de nombreux pays afin qu’ils acquiescent à des accords singuliers, selon
lesquels aucun contrevenant étasunien, en aucune circonstance, ne sera déféré à
la Cour Pénale Internationale. A tout seigneur tout honneur… Chacun comprend qu’un tel privilège accorde la
permission implicite pour les meurtres
et les sévices les plus invraisemblables. Ainsi en
est-il de l’Irak. Revoyons une scène connue : dans une maison, un couple
et leur fille de 17 ans font face à des bidasses yankees prêts à tout. L’un
d’eux, particulièrement surexcité, arrache l’adolescente des bras de son père
et celui-ci, comme il s’y oppose, reçoit illico une rafale dans le ventre. La
proie est ensuite trainée dans un coin… Vous vouliez la « démocratie »,
non ?
Viols, tortures, meurtres, saccages, humiliations…
il n’y a pas de garde-fou. Comme le note Ray McGovern, de Counterpunch, « on veut transformer l’armée des Etats-Unis en une bande d’assassins qui
tourne de par le monde, véritable "Murder
Inc." mondiale équipée d’armes
létales de haute technologie et d’une liste de personnes à capturer ou à tuer. Nous sommes devenus une nation d’assassins ».
(8)
Et l’on ne peut s’empêcher de penser avec amertume
à ces interventions criminelles répétitives en Afghanistan et au Pakistan (à la
suite de l’Irak…), au principe infâme des « deux-poids-deux-mesures »
qui détermine toutes les prises de position, au soutien constant et inconditionnel
à l’entité sioniste, aux droits bafoués des Palestiniens, aux dictatures
dévoyées implantées de force et protégées. Que dire des prisons abominables de Guantanamo, d’Abu Ghraib et de Bagram, de la
multitude de camps de concentration et de sites noirs disséminés sur la
planète ? Quant aux morts et dévastations, on ne les compte plus.
Rien qu’à Fallouja, une ville irakienne de 300.000
habitants, près de 40.000 personnes ont été tuées par les bombardements
US : 80% des bâtiments et infrastructures ont été démolis ; sans
parler des cancers et des malformations à la naissance dont les survivants ont
hérité… (9)
Dans le
pays autoproclamé « champion
de la démocratie dans le monde », l’option fasciste va progressivement prendre corps et se
renforcer… C’est le point que le prochain papier [2/2] se propose d’aborder.
Thami BOUHMOUCH
Août
2011
Article
publié in :
- http://poetesindignes.wordpress.com/2011/08/25/imperial-hubris-une-derive-morale-sans-nom/#more-5935
- http://les-etats-d-anne.over-blog.com/m/98.html
- http://come4news.com/arrogance-imperialiste/
- http://come4news.com/arrogance-imperialiste/
________________________________________
(1) Cf. William Blum, http://www.legrandsoir.info/etats-unis-une-incessante-quete-d-amour-et- Juillet 2011
(2) Fidel Castro,
http://www.legrandsoir.info/Le-meilleur-et-le-plus-intelligent.html Avril 2011.
(3) Cf. William Blum, op. cit.
(4) Michel Chossudovsky, http://fr.sott.net/articles/show/2362-Le-mouvement-de-protestation-en-Egypte- Janvier 2011.
(5) Noam Chomsky, http://www.legrandsoir.info/La-sauvagerie-de-l-imperialisme-etats-unien-3.html Février 2011.
(6) Michel Collon, http://www.michelcollon.info/Le-monde-change-et-nous-avons-un.html Février 2011.
(7) T. Bouhmouch, http://www.legrandsoir.info/Israel-la-bride-sur-le-cou.html 1/09/2010 ou : http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Thami_Bouhmouch.010910.htm ou : http://www.lepost.fr/article/2010/09/16/2223536_israel-la-bride-sur-le-cou.html
(8) Lucio Manisco,
http://www.legrandsoir.info/Que-regardait-Barack-Obama-a-la-tele-la-nuit-de-l-attaque-des-Seals.html Mai 2011.
(9) Cf. Mike Whitney, http://blog.emceebeulogue.fr/post/2011/05/14/Ca-alors%2C-quel-culot%21-Hillary-attaque Mai 2011.
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