Série :
Le culturel au cœur du changement social
Aucune discipline sociale ne peut espérer
embrasser la réalité humaine complexe si elle n’entrait pas en contact avec les
autres disciplines. Les composantes de la réalité observée sont certes
analysables séparément (par chacune des disciplines) mais doivent être
appréhendées comme un tout. (1) Ni l’économiste, ni le sociologue ne
traitent de problèmes qui leur appartiennent en propre.
En matière de sous-développement, on ne saurait
exclure – sous prétexte de ne pas empiéter sur ses voisins – l’étude des caractères
et conditions qui sont largement responsables des maux dont souffrent de façon
chronique les nations concernées. Quiconque est amené à cerner, tant bien que
mal, l’infortune humaine de ces nations doit nécessairement s’ouvrir à la
psychosociologie, intégrer les singularités culturelles et les formes de
logique.
Il importe de rendre compte des interactions entre
les conditions économiques et les facteurs extra-économiques souterrains. La
conception stricte de l’économique doit faire place à une perspective sur le
phénomène humain où des données extrêmement variées peuvent se joindre. De
fait, l’économiste et le technocrate se doivent de s’allier aux sociologues et
aux psychosociologues afin de replacer l’homme au point central de leur
dispositif.
Une question primordiale se pose quant à la
nature, la signification et la logique de cette transformation à laquelle
aspirent les trois quarts du monde. En quoi consiste en effet ce fameux développement qui
a hanté les discours pendant de longues décennies et qui donne l’impression aujourd’hui
de ne plus être en vogue ?
Le malaise que cause la saisie de ce phénomène controversé
est accru par son caractère multiforme et hautement complexe. L’observation des
faits vécus indique que le développement est dû avant tout aux attitudes du
sujet économique, à ses dispositions d’esprit, à l’ordre socioculturel dans
lequel il se situe. Ce n’est pas un processus essentiellement économique mais un
processus foncièrement socioculturel. (2)
Il ne tient pas seulement, ni même principalement à des composantes matérielles mais à des éléments d’une autre nature, propres à provoquer et soutenir tout mouvement créateur, des éléments qui jouent le rôle déterminant dans la dynamique de changement. Quels sont-ils ? Ce sont la volonté et le besoin de réussite, la liberté intellectuelle, la faculté créatrice, le sens du rationnel, le respect de la fonction accomplie, la discipline sociale, la conscience des obligations et devoirs…
Il ne tient pas seulement, ni même principalement à des composantes matérielles mais à des éléments d’une autre nature, propres à provoquer et soutenir tout mouvement créateur, des éléments qui jouent le rôle déterminant dans la dynamique de changement. Quels sont-ils ? Ce sont la volonté et le besoin de réussite, la liberté intellectuelle, la faculté créatrice, le sens du rationnel, le respect de la fonction accomplie, la discipline sociale, la conscience des obligations et devoirs…
Le développement est ainsi une mutation globale
qui suppose un changement socioculturel. De cette proposition, déduisons un
corollaire : le développement doit se fonder sur l’homme social.
Ce n’est pas une performance chiffrée, un état édénique qu’on atteindrait grâce
à un flux de capitaux et de technologie importés. Il suppose une mutation
mentale, une transformation profonde et ad hoc au niveau du comportement
social.
C’est le point de vue que soutenait à juste titre F.
Perroux en 1961 : « le développement est la combinaison de changements
mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global ». (3)
L’auteur précisait ultérieurement : « le développement peut être
entendu comme l’ensemble des changements observables dans le système économique
et dans le type d’organisation »… (4) Ce qui remet en
mémoire la dialectique du qualitatif et du quantitatif déjà abordée. (5)
L’essentiel ici est de marquer que les processus
économiques et les forces en jeu ne fonctionnent qu’à la condition que les
structures mentales et les normes de conduite des agents impliqués soient
devenues telles que les quasi-mécanismes puissent jouer. Le développement doit
être compris comme le mouvement qui bouleverse fondamentalement un groupe social
– de manière à permettre le déclenchement et la poursuite du changement
économique. Il n’est guère possible en effet de concevoir ce mouvement
indépendamment de tout processus interne de création et d’organisation.
Thami
BOUHMOUCH
Juillet
2016
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(1) Cf. article précédent : L’économique est vouée à s’ouvrir aux autres sciences de l’homme
(2) Cf. article précédent : L’économique et le
poids du facteur humain https://bouhmouch.blogspot.com/2016/05/leconomique-et-le-poids-du-facteur.html
(3) F. Perroux, L’économie
du XXème siècle, PUF 1961, p. 154. Je souligne.
(4) F. Perroux,
Préface à Elias Gannagé, Economie du développement, PUF 1962, p. VIII.
Je souligne.
(5) Cf. article précédent : Economie et culture, le rapport dialectique https://bouhmouch.blogspot.com/2016/06/economie-et-culture-le-rapport.html
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