Série : Marketing stratégique
Le
suivi du plan durant l’exécution suppose à la fois le recours à des indicateurs
appropriés et un contrôle méthodique de l'avancement des actions sur le terrain.
A cet effet, le tableau de bord (TdB), mis en
place en concertation avec les principaux responsables, donne à tout
moment un aperçu visuel des indicateurs clés. (1) Destiné
aux acteurs concernés, ce document permet de confronter les résultats obtenus
aux objectifs prévus, de corriger les situations dangereuses, d’éviter ainsi les
mauvaises surprises.
Contrôler
peut a priori vouloir dire surveiller une action et chercher à la
maitriser en vérifiant sa validité après-coup... Qu’en est-il ?
Un contrôle prospectif ou rétrospectif ?
Le tableau de bord, dans sa version « classique », est
conçu pour vérifier l’action accomplie et évaluer les
écarts avec la ligne tracée… Par exemple, une analyse des chiffres de vente montre
que le décollage du nouveau produit est plus lent que prévu. On décide alors de
retoucher le plan d’action en renforçant la publicité autour de ce produit. On constate
telle anomalie, puis on rectifie. « Cependant, pour mettre en œuvre une
stratégie dans un contexte tourmenté, ce n'est pas d'un tableau de bord de
constat dont nous avons besoin mais bien d'un tableau de bord de
pilotage ». (2)
La
différence fondamentale entre ces deux versions réside dans la relation au
temps de chacune d’elles et sa position dans la succession ci-après :
1. Avant/planification ; 2. Pendant/exécution
; 3. Après/vérification.
Le
TdB de constat trouve sa place au temps 3, à un moment où il est souvent trop
tard pour rectifier le tir. Le TdB de pilotage est utilisé au temps 2, durant
l'exécution, lorsqu'il est encore possible de corriger une action ou même de
changer de direction.
Il
ne suffit pas d’obtenir rapidement l’information concernant un des indicateurs
du TdB. Il faut encore pouvoir disposer des données qui permettent de faire des
prévisions et donc d’anticiper l’évolution de l’activité de
l’entreprise. Le manager a constamment besoin de
savoir « où il va ». Il anticipe un problème de trésorerie, une augmentation
des charges, le lancement d'une nouvelle activité, le recrutement de nouveaux
collaborateurs, etc. « Sans un minimum d’anticipation, la rentabilité de
votre entreprise sera aléatoire et vous serez incapable de prendre les bonnes
décisions au bon moment et en connaissance de tous les paramètres ». (3)
On
convient que le montant des ventes facturées par exemple est une donnée trop
tardive. En revanche, le nombre de devis réalisés et celui des devis traduits
en commandes fermes sont des données essentielles. Si ce nombre se met à baisser,
on décide sans tarder d’agir sur les différents leviers de l’action commerciale.
(4) S’il s’avère inversement que le carnet de commandes a dépassé les
prévisions, on cherche à anticiper avec le banquier une solution de trésorerie permettant
de faire face au supplément de production.
Le
TdB nouvelle génération est dès lors un outil proactif – en ce sens
qu’il agit sur des faits postérieurs, des évolutions possibles. Il permet de mesurer et de piloter la performance d’une entreprise par la mise en place
d’indicateurs d’actions
et de résultats. On arrive ainsi à anticiper
les réponses aux problèmes, à
s’adapter et à décider en temps réel.
On
s’aperçoit en fait qu’il n’y a pas un TdB mais plusieurs TdB,
selon les niveaux hiérarchiques liés par une relation de causalité (voir figure) :
« La Direction générale définit les objectifs de l'entreprise (la cible
à atteindre) et les actions pour y parvenir (la stratégie). Ces actions sont
regroupées en plans d'actions par métier ou par fonction. […] Chaque
responsable de division définit à son tour les actions à mener pour atteindre
les objectifs qui lui sont assignés. […] Ainsi, le lien entre chaque
niveau de tableau de bord se fait par le couple objectif-action. Les
réalisations d'actions définies au niveau N deviennent les objectifs du niveau
N-1 ». (5)
Un tel dispositif de tableaux de bord permet à la fois
le reporting d’un niveau à l’autre d’une manière
ascendante (par les indicateurs de résultat) et le pilotage des
actions au sein de l'unité (par les indicateurs d'actions et les indicateurs de
résultat).
Ici,
il faut s’empresser de préciser : un système de contrôle n’est pas
intrinsèquement prospectif ou rétrospectif. Il ne porte pas en
lui-même une propension à constater simplement les faits passés ou à réguler
l’action en prévoyant une évolution possible…
De
là, les indicateurs sont d’ordinaire classés en 3 catégories – en relation avec
le type d'information transmise et les attentes du décideur. L’indicateur
« Alerte » signale un état anormal du système nécessitant une
action plus ou moins immédiate (le franchissement d’un seuil critique entre
dans cette catégorie). L’indicateur « Equilibration », un peu
comme une boussole, informe sur le déroulement de l’action en relation avec les
objectifs fixés. L’indicateur « Anticipation » permet de voir par
avance l’évolution des faits et d'envisager les réactions appropriées. (6)
Il reste maintenant à savoir à quel rythme la diffusion de ces indicateurs sera assurée.
Un
contrôle à quelle fréquence ?
A cette question cruciale une réponse abstraite n’est
pas possible... Quantité d’explications ont été proposées, ici et là, sans
pour cela éviter les équivoques. Sur tel site, on peut lire : « Le tableau de bord [permet de] gérer l’activité au fil de l’eau,
quotidiennement ou presque. Tandis que le reporting mensuel constitue un “arrêt
sur image” périodique qui aide justement à prendre du recul avec ce quotidien ».
(7) Certes, reporting et TdB ne sont pas à confondre (8) et un document disponible
au jour le jour constitue l’idéal en tant qu’outil de pilotage, mais il ne faut
pas se méprendre : la périodicité ne doit pas être considérée dans
l’absolu. La fréquence optimale n’est pas la même d’un projet à
l’autre, d’une tâche à l’autre. Tout dépend
de la nature et la portée de l’activité considérée.
Si l’impact d’une opération promotionnelle
est d’ordinaire assez rapide, il n’en est pas de même d’une action portant sur
la distribution, la communication ou la formation du personnel. Dans le premier
cas, le suivi gagne à être quotidien ; dans le second, un contrôle une
fois par semaine ou peut-être par mois ne sera pas forcément qualifié de simple
constat après coup. « Le tableau de bord véhicule en fait des documents très divers, dont le
rythme optimal de diffusion varie en fonction de la nature de l’information
émise, voire même suivant les destinataires d’une même information ».
(9)
Tendanciellement, en effet, une certaine
corrélation est perceptible entre les
niveaux de responsabilité et les différents horizons de temps. Disons, pour simplifier, que les divers managers
disposent de tableaux de pilotage spécifiques et qu’à la limite chaque collaborateur
peut disposer d’une sorte de mini tableau lui permettant d'avoir une vision de son activité propre. Le TdB d'un niveau hiérarchique donné inclut une
synthèse des TdB du niveau hiérarchique inférieur. Alors que l’employé en charge d’une action s’astreint à
des relevés quotidiens, son directeur hiérarchique peut superviser le travail
réalisé au rythme d’une fois par semaine ; le directeur général, quant à lui,
peut s’en tenir à un suivi mensuel.
Ce schéma n’a bien sûr rien d’absolu… Le
propos du patron
de la société Stokvis N.-A. (matériel agricole à Bouskoura) en fournit une
illustration : « Un tableau de bord
arrive tous les matins sur mon ordinateur. Il me dit où nous en sommes par
rapport à ce qui a été décidé pour l’année. Quand il y a des problèmes, cela
transparaît dans le plan de marche et nous agissons en conséquence ». (10)
C’est cela, tout
bien considéré, le véritable enjeu du tableau de bord : permettre à
l'entreprise de rectifier le tir pendant le parcours, d’agir au moment adéquat.
Thami BOUHMOUCH
Décembre
2015
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(1) Cf. à ce sujet un article précédent (2011) : Le tableau de bord, outil de
pilotage http://bouhmouch.blogspot.com/2011/11/le-tableau-de-bord-outil-de-pilotage.htm
(4) Cf. http://ressources.aunege.fr/nuxeo/site/esupversions/45783543-1303-4e10-a805-5ae24df95a49/res/l3_3.pdf
(8) Cf. à ce sujet un article
précédent (2011) : Il n’y a pas de planification sans système de contrôle
http://bouhmouch.blogspot.com/2011/10/il-ny-pas-de-planification-sans-systeme.html
http://bouhmouch.blogspot.com/2011/10/il-ny-pas-de-planification-sans-systeme.html
(10) Revue Essor (Casablanca),
avril 2007.
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