« Grâce au service clientèle, j'espère
garder 17.000 clients sur les 70.000 qui nous quittent chaque année. Il en
coûte 240 dh par client fidélisé. Le remplacer reviendrait dix fois plus cher »
J.-P. Dreyer (BNP)
L’entreprise, en
vue de satisfaire sa clientèle, œuvre à l'amélioration de la qualité de ses
produits et de son service-après-vente. Faut-il dépenser de l'argent à profusion
pour conquérir de nouveaux clients (difficiles à séduire) alors que les clients
actuels sont déjà acquis à la marque ? Bien des dirigeants adoptent l'idée que
« ailleurs l'herbe est plus verte » – et les directives
destinées à la force de vente entretiennent une telle obsession.
On a vu dans l’article précédent qu’il est plus facile
de perdre un client que de le conquérir. (1) La survie, la
croissance et la rentabilité dépendent, pour une part, de l’aptitude à
conquérir de nouveaux clients, mais elles dépendent plus encore de l’aptitude à
les conserver. Dans un contexte de rivalités et d’incertitudes, où les consommateurs sont devenus plus
exigeants et volatiles, il va
sans dire que les actions de fidélisation du client passent par la connaissance que l’on a de lui, reposent sur un
travail d'identification. Il faut être en mesure de déceler
les éventuels mécontents, de décider des actions à mener en priorité pour répondre le plus
finement possible à leurs déceptions.
L’information
client est donc au cœur des stratégies de fidélisation… Connaître le client, c’est l'écouter en permanence et par-dessus tout
traiter ses réclamations.
Les
clients réclament
Que se passe-t-il la plupart du temps dans la tête du
consommateur une fois le produit acheté ? La comparaison entre la performance
escomptée et la performance réelle/perçue du produit fait apparaître (ou non)
un écart. Le décalage entre la satisfaction anticipée et la satisfaction à
l'usage est appelé dissonance cognitive. C'est un état psychologique qui
envahit le consommateur après l'achat, un sentiment de doute, de regret en cas
de déception.
Cette
phase ne saurait être négligée : la désillusion et le malaise peuvent
discréditer une marque. Un client mécontent n'achète alors plus le produit, se
tourne vers les concurrents, diffuse une information défavorable sur la marque.
Rappelons-nous Maroc Telecom après 1997 : l’opérateur était handicapé par son
passé. A l'accueil, les employés fournissaient des renseignements
contradictoires, dédaignaient les réclamations. Progressivement, les clients
mécontents optaient pour Meditel et parlaient
autour d'eux de leur déception.
L'insatisfaction des clients sanctionne l'entreprise, en menaçant sa survie. Pendant très longtemps Fiat Auto Maroc a lutté contre l'attitude négative du public. En 2006, la campagne de communication était axée sur le slogan « Ouvrez les yeux ». Le message disait : « Pensez par vous-même, oubliez les autres. Dépassez vos doutes et certaines barrières vous paraîtront plus fragiles ». L’année suivante, la communication portait sur la formule « Tout repose sur l’évidence ». Le but était d’inciter les clients à dépasser les préjugés, à constater les améliorations apportées.
Conserver
un client (acquis), répétons-le, coûte beaucoup moins cher que de le remplacer.
D'où l'instauration d'un service clientèle permettant de réduire
l'insatisfaction, de garder les clients mécontents. Au siège du Service-après-vente
de Hyundai à Casablanca, le texte affiché dans la salle d’attente est très
significatif : «
Satisfaits, dites-le aux autres ! Sinon, revenez vers nous ! ».
Le
SAV est une composante très sensible dans le processus de fidélisation. Un tel
service ne doit pas être regardé comme un centre de coûts. C’est un des
piliers d’une relation durable. Il peut donner lieu à un avantage
concurrentiel. Chez Ventec Maroc (climatisation), 300 salariés et 15 cadres
assurent la maintenance, le bon fonctionnement du matériel (visites
préventives) et le dépannage. Au SAV de Whirlpool (électroménager) à
Casablanca, 16 techniciens s’activent pour une centaine d’interventions/jour. Celui
d’Electrolux (électroménager) intervient dans toutes les villes principales.
Son directeur commercial
disait : « L'objectif est de résoudre le problème du client, qu'il
soit sous garantie ou non, dans les meilleurs délais… ». Le concessionnaire
Sopriam a alloué 30 MDH à son SAV,
qui dispose d’un atelier « travaux rapides » et d’un service de
carrosserie performant...
Tant
d'efforts sont fournis, tant de soins sont apportés pour que le produit offert
mérite l'honneur d'achats ultérieurs/renouvelés. Il importe peu
que les activités d'entretien et de réparation soient prises en charge par le
fabricant ou transférées auprès des distributeurs. Il s'agit par-dessus tout
d'instaurer un dialogue, de rester à l'écoute du marché. Le but est de mesurer
le niveau de performance des produits et la satisfaction des clients.
La démarche du marketing de la fidélisation
L’organisation concentre toute son attention et axe son action
sur la principale source de revenus : le consommateur-acteur. La
fidélisation fait l'objet d'une démarche marketing ad hoc. Une démarche qui marque
le passage du monologue au dialogue avec les clients, lesquels ne sont plus
considérés comme des éléments passifs. Des
outils de communication sont destinés à établir avec eux une relation
individualisée, interactive et durable. Le marketing relationnel mis en
œuvre est par essence un marketing de communication : une
communication en direction des clients (mailing, sites web, e-mail, SMS…) et
une communication en provenance des clients (centres d'appel, e-mail, enquêtes
de satisfaction). Le développement des technologies améliore la relation ;
l’écoute des clients, la réactivité de l'entreprise se font en temps réel.
Pour cela, il est primordial de
constituer une base de données qualifiée et spécifique. Celle-ci
rassemble l'ensemble des informations sur les clients, permet de dresser un
profil précis de chacun d’eux, d’identifier les plus rentables, d’adapter
l'offre à leur personnalité, d’anticiper leurs réactions. Elle facilite la
personnalisation du contact à une échelle industrielle. La démarche de fidélisation consiste à enrichir constamment l'information client sur la base des données recueillies. Celles -ci portent sur au
moins 3 éléments :
- Le client, ses besoins et motivations, son processus
de décision, son degré de satisfaction, le montant
de ses achats, son appétence aux offres…
- Le réseau des ventes, les pratiques commerciales, les
procédures de contact avec le client, les conditions de négociation…
- Les concurrents, leur positionnement, leur démarche
commerciale et les caractéristiques de leurs offres.
« Ces 3 éléments permettent de se faire une
vision complète du client et de toutes les interfaces avec lesquelles il
interagit dans un univers d'offre donné ». (2)
Au Maroc,
les programmes de fidélisation, adoptés aux débuts par les compagnies
aériennes, les opérateurs téléphoniques et les marques de luxe, s’appuient
essentiellement sur deux leviers : le relationnel (conseils,
exclusivité, invitations…) et le transactionnel (remises, réductions,
cadeaux…).
Le marketing relationnel implique une véritable
révolution dans la culture d’entreprise. Il vise à redonner du sens à l’acte
d’achat. La marque engage
avec le client-acteur un processus d'interaction intelligente en vue de satisfaire ses attentes en permanence. Le fidéliser, en effet, ce n’est pas seulement le faire profiter des offres
spéciales ou lui accorder des réductions et des gratuités ; ce
n’est pas communiquer avec lui d’une
manière superficielle et épisodique. Maroc Telecom transmet à ses
abonnés cinq fois par an des messages de vœux ; est-ce suffisant pour se
faire pardonner les négligences et autres défaillances ? Fidéliser le client c’est le connaître de façon continue, personnaliser le service et le
contact, répondre clairement à ses questions, traiter correctement ses
réclamations…
La garantie contre les vices cachés, la livraison des
produits vendus et l’installation au domicile de l’acheteur, un service-après-vente
efficace (réparation,
dédommagement) mettent le client en confiance. Il s’agit également d’améliorer la qualité de l’accueil, de multiplier les marques d’estime et
de reconnaissance de la fidélité, d’envoyer des lettres de relance ou appels
téléphoniques. L’envoi de messages par Internet joue un rôle
important dans ce processus. Les cartes
de fidélité attribuées aux clients peuvent constituer un excellent
moyen de fidélisation. A la suite de chaque commande, des bons de réduction sont
offerts, compte tenu du montant de l'achat précédent. Cela permet à la fois de relancer
la demande et de conserver le client.
Le
marketing relationnel vise ainsi à connaître le client, le satisfaire,
communiquer avec lui et le fidéliser. Il y a lieu de
« développer le taux de satisfaction jusqu’à ce que le client soit
ravi. Tant que ce taux de satisfaction n’est pas acquis, la fidélité est
illusoire ». (3) Les efforts de rétention, rappelons-le, doivent
être justifiés. Il importe de savoir proportionner la valeur du client et les
dépenses exigées pour le conserver/reconquérir. Il s’agit avant tout de garder
les clients à fort potentiel.
Thami BOUHMOUCH
Avril 2013
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