Powered By Blogger

18 novembre 2011

L’INFORMATION COMMERCIALE : RESISTANCES ET QUIPROQUOS



L'information est regardée de nos jours, à juste titre, comme le nerf de la guerre commerciale. Elle permet à l’entreprise de mettre à profit les opportunités qui se présentent et d’échapper aux menaces qui peuvent surgir. Bien maitrisée, elle contribue à la dimension stratégique des décisions, donne lieu bel et bien à un avantage compétitif. « Elle est  la matière première indispensable à toute décision, sans quoi les plans les plus beaux ne diffèrent pas de l’affabulation et sont irrémédiablement voués à l’échec ». (1) L’enjeu est capital : être bien informé, c'est obtenir l'information dont on a besoin au moment où on en a besoin. Quelle est, à cet égard, l’attitude adoptée sur le terrain par les professionnels ?

Comprendre l'environnement
Il y a tout d’abord les irréductibles : ceux qui comptent sur le flair et l’intuition, qui sont rétifs à l’idée de payer pour obtenir l’information requise. Tel cet industriel qui disait à ses collaborateurs qui proposaient de réaliser une enquête : « faites l’étude… mais je sais ce que vous allez trouver. Je connais très bien mes clients et le marché. L’étude montrera ce que je sais déjà ». Tel autre, qui avait pourtant placé des fonds importants dans une nouvelle activité, avouait ne pas avoir effectué d’étude de marché : « vu le contexte, ce n’est pas nécessaire. L’étude de marché n’a de sens que dans un secteur où la concurrence est dynamique et intense ». L’erreur ici est double : d’une part, une faible présence de la concurrence dans un secteur n’est nullement un fait perpétuel ; d’autre part, une étude de marché vise par-dessus tout à identifier les clients ciblés et leurs attentes (compte tenu bien sûr de l’action des concurrents). Etudier un marché, c'est comprendre l'environnement dans lequel vous comptez agir et évoluer
Que dire alors de ceux qui se croient tous seuls sur le marché ? Ils n’ont d’yeux que pour leur affaire, ne voient nulle rivalité dans les parages. Mais un tel simplisme n’est pas permis : « Si vous n'identifiez aucun concurrent qui fasse le même métier que vous, c'est que vous devez avoir des concurrents indirects, c'est-à-dire qui répondent aux mêmes besoins que votre offre, mais par des moyens différents. Il faut être plus averti et imaginatif pour détecter cette concurrence ». (2)
Il ne suffit donc pas de comprendre le client. L'entreprise qui réussit est celle qui ne perd de vue ni ses clients ni ses concurrents. Ces derniers luttent au sein du secteur pour améliorer leur position ou simplement la maintenir. Dans quelle mesure sont-ils dangereux ? Quels sont leurs produits ? Quelles sont leurs forces et faiblesses ? Il s'agit d'évaluer sa propre position par rapport aux compétiteurs les plus dangereux, de suivre attentivement leurs actions et performances : parts de marché, présence aux points de vente, lancement de produits, prix pratiqués, messages publicitaires, regroupements en vue.  
S'enfermer dans ses certitudes, c’est être incapable de réagir aux retournements du marché. Un dirigeant se doit d’examiner avec attention et en permanence la réalité sur le terrain. Une telle vigilance, il est vrai, tend à générer une pression psychologique considérable. L’entreprise tend à vivre continuellement en position défensive, sous la menace du court terme.
Les entreprises efficaces s’organisent pour acquérir l’information nécessaire. Elles se dotent pour cela d’une structure, de méthodes adéquates et d’un mode de fonctionnement, d’un système informatique et de logiciels pour traiter les éléments recueillis, d’une base de données pour les conserver (3). Rien en fait n’est facile : les projets d’informatisation ne sont jamais mis en place sans encombre. Les commerciaux, qui y voient un moyen de contrôle autoritaire et contraignant, sont les premiers à faire obstacle. Mais, avec le temps, ils comprennent que ce changement leur permet d’organiser efficacement leurs contacts avec la clientèle. Ces intervenants, en effet, sont amenés constamment  à recourir, depuis leurs ordinateurs (via Internet), aux données disponibles au sein de l’entreprise.


L’information partagée et divulguée
Se préparer à affronter ses concurrents, c’est comme dans un match de football : il faut connaître les objectifs (affichés) de l’adversaire et sa stratégie, son organisation et ses compétences distinctives. Le designer d’automobile H. Otto (marque Volvo) disait à peu près ceci : « étudier ce que fait le concurrent ne sert pas à grand-chose. Il est préférable de s’intéresser à ce qu’il ne fait pas ».
Une veille pointue et systématique de l'environnement est mise en œuvre. Elle apporte une visibilité nouvelle et tend à enrichir l’entreprise des connaissances indispensables à l’action. Plus les mouvements du marché sont erratiques, plus la concurrence est exacerbée, plus il est indispensable de tout savoir, mieux et plus vite que les autres. Le temps est un paramètre crucial : l’information collectée est une denrée périssable ; si elle est dépassée, elle n'est plus pertinente… « Construire une veille permanente, suppose que l’entreprise ait les moyens (ou ait l’intention de se donner les moyens) de réagir rapidement en fonction des informations recueillies, voire même d’anticiper l’action de la concurrence. La veille concurrentielle, bien organisée, est un phare que l’on allume pour mieux voir la route : elle est tournée vers le futur ». (4)

Une cellule de veille s’impose donc à l’esprit, mais qui est concerné ? En théorie, dans une entreprise, la veille est l’affaire de tous. L’idée (véhiculée par les Japonais) est acceptable par principe : l’employé qui tombe sur un renseignement majeur se fait un devoir de le transmettre à toute l’équipe. En pratique, les plus impliqués sont ceux qui sont mis en contact direct et régulier avec l’information : documentalistes, cadres du marketing, commerciaux, responsables du service-après-vente… Alors se pose la question du partage et de la communication.
L’information, en interne, est censée être transmise sans restriction à l’ensemble des collègues concernés. Une circulation fluide au sein de l’organisation est l’une des clés de l'efficacité. C’est d’ailleurs ce qui fonde l’intelligence marketing. Mais le partage et l’échange ne vont pas de soi : ils supposent que tous les collaborateurs adhèrent à l’idée et œuvrent réellement pour cela. Car des réticences coriaces persistent : l’information obtenue est perçue comme une source légitime de pouvoir, une propriété individuelle. De là, elle est maintenue soigneusement dans le secret. Chacun est tenté de s'en servir pour parvenir à ses fins propres. Celui qui sait plus que l’autre entend s’imposer, progresser dans la hiérarchie plus facilement.
Le fait est que le refus du partage nuit à l'efficacité collective et ainsi aux intérêts de l'entreprise. Revenons à l’exemple du football : imaginons un joueur qui refuserait de passer le ballon à ses partenaires… «La rétention d'information s'oppose au partage d'information, considéré comme l'un des trois piliers de l'ingénierie des connaissances. Elle a donc des conséquences négatives sur l'organisation en réseaux des entreprises. [Elle] a un coût financier, qu'il est difficile d'évaluer, mais qui est réel. Le coût de l'ignorance peut dépasser les dépenses liées à l'acquisition des informations et des connaissances nouvelles». (5) Voilà pourquoi d’aucuns tendent à faire du partage de l'information un critère d'évaluation de la performance individuelle.
L’information, en externe, est destinée à être divulguée. C’est là le second écueil : la divulgation de l’information en dehors de l'entreprise se heurte immanquablement à la culture du secret. Au Maroc, la règle de l’opacité prévaut déjà dans les administrations et les collectivités locales. Ce serait bien le diable si l’on obtenait des renseignements, même sur un sujet du domaine public. (6) L’opacité est également présente dans les statistiques officielles : par exemple, le site du ministère du commerce est mal structuré et les données présentées ne sont pas systématiquement mises à jour. Du côté des entreprises, la rétention de l’information est devenue un second réflexe de fonctionnement. D’ordinaire, il faut attendre le 30 septembre pour voir publier les chiffres du 1er semestre…
Ainsi se dégage un impératif majeur : l'information ne circule pas à sens unique ; si l'on s’emploie à l’acquérir, il faut accepter de la transmettre. « Je donne donc je reçois » : l’image de ce cercle vertueux gagne à être inculquée au sein de l'entreprise.
Thami Bouhmouch
14 novembre 2011
_________________________________________________
(1) Charles Hunt, Vahé Zartarian, Le renseignement stratégique au service de votre entreprise, First 1990, p. 22.
(3) Selon une étude récente d’un cabinet d’enquêtes, à peine 27 % des PME au Maroc possèdent un outil de gestion informatisé. Source : www.marocwebo.com/economie/
(6) Au Maroc, on sait que les journalistes exigent le respect de leur droit de recueillir et diffuser l’information détenue par l’administration... Cf. www.right2info.org/resources/publications/

4 commentaires:

  1. Bonjour Thami,

    Hors sujet, avez-vous lu, ce jour, sur mon blog la lettre de l'anticolonialiste Henri POUILLOT adressée au ministre de la Défense, Gérard LONGUET, ex-militant du groupuscule fasciste Occident?

    Cordialement.

    Jacques Tourtaux
    Anticolonialiste
    en Guerre d'Algérie

    RépondreSupprimer
  2. Bonsoir,
    J'ai lu la lettre en question, j'avoue ne pas comprendre. Qu'est ce qui est hors sujet ?
    Cordialement.

    RépondreSupprimer
  3. Bonsoir,

    J'ai voulu dire que la lettre d'Henri POUILLOT au ministre n'avait aucun rapport avec le texte ci-dessus.
    Rien de grave donc.
    Ce mardi, des difficultés pour publier sur over-blog. Je suis parvenu difficilement à poster des textes mais ceux-ci n'apparaissent pas sur l'écran.
    J'espère que cette panne n'est que passagère.
    Cordialement.

    RépondreSupprimer
  4. Bonsoir,
    Tout est clair maintenant...
    Je ne peux qu'avoir de l'estime pour des anticolonialistes comme vous et H. Pouillot. Sur le blog Barricade 21, vous avez écrit : "Les bidasses tombés sur cette terre lointaine ne sont pas morts pour la France comme on veut le faire croire mais uniquement pour les tenants du fric. Il en est ainsi pour toutes les guerres". Jusqu'à nos jours...
    Très cordialement.

    RépondreSupprimer