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21 décembre 2014

LE MARKETING S'ADAPTE AUX ATTITUDES OU LES FAIT EVOLUER


Série : Compréhension du consommateur


Les attitudes, comme nous l’avons vu précédemment, se concrétisent en un comportement apparent. Le praticien du marketing est amené à bien les comprendre, à les prévoir, parfois à les contourner ou même à les modifier. Cela conduit à se demander : peut-on parvenir à changer une attitude ? Ne faut-il pas se borner à s’y adapter ? Au Maroc, les hommes sont nombreux à regarder la contraception comme une « affaire de femme » et ne se sentent donc pas directement concernés par la question de planification familiale. Les responsables de la Santé Publique doivent-ils admettre cette position ou au contraire chercher à l’infléchir en favorisant le recours aux préservatifs ?

S’adapter aux attitudes préexistantes
Pour orienter l’action, en tout état de cause, il importe préalablement de bien repérer les attitudes et les mesurer. L’investigation fournit des éléments d'analyse précieux : elle révèle ce que le consommateur sait d'une marque (aspect cognitif), quelle attirance ou répulsion il ressent à son égard (aspect affectif), quelles sont ses intentions d'achat face à une offre donnée (aspect conatif). Lors d'un sondage, le sujet est invité à placer ses réponses aux questions posées sur diverses échelles (Osgood, Lickert). (1) Au moment du traitement, on additionne les scores obtenus sur chacune des réponses.
Un produit n’est pas acheté s'il ne bénéficie pas d'une attitude favorable auprès du consommateur. Que peut faire alors l'entreprise concernée ? L’idée qui vient immédiatement à l’esprit est qu’il faut s'adapter à cette attitude, proposer une offre rigoureusement conforme à celle-ci. C’est la solution en général la plus aisée.
Une chaîne de télévision ne doit-elle pas tenir compte strictement des attitudes de son public ? N’est-ce pas l'orientation que 2M semble avoir entamée en 1995 en lançant ses fameux « programmes de proximité » ? Par ailleurs, lorsque Feeding Corporation, le fabricant de pâtisserie surgelée (tartes, croissants…), s’est lancé sur le marché marocain, le consommateur n'était pas favorable au concept. La direction a dû, dans un premier temps, renoncer aux particuliers en limitant sa cible au segment des hôtels et restaurants…


Modifier l’attitude
L'entreprise ne tend pas en toutes circonstances à s’adapter aux attitudes de son public cible. Elle peut si besoin est chercher à les transformer, à les faire évoluer en accord avec ses intérêts. Il s’agit alors de neutraliser les motifs de rejet, d’insister sur tel attribut du produit, de s'abstenir de mettre en évidence tel autre…  
Le praticien est bel et bien en mesure d’influer sur l’évaluation cognitive, les réactions émotionnelles et les prédispositions à agir. Il est possible d'agir sur ces trois dimensions par le recours à des arguments appropriés. C’est le sens qui est donné au repositionnement – un processus par lequel le marketing essaie de modifier les jugements et les croyances de l’individu, de l'amener à évaluer positivement un produit, d’influer sur sa disposition à l'acheter.  
Les attitudes, notons-le, n’ont pas le même degré de stabilité : les attitudes majeures ou centrales, enracinées dans un système vaste, tenant à des valeurs fondamentales se distinguent des attitudes mineures, isolées ou périphériques. S’agissant des produits de grande consommation, ce sont les attitudes de seconde catégorie qui prévalent et l’acheteur est ainsi relativement maniable. Plus une attitude est ancrée dans l’esprit ou liée à la satisfaction d’un besoin intense, plus il est difficile (et coûteux) de la modifier.
Il importe de préciser que, le cas échéant, une action de modification des attitudes est envisagée conjointement avec un effort d’adaptation du produit. La marque japonaise de motocyclette Honda voulait jadis conquérir le marché étasunien. Les dirigeants s’interrogeaient sur l'attitude de l’acheteur potentiel à l’égard de la moto. Une étude sur place a montré que la moto ne bénéficiait pas d'une image positive, était associée à la délinquance et au désordre social. L’action adoptée avait alors pour but de modifier cette perception, en supprimant les signes qui pouvaient être associés dans l'esprit du sujet aux loubards et aventuriers. Il fallait éviter l'allure ou l'apparence dévergondée de la moto.
Jusqu’à encore il y a dix ans, Fiat Auto Maroc a souffert de l'appellation « voiture économique ». Elle a été obligée de réagir à la dépréciation progressive de son image, de prendre des mesures concrètes de réhabilitation. Deux messages récents ont mis l’accent sur les efforts fournis : « Pensez par vous-même, oubliez les autres. Dépassez vos doutes et certaines barrières vous paraîtront plus fragiles » (novembre 2006) ; « Tout repose sur l’évidence » (avril 2007). Le but était clairement d’inciter la cible à dépasser ses préjugés, à constater les améliorations apportées au produit.
Lorsque les concessionnaires Renault au Maroc ont constaté, s’agissant des contrôles et réparations, que les acheteurs tendent à traiter avec leur mécanicien habituel plutôt qu’avec la marque, ils ont entrepris d’améliorer leur SAV, puis de communiquer afin de vaincre les réticences.

Agir comment ?

Il est possible de générer un changement d'attitude auprès de l’individu – conformément aux objectifs définis (CA, rentabilité…) – par le recours à la persuasion, à l'encouragement, au sentiment d’autoconservation ou à la peur.

1. La persuasion
Il s'agit de neutraliser le jugement préconçu (négatif) du sujet, de le séduire, de le gagner par des arguments forts. La société P & G au Maroc, il y a quinze ans, œuvrait pour un changement des attitudes à l’égard des serviettes hygiéniques. Le patron voulait « porter le consommateur à utiliser nos produits, plutôt que l'accompagner dans ses modes de consommation propres ». (2) De même, la progression spectaculaire de la margarine sur le marché marocain, où le beurre était dominant et populaire jusqu’aux débuts des années 1990, est due au travail de sensibilisation effectué par les producteurs. Le message était axé sur deux arguments : le prix moins élevé et les « vertus diététiques » de la margarine. 
Dans le secteur touristique, il suffit qu’un évènement tragique ait lieu quelque part (attentat, épidémie) pour qu’une psychose et un sentiment d'insécurité fassent reculer l’activité en provoquant des annulations nombreuses. Dans un pays comme le Maroc, l’Etat (l'ONMT) est alors amené à prendre en charge des actions de communication persuasive. 
  
2. L'encouragement.
L’idée est de stimuler l’individu, de l’inciter par le geste, de l’amener à faire le premier pas – et ce par des contacts directs, des initiatives concrètes. Au Maroc, l'hygiène bucco-dentaire est demeurée longtemps insuffisante. Les actions menées par Colgate-Palmolive ont été dès lors tournées vers la sensibilisation et l'éducation dans les écoles. Des programmes appropriés ont été mis en œuvre en partenariat avec les ministères de la Santé et de l'Education. Ils portaient sur les visites d'écoles, la distribution de kits (dentifrice, brosse à dent) et un effort de communication à la télévision (Dr Sninate)… Unilever (Signal 2) a mené une action similaire : un cabinet dentaire mobile visitait les écoles pour initier les enfants au brossage, en plus de la conception de films, de livrets et de jeux pédagogiques axés sur le sujet. Son PDG disait : « Le marché bucco-dentaire ne peut se développer que par une politique d'éducation. Certes, c'est un long processus, mais qui finira par porter ses fruits ». (3)
On se rappelle, il y a douze ans, de la campagne intitulée « Visa pour vos achats de tous les jours » lancée par Visa International et les banques de la place. Le but était d’encourager le consommateur marocain à utiliser la carte Visa pour les paiements au lieu de la destiner aux seuls retraits aux guichets automatiques.
3. Le sentiment d'autoconservation
Il s’agit ici d’exploiter l'aspiration du sujet à se préserver physiquement. On retrouve un tel sentiment dans ces messages publicitaires : « Le dentifrice Denivit redonne à vos dents leur blancheur naturelle sans altérer l'émail » ; « L'Oréal Plénitude retarde les effets du vieillissement de la peau » ; « KLORANE pour des cheveux plus forts et plus vigoureux »…
4. La peur, la menace
L'entreprise est portée parfois à suggérer un risque, comme moyen de pression. Plus la crainte est grande, plus vif est le désir de l’écarter. La campagne contre la drogue menée en 2001 par l'Observatoire National des Droits de l'Enfant s’appuyait sur la peur. Le message publicitaire, montrant le corps d'un enfant recouvert d'un drap blanc sur une civière, disait : « Un jour ou l'autre les enfants qui se droguent finissent par s'arrêter ». La campagne contre le sida de l'ALCS a lancé à la même époque ce message : « Le sida, pensez-y avant qu'il ne pense à vous ». 
On sait enfin que la mise en place d'un réseau informatique (donc partage de données) comporte des risques réels ; la liste des attaques possibles est longue et peut faire peur. Au Maroc, l'association BSA, regroupant cinq concepteurs de solutions informatiques, a lancé en 2000 une campagne de lutte contre le piratage de logiciels : « Un réseau informatique comporte des risques réels : piratage ou destruction de données, vols de fichiers, virus, etc. Nous avons la solution ».

Thami BOUHMOUCH
Décembre 2014
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 (1) Exemple d’une question : « La marque Macao convient parfaitement à un chocolat – Etes-vous tout à fait d'accord, plutôt d'accord, sans opinion, plutôt pas d'accord, pas du tout d'accord ? ».
(2) Cités in revue Economie & Entreprises, février 2000.
(3) Cité in L'Economiste, 19/12/96.

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