Série : politique internationale
Durant ces vingt dernières années, pour justifier la continuation de l’existence de l’OTAN, les puissances d'Occident sont passées de la nécessité de contrecarrer l’Union Soviétique à celle de "s’opposer au terrorisme", avec son cortège de coups de force tous azimuts, assorti de manœuvres au profit des multinationales étasuniennes. La politique internationale se fonde plus que jamais sur les prétextes et les artifices afin de légitimer l’intervention militaire.
La fameuse "sécurité nationale"
américaine conduit à imposer partout des garnisons et bases militaires, à
perpétrer des assassinats, des invasions et des campagnes de bombardements, à
sponsoriser des régimes crapuleux et des réseaux terroristes transnationaux. Ainsi,
dès 2003 un plan de "contre-terrorisme" a été lancé en Afrique de
l’Ouest ; l’année suivante, des Forces spéciales ont été directement
engagées dans la région du Sahel. Le Pentagone ne cherchait rien d’autre qu’à s’établir
dans le Golfe de Guinée afin de contrôler la route transafricaine du pétrole et
les réserves vitales d’hydrocarbures qui y ont été découvertes. La série
spectaculaire de prises d’otages visait tout simplement à manipuler les
masses, à "créer des problèmes, puis offrir des solutions" (Noam
Chomski). Il s’agissait, dans le sillage des agressions guerrières, de
raffermir la mainmise des entreprises américaines et européennes
sur les ressources locales.
Les médias donnent l’impression de savoir ce
qu’est le terrorisme. Nul pourtant ne s’est soucié sérieusement de le définir
au préalable. Est-ce donc un phénomène connu de tous sans qu’il y ait besoin de
l’expliciter ? Peut-être est-ce une construction purement idéologique
impossible à cerner dans la réalité ? Les États-Unis se sont distingués par leur interprétation unilatérale de
ce fléau, une interprétation adaptée strictement à leur vision et intérêts
politiques. Selon la définition énoncée dans le code officiel des lois
étasuniennes, « le terrorisme est
l’usage délibéré de la violence ou la menace de la violence pour atteindre des
objectifs qui sont de nature politique, religieuse ou idéologique […] par le
recours à l’intimidation ou à la coercition ou en inspirant la peur ».
(1) Si l’on applique cette
interprétation aux massacres de civils et destructions de biens publics commis
par les Etats-Unis en Irak, en Afghanistan, en Syrie et au Yémen, ce pays serait
à juste titre le plus grand agent
terroriste ou le plus grand sponsor
du terrorisme au monde. On pourra dire autant de l'entité coloniale sioniste.
De là, on s’aperçoit que le reproche que la Maison Blanche osait faire à Kadhafi dans les années 80, n’était pas dû à son soutien à des groupes terroristes, mais au fait qu’il ne soutenait pas les "bons groupes terroristes", c’est-à-dire les groupes bénis et ratifiés par Washington, tels les Contras au Nicaragua, l’Unita en Angola, les nervis cubains à Miami, les activistes au Salvador et au Guatemala, en plus des militaires et colons judéo-sionistes. Les nouvelles autorités libyennes ont été installées grâce à la puissance de feu de l’organisation terroriste nommée OTAN, en collaboration étroite avec son bras judiciaire, la CPI…
La nouvelle stratégie néocoloniale fait
preuve d’une absence totale de retenue. L’Occident américano-centré s’est échiné
à fabriquer des menaces improbables – en particulier depuis la chute du bloc de
l’Est. « Dieu merci, après quelques tentatives sporadiques de
cristalliser l’attention sur le narco-terrorisme, puis sur les armes de
destruction massive de Saddam Hussein, le terrorisme islamique tomba
littéralement du ciel pour offrir à cette défunte menace un digne successeur… ».
(2)
On sait ce qu’il en est aujourd’hui en
Occident du racisme antimusulman désormais conforté par la peur du "terrorisme",
peur savamment attisée par les médias. Alors qu’au début du XXe siècle les
Juifs étaient perçus comme une menace pour la civilisation européenne, voilà
qu’en ce début du XXIe siècle les Musulmans leur ont succédé en tant que boucs
émissaires. Tous ceux qui déblatèrent des horreurs contre "l’islamisme"
ne savent pas de quoi il retourne. « L’islamisme est le retour au
référentiel islamique afin de trouver des solutions aux problèmes sociaux
et politiques. Ce retour aux sources est
producteur de sens et donc de résistance à tout système de domination. Au nom
d’une identité bafouée, d’un héritage culturel et scientifique sacrifié, des
mouvements se sont levés pour réclamer une rupture avec la culture dominante,
imposée au nom du progrès. Un progrès, fruit d’une histoire perçue comme propre
à l’Occident et non liée à leur propre culture, à leurs nations ». (3)
A cet égard, une réflexion de P. Sacre
mérite mention : « Le terrorisme islamique a cet avantage pour nos
gouvernements de ne pas être une menace clairement identifiée. Elle est perpétuelle,
floue, terrifiante et omniprésente. Cette menace, à l’ère de tous ces
moyens électroniques de surveillance et de repérage dont nous disposons, serait
malgré tout indestructible, insoluble, tout au plus pourrions-nous la contenir,
nous en protéger par des barricades et des miradors, des patrouilles et des
fouilles incessantes ». (4) La réponse au
"terrorisme" va tout bonnement se résumer à agresser sauvagement des
pays supposés protecteurs d’un prétendu réseau islamique hypertrophié…
Pourquoi en Afghanistan
des Corans ont-ils été brûlés par des bidasses yankees ? Parce qu’ils étaient
annotés par des prisonniers, lesquelles annotations n’étaient rien d’autre que des
explications ou des traductions de mots particuliers. L’envahisseur
croyait, sans se donner la peine de vérifier le moins du monde, qu’il
s’agissait de preuves d'affiliation à un
mouvement terroriste. Le nommé Tomas Young, vétéran de la guerre d’Irak, s’est adressé
naguère à Bush et Cheney en ces termes : « J’écris, non pas parce que
je pense que vous saisissez les terribles conséquences humaines et
morales de vos mensonges, manipulation et soif de richesses et de pouvoir.
J’écris cette lettre parce que, avant ma propre mort, je voudrais dire
clairement que moi-même et des centaines de milliers de mes camarades vétérans,
ainsi que des millions de mes concitoyens, tout comme des centaines de millions
d’autres en Irak et au Moyen-Orient, nous savons parfaitement qui vous êtes et
ce que vous avez fait ». (5)
A y regarder de près, l’écran du
"terrorisme" est par-dessus tout au service du sionisme.
Ce
n’est qu’une façon de diaboliser et discréditer la résistance anticoloniale. Non seulement la
lutte de libération nationale en Palestine est assimilée machinalement au "terrorisme"
dans tous les discours, mais toute action de collaboration contre ce péril
– créé de toutes pièces – répond directement et étroitement aux intérêts
sécuritaires de l’entité sioniste. La supercherie est d’autant plus alarmante
que l’occupation sioniste est censée assurer "la défense de l’Occident".
Freysinger l’exprimait avec exaltation : « Notre parti a toujours
défendu Israël parce que nous sommes bien conscients que, si Israël
disparaissait, nous perdrions notre avant-garde. […] Aussi longtemps que
les musulmans sont concentrés sur Israël, le combat n’est pas dur pour nous.
Mais aussitôt qu’Israël aura disparu, ils viendront s’emparer de
l’Occident ». (6)
On s’est ingénié à dissoudre le judaïsme et sa
singularité dans le christianisme et l’Occident, dans le but inavoué d’imposer
le mot d’ordre "défense de l’Occident". Ce concept est un tour
idéologique providentiel. Comme le note A. Gresh, il « suppose
d’abord d’identifier les juifs à l’Europe et de proclamer, comme une évidence,
l’existence immémoriale d’une "civilisation judéo-chrétienne".
L’entreprise ne manque pas de piquant si l’on se rappelle que cette expression
est née dans les années 1930, précisément pour contrer le discours hitlérien de
défense de l’Occident et de la civilisation chrétienne contre les juifs. Une
posture a-historique d’identification du judaïsme à l’Europe »… (7) Comment
croire à une telle manigance alors qu’à cette époque les juifs faisaient
l’objet de mesures de restrictions à l’immigration aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis ?
A cet égard, les média-mensonges fanatiquement
pro-sionistes sont aux premières loges. Depuis 2001, la Palestine est présentée
comme l’un des champs de bataille du "choc des civilisations", lequel
est censé opposer le monde occidental à l’islamisme, au "terrorisme
islamique", voire à l’islam. Dans ce scénario frelaté, l’Etat juif s’attribue
la mission dont rêvait le fondateur du sionisme T. Herzl, celle de "poste
avancé de l’Occident contre les barbares". Les consignes sont alors bien observées : le plumitif se doit d’expliquer que c'est
toujours "en état de légitime défense" que l'armée sioniste tue des
civils palestiniens, que les détenus palestiniens ne sont rien d’autre que des terroristes,
que le mouvement de résistance Hamas est un groupe islamiste qui "ne veut
pas la Paix", que le mur de séparation, établi sur les terres annexées, a
été érigé pour arrêter "les attentats terroristes"... (8)
Par une conséquence obligée, tous les militants antisionistes sont qualifiés de "terroristes". Le cas du dessinateur français Joe le Corbeau est encore dans les mémoires. En raison de son engagement en faveur de la justice, il avait perdu son travail, était poursuivi par la LICRA et menacé par la pègre appelée LDJ. En 2012, il avait dit ceci : « Le monde occidental est infiltré par le sionisme. Les médias de masse sont aujourd’hui tous aux ordres d’Israël et valident l’existence d’un régime qui ruine les nations, pille et tue en toute impunité. Les guerres et embargos contre le monde musulman sont justifiés par la diabolisation, notamment par des caricatures représentant l’Islam comme une religion approuvant le terrorisme. Le monde chrétien, quand à lui, est perverti par l'idéologie marchande des ces usuriers sans scrupules ». (9) Dans cette perspective, S. Halimi a écrit : « Depuis des années, avec une régularité lancinante, les mêmes travers scandent la relation des événements en Palestine. D’abord, celui qui consiste à rabâcher une histoire borgne dans laquelle le "terrorisme" des assiégés justifie forcément la "riposte" des assiégeants. Ensuite, celui qui accorde l’impunité à un belligérant doté d’une supériorité militaire écrasante se grimant en victime juste avant d’enclencher une nouvelle escalade armée… ». (10)
Contrairement aux militants antisionistes, les groupies et adeptes du sionisme ne
peuvent être bien entendu qualifiés de terroristes. Nul n’a oublié la déclaration ronflante du
militant sioniste Strauss Kahn : « Je considère que tout Juif de la
diaspora doit partout où il le peut apporter son aide à Israël. C’est pour ça
d’ailleurs qu’il est important que les Juifs prennent des responsabilités
politiques… En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, au
travers de l’ensemble de mes actions, j’essaie de faire en sorte que ma modeste
pierre soit apportée à la construction de la terre d’Israël »… (11)
Si un Musulman (ou autre) tenait un discours similaire mais diamétralement opposé,
on l’arrêterait illico pour "soutien au terrorisme" ! Ce sont les Français
"issus de l’immigration" (selon la désignation qui leur est
spécifiquement consacrée) qui sont accusés de communautarisme et de vouloir
importer en France le conflit du Proche-Orient. Ils sont régulièrement
soupçonnés de faire allégeance à des puissances occultes ou à des États étrangers
en vue "d’infiltrer la République".
Par ailleurs, la "menace
terroriste" en Occident se révèle aujourd’hui le meilleur moyen de faire
peur, de façonner l’inconscient des masses, de les conforter dans l’obéissance au
pouvoir en place. Elle est devenue une arme psychologique visant
à légitimer des politiques hyper-sécuritaires, à faire accepter aisément des mesures
impopulaires. C’est en effet toujours pour le bien du peuple que l’Etat supprime
les libertés. Ce serait un désagrément nécessaire face au péril omniprésent
– islamiste ou autre, peu importe… La menace est visiblement brandie à point
nommé lorsqu’il est question de subjuguer une population rétive aux politiques
d’austérité, à des directives liberticides insoutenables.
Les moyens pour surveiller/contrôler les citoyens sont
plus subtils et moins visibles que dans les régimes totalitaires mais tout
aussi déloyaux. G. Debord se range à cet avis : « Cette démocratie
si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut
être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du
terrorisme est écrite par l’État ; elle est donc éducative. Les
populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais
elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à
ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en
tout cas plus rationnel et plus démocratique ». (12)
Thami BOUHMOUCH
Janvier 2021
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(1) Cité par Bianca Zanardi, Terrorisme et antiterrorisme : comprendre les changements http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-875_en.html
(2) Edward
S. Herman, Produire des Etats ratés. http://anti-fr2-cdsl-air-etc.over-blog.com/article-comment-washington-developpe-le-terrorisme-interieur-pour-justifier-la-guerre-110989794.html
(3) Zhor Firar, Fouad Imarraine et Omar Mahassine. Les révolutions arabes, où est l'islamisme ? http://www.legrandsoir.info/Les-revolutions-arabes-ou-est-l-islamisme.html
(4) Pascal
Sacre, De 1933 à 2010, toujours la peur et le prétexte de la menace
terroriste.
http://www.legrandsoir.info/De-1933-a-2010-toujours-la-peur-et-le-pretexte-de-la-menace-terroriste.html
(5) Cité in : Un vétéran de l’armée américaine à l’agonie dénonce la guerre illégale en Irak. http://www.mondialisation.ca/un-veteran-de-larmee-americaine-a-lagonie-denonce-la-guerre-illegale-en-irak/5329509
(6) Cité par Olivier Moss, Les Minarets de la
discorde, Edit. Infolio 2009.
(7)
Alain Gresh, De l’antisémitisme au "péril musulman". https://blog.mondediplo.net/2010-10-20-De-l-antisemitisme-au-peril-musulman
(8) Cf. Rudi Barnet, Comment écrire un article sur la « réalité »
israélo-palestinienne http://www.palestine-solidarite.org/Journal_de_Palestine.583.pdf
(9) Joe Le Corbeau, Sens critique https://www.senscritique.com/livre/Shoah_Hebdo/8277489
(10) Serge
Halimi, Tout est simple à Gaza... http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-gaza-ce-29-septembre-2012-112991825.html
(12) Guy Debord, Le jeu de massacre contre les
institutions.
https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/04/12/jeu-de-massacre-contre-les-institutions_5284259_3260.html
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